Centrafrique : je détruis mon pays aujourd'hui demain je serai réfugié politique et pauvre ailleurs....

Mais pourquoi pas reconstruire maintenant pour garantir une retraite paradisiaque ? 

La Centrafrique est une ancienne colonie française. Après l’indépendance mal acquise ou seulement de droit, la destinée et la gestion de la chose publique sont transférées aux autochtones. C’est ainsi qu’après la disparition tragique du président fondateur Barthélemy Boganda, les élites nationales se sont succédé à la présidence de la république. Contrairement aux autres pays africains qui sont dans les mêmes conditions que nous, la gestion de la chose publique évolue de mal en pire avec des épisodes rebondissants.

La gestion de la chose publique centrafricaine est toujours caractérisée par une gestion clanique, éthique, régionale, le clientélisme, le népotisme, la corruption, la concussion, le détournement impuni de deniers publics, la méfiance à l’égard de l’armée nationale au profit de l’armée prétorienne, le partage des postes de responsabilité, l’octroi des bourses d’études et de formations professionnelles réservées à leurs progénitures, amis et connaissances, la justice sociale ignorée, le bradage des ressources du pays car c’est notre tour et même les droits des retraités piétinés.

On remarque aussi des châteaux qui sortent de terre comme des champignons en un temps record etc... le tout couronné par des coups d’Etat cycliques et des mutineries d’une frange de l’armée. Si nous nous referons aux annales rétrospectives de la vie politique centrafricaine, presque tous les Présidents qui se sont succédés ont contribué chacun à sa manière à la destruction du pays et ont tous été à un moment de la vie réfugiés et pauvres à travers le monde.

C’est ainsi qu’à l’orée des indépendances, le président Dacko s’est retrouvé en France, le président Bokassa réfugié et pauvre en Côte d’Ivoire puis en France, le président Kolingba n’a échappé à la règle car il fut réfugié en Ouganda et en France, le président Patassé au Togo, le président Bozizé entre l’Ouganda et le Kenya, le président Dotodja après sa démission forcée s’est retrouvé au Bénin car il y est propriétaire d’un bien immobilier.

La présidente de transition fait l’exception car il s’agissait d’une transition consensuelle.

L’actuel locataire du palais de la Renaissance n’échappera très certainement pas à cette logique institutionnelle. D’ailleurs, même s’il ne s’agissait pas d’un asile politique, l’élu de la nation était absent de Bangui lors de l’invasion insurrectionnelle de la nébuleuse Seleka en 2013.

Il faut également relever que certains ont été condamnés par contumace et d’autres rêvent encore en déstabilisant le régime en place pour nourrir les derniers espoirs car aucun n’est revenu au pouvoir à l’exception du président Dacko. Cette descente pyramidale en enfer interpelle le citoyen lambda qui s’interroge :

  • Depuis les indépendances, pourquoi tous les chefs d’Etat n’aspirent qu’à détruire ou brader les ressources du pays ?
  • Pourquoi aucun chef d’Etat centrafricain n’est resté dans son pays après sa retraite politique ?
  • Savez-vous que le pays d’hospitalité qui vous offre l’asile a été construit par les dignes fils du pays ?
  • À quoi sert d’amasser des fortunes au détriment du peuple si au final vous ne vous en servez pas ?
  • Pourquoi expatrier des capitaux volés tout en sachant qu’ils seront confisqués ou gelés ?
  • Pourquoi ne pas créer de l’emploi aux jeunes avec les capitaux volés en créant des entreprises ?
  • Pourquoi ne pas être en symbiose avec son peuple comme le capitaine Jerry Rawlings qui, à la retraite se balade comme tout citoyen dans les rues d’Accra au Ghana ?
  • Comment en est-on arrivé à ce stade ?
  • L’exil est-il le seul moyen de se soustraire à la justice de son pays ?
  • Enfin, pourquoi ne pas construire maintenant son pays pour échapper à ce pitoyable asile ?

 

Au delà de toutes ces interrogations, il est important de rappeler que certains présidents même au niveau africain qui ont conscience et le respect de leur peuple sont généralement recyclés et reconvertis dans des missions humanitaires ou de médiation par des institutions internationales africaines et occidentales.

Avec le rythme de ce pouvoir, l’avenir de notre chère nation est donc incertain alors que le combat pour la vraie démocratie, surtout la restauration de la paix et de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national revêt une urgence extrême. Fort de ce qui précède, il est devenu irréversible et indéniable que le pouvoir prenne conscience de cette urgence et de définir le cadre, les conditions et les modalités d’un débat inclusif et franc avec toutes les couches de la nation afin de reconstruire. Mais comment reconstruire ?

Outre l’euphorie du partenariat russe, qui fait rêver le pouvoir au point de perdre tout réalisme et repère, le pouvoir doit se poser les vraies questions de fond en maintenant et pourvoyant les services sociaux de base, en rendant plus performant ce qui existait avant le conflit, en mettant un accent particulier sur les réformes, en rendant la justice équitable -ce qui écarte de facto l’amnistie-...bref de définir un plan prioritaire de reconstruction.

Enfin, si les groupes armés non conventionnels avaient une revendication politique bien clarifiée, le pouvoir devrait être géré par un tandem avec une personnalité politique neutre et crédible désignée par les groupes armés. Mais tel n’est pas le cas, ainsi nous proposons in fine un tandem avec un gouvernement d’union nationale dirigé par une personnalité de l’opposition démocratique. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi. 

 

Paris le 1 juin 2018.                                      

Bernard Selemby-Doudou  -Juriste, administrateur des élections.