Centrafrique : la compréhension biaisée ou oblique de la problématique d'indépendance

La République centrafricaine autrefois Oubangui-Chari fut membre de l’Afrique équatoriale française -AEF- placée sous l’autorité d’un gouverneur avec résidence à Brazzaville -Congo- érigé en capitale de la sous région.

Suite au périple africain du Général De Gaulle pour l’adhésion des colonies à son projet de communauté avec la France contre l’aide financière et après le "non" référendaire assorti de conséquences politiques et économiques néfastes, la Guinée de Sekou Touré a accédé à l’indépendance en 1958. Le président guinéen a ainsi opté pour "la liberté dans la pauvreté qu’à la richesse sans dignité".

Puis vint en 1960 la vague d’accession à l’indépendance après un processus négocié des autres colonies. Ce phénomène de contagion pyramidale a profondément bouleversé l’Afrique et a obligé le colonisateur à réviser ses rapports avec l’Afrique. Cette fameuse indépendance qui suppose une vie meilleure qu’avant car les centrafricains devraient jouir d’une pleine souveraineté synonyme d’autonomie. Cette liberté teintée d’absence d’influence, de contraintes suppose une auto gouvernance avec une gestion et un gouvernement purement centrafricain. Les centrafricains espéraient subvenir eux-mêmes à leur besoin dans la dignité. Malheureusement que 58 ans plus tard, les centrafricains conjuguent à l’instar des autres colonies le désespoir, l’humiliation, la tristesse, la pauvreté etc…

L’ambivalence de la notion d’indépendance à la française qui se confond à la soumission, la subordination et parfois l’ingérence tous azimuts oblige le citoyen lambda à s’interroger sur la compréhension coloniale du concept d’indépendance :

  • S’agissait-il d’un traité de protectorat ou de tutelle ? 
  • S’agissait-il d’une faillite transitionnelle dans un cadre spatio-temporel mal maîtrisé ?
  • Quels sont les apports de cette autonomie en matière de politique économique et surtout de gouvernance ?
  • Qu’avons-nous fait de cette nouvelle ère d’autogestion ?
  • Le mode d’acquisition amiable et sous dictat de notre indépendance est-il la cause de notre retard ?
  • Calqué le régime de la 5e république française et accepté le statut d’état membre de la communauté française était-il une erreur ?
  • Fallait-il arracher notre indépendance à prix de sang à l’instar de l’Algerie pour savourer une réelle indépendance ?
  • N’avez-vous pas constaté que les anciennes colonies françaises ont tous des trajectoires politiques et économiques identiques ?
  • Devrions-nous continuer à indexer l’occident d’être la cause de notre malheur au lieu de stigmatiser nos dirigeants marionnettes qui ne font que du bricolage, du colmatage parce que corrompus ?
  • Nos autorités sont-elles les seules responsables cette indépendance virtuelle, conséquence de notre descente aux enfers ?
  • Quelle est la part de responsabilité des centrafricains eux-mêmes ?
  • Quelle est la part de responsabilité de l’actuelle Union africaine -UA- ainsi que de l’organisation des Nations-unies -ONU- ancêtre de la société des nations -SDN- ?
  • Dans le contexte centrafricain, au lieu de continuer de saigner le trésor public pour célébrer des fêtes, l’occasion n’est-elle pas propice ou idoine de procéder à un bilan exhaustif, un diagnostic en vue de reconstruire sur un autre modèle ?
  • De nos jours, quels sont les sorts réservés à nos leaders éclairés qui refusent d’être des larbins de la puissance coloniale ?
  • Et si c’était à refaire, comment allons-nous procéder pour éviter de commettre les erreurs que nous reprochons aujourd’hui à nos ancêtres ?

 

De toute évidence, il est important de rappeler que l’ambiguïté de la notion d’indépendance dans la confusion est née du manque de maturité politique de nos autorités qui s’abstiennent de revendiquer leurs droits. En réalité, face à la vague d’indépendance de 16 pays francophones en 1960, l’ancienne puissance coloniale a seulement changé de forme de politique mais la substance de la politique d’oppression au nom de la protection de leurs intérêts est restée intacte. L’œuvre littéraire du célèbre écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma "Les soleils des indépendances" parue en 1968 aux presses de l’université de Montréal puis aux éditions du Seuil à Paris en 1970 a bien corroboré le chaos post colonial né de négociations non équilibrée de nos dirigeants qui prennent des engagements au nom de la nation sans la consulter.

Fort de ce qui précède et dans l’état actuel de notre chère nation, la logique aimerait qu’il n’y ait ni majorité ni opposition. Les forces vives de la nation doivent mutualiser leurs efforts afin de relever les défis qui s’imposent. Il appartient désormais à l’élu de la nation de prendre des initiatives dans ce sens.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

                                        

Bernard Selemby-Doudou  juriste, administrateur des élections.                

Paris le 17 août 2018