Centrafrique : les médias locaux contribuent-ils efficacement au processus de règlement de la crise ?

La crise politico-militaire de la Centrafrique a connu des épisodes rebondissants avec des milliers de pertes en vie humaine, des déplacés, des réfugiés surtout la fragilité et la précarité des tissus économiques. Les médias occidentaux ont surenchéri sur la crise centrafricaine en qualifiant le conflit de confessionnel -chrétien / musulman- pour en faire leur fonds de commerce.

Rappelons de façon liminaire que les médias qui représentent le quatrième pouvoir sont définis comme des moyens de diffusion en masse des informations et sont représentés par la radio, la télévision, la presse écrite, le cinéma, les affichages, les CD-ROM sans oublier les nouvelles technologies de communication c’est à dire les réseaux sociaux. Animé par le souci de respecter l’étymologie des concepts, le média vient du latin "médium" qui signifie simplement "milieu" qui confirme la théorie de la neutralité des médias dans le traitement et la couverture des informations.

Il est important de rappeler dans ce contexte que le concept de médium n’est pas à confondre à celui qui évoque les arts et pratiques divinatoires. Ainsi cette notion de neutralité doit être le leitmotiv des professionnels de médias dans le processus de gestion de crise. Contrairement et comparativement aux conflits identiques aux nôtres où les médias locaux jouent un rôle fédérateur prépondérant, le citoyen lambda toujours curieux s’interroge :

  • Les médias locaux contribuent-ils efficacement à la reconquête d’une paix durable ?
  • Les médias locaux poursuivent-ils leur objectif qui est celui de relayer et d’informer impartialement le maximum du public ?
  • Les professionnels des médias locaux ont-ils la capacité d’être neutre c’est à dire libre dans les traitements des données ?
  • Peuvent-ils délibérément et sans injonction orienter leur production en faveur de la paix ?
  • Sont-ils observateurs, spectateurs ou acteurs dans le processus de résolution de la crise ?
  • Pensez-vous que les médias locaux peuvent tout dire et tout montré quitte à affoler le public ?
  • Pensez-vous que les effets ou les impacts des annonces sont pris en compte dans le traitement des données ?
  • A l’instar du "canard enchaîné" en France, avons-nous aussi des médias locaux d’investigation dignes et respectés ?
  • Avons-nous véritablement des professionnels engagés des médias qui respectent la déontologie du métier ?
  • Enfin, les professionnels locaux des médias ont-ils conscience qu’ils représentent le quatrième pouvoir synonyme d’arbitre et surtout qu’ils détiennent une arme de destruction massive ?

 

D’emblée, il faut noter que "n’est pas professionnels des médias qui veut".

Ce noble et prestigieux métier d’antan est de nos jours infiltré par des parasites, des espèces nuisibles qui ternissent l’image de marque de ce secteur d’activité. Certains sont politisés, manipulés, instrumentalisés et commercialisent les informations des miettes, d’autres lèchent les bottes du pouvoir ou de l’opposition et par voie de conséquence se décrédibilisent et perdent un nombre sans cesse croissant de lecteurs, d’auditeurs ou téléspectateurs.

Bon nombre de professionnels de médias ne cherche plus à informer le peuple mais à faire des audiences. Dans la poursuite de cette logique, on ne cherche pas à vérifier la véracité de l’information mais on invente, dramatise avec des argumentations erronées. Ainsi on entend parler des médias pros ou contre le pouvoir avec des désinformations ou intoxications dignes d’une guerre froide et tout cela au détriment des intérêts du peuple.

Il n’est pas étonnant de constater dans cette panoplie que même ceux ou celles qui utilisent les réseaux sociaux pour faire des "lives" s’arrogent les droits, privilèges et prérogatives des professionnels de médias. Cette usurpation de titres et qualités ne doit pas passer inaperçue devant le haut conseil de communication qui est l’organe régalien de contrôle et de veille.

Il est ainsi démontré que la liberté d’expression libéralise la parole mais cette dernière demeure encore et toujours sous surveillance : c’est la censure. La notion de censure pose la problématique de l’indépendance du haut conseil de communication -HCC- conformément aux dispositions de l’article 136 de la constitution du 30 mars 2016. Le droit de censure dans le contexte centrafricain doit être libre, équitable, objectif et non abusif en faveur du pouvoir.

Pour finir, en guise de contribution, nous appelons les professionnels des médias locaux d’œuvrer dans la loyauté, de mutualiser leurs efforts avec les différents acteurs de la crise pour une paix réelle et durable.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

Bernard Selemby Doudou, juriste, administrateur des élections

Paris le 31 août 2018

Juriste, Administrateur des élections.