Centrafrique : l’humiliant fiasco de la journée mondiale de l’alimentation à Bambari...toujours pas de responsables ni de sanctions ?

La célébration de la journée mondiale de l’alimentation qui devrait se tenir au mois d’octobre 2018 et plusieurs fois reportée a fait l’objet d’un défi du siècle entre le pouvoir et une frange des groupes armés.

Cette occasion festive et annuelle destinée à faire la promotion de la femme rurale est tournée au cauchemar assorti d’un affrontement meurtrier entre les forces loyales appuyées par les forces onusiennes et les groupes armés non conventionnels. Ce climat d’insécurité a entraîné une débandade incomparable des hauts dignitaires et des invités. Heureusement qu’aucune représentation diplomatique accréditée n’a honoré le rendez-vous et que le président de la République attendu n’était pas encore sur les lieux.

En conséquence de ce qui précède, le gouvernement par voie de communiqué a proclamé un nouveau report de la célébration. Les forces armées centrafricaines soutenues par les forces de la Minusca sont venues à bout des groupes armés sous 48 heures pour pacifier le chef lieu de la région N° 6. Ce malheureux événement qui ne doit se répéter sous aucun prétexte repose la problématique de l’extension de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, de la confiance des collaborateurs du président de la République ainsi que de l’amateurisme chronique et viral du gouvernement.

La surprise du citoyen lambda est grande de constater que ce qui est anormal, paradoxal ailleurs et qui nécessite de mesures urgentes constitue la règle dans le pays de Boganda. Il est évident qu’après une semaine aucun responsable d’organisation de cette fête n’est inquiété ni sanctionné. Peut être assimilé à un cas de force majeur par le pouvoir, le citoyen lambda s’interroge :

  • Pourquoi à ce jour, aucune responsabilité ni sanction n’est prononcée suite au défi perdu par le gouvernement devant les groupes armés ?
  • En d’autres termes, pourquoi les responsables de ce fiasco ne sont pas identifiés et punis ?
  • Ce silence complice du pouvoir est-il synonyme d’absence de fautes dans la chaîne d’organisation de cette journée mondiale de l’alimentation ?
  • Pourquoi le président de la République continue de faire confiance aux collaborateurs dont la défaillance notoire de leur mission occasionne la mort de paisible et innocent citoyen ?
  • L’erreur d’appréciation des organisateurs de cette fête n’est pas une erreur de trop pour déclencher des vagues de sanctions ?
  • Pourquoi une mission précurseur de sécurisation des lieux n’était pas dépêchée à Bambari quelques jours avant ?
  • N’y a-t-il pas des choses à reprocher dans la chaîne de commandement militaire ?
  • Pourquoi ne pas renoncer définitivement à l’organisation de cette fête au lieu d’exposer des vies inutilement ?
  • Le pouvoir qui pilote le pays à vue tire t-il les leçons de chaque événement meurtrier depuis leur investiture ?
  • Comment peut-on expliquer la reprise des hostilités militaires à l’approche des négociations du Soudan ?
  • Et quel est le sort des victimes dans cet imbroglio ?

 

Selemby doudou bernardIl est singulièrement important de rappeler que s’il n’y a pas de responsables désignés, le président de la République en assumera l’entière responsabilité morale devant le peuple qui à ce jour est encore docile. Même si les liens qui vous unissent vous empêchent de trouver le coupable idéal, vous êtes sans ignorer qu’on peut aussi être responsables sans commettre soit même une faute : c’est la notion administrative de la responsabilité sans faute basée sur le risque. C’est la responsabilité de l’Etat du fait des dommages causés par des activités dangereuses. Sur le plan de la jurisprudence, le conseil d’état dans son arrêt de principe Cames rendu le 21 juin 1895 pose le fondement de la responsabilité sans faute.

En effet, dans cet arrêt l’Etat était déclaré responsable en l’absence de faute suite à la blessure d’un salarié amputé de la main gauche. Cet arrêt Cames a également été confirmé par l’arrêt Regnault des roziers rendu le 28 mars 1919. Dans cet arrêt, le conseil d’état a considéré que l’explosion d’un dépôt de munitions causant des préjudices aux voisinages engageait la responsabilité de l’Etat sans faute à prouver.

Pour finir et face à l’incapacité, l’incompétence du gouvernement à faire la lumière sur les tueries de Bambari, nous invitons humblement les parlementaires  à prendre leur responsabilité devant leurs électeurs en interpellant et en auditionnant à tour de rôle les ministres en charge de l’organisation de la journée mondiale de l’alimentation, le ministre de la défense nationale ainsi que celui de sécurité publique.                                                                              Bernard Selemby-Doudou@bsd

La mise en place parallèle d’une commission d’enquêtes parlementaires n’est pas aussi exclue.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

Paris le 18 janvier 2019

Bernard Selemby-Doudoud

Juriste, administrateur des élections