Centrafrique : l'immobilisme politique et sécuritaire actuel est-il exclusivement imputable au président de la République ?

Bernard selemby 10La crise centrafricaine a atteint son apogée, la communauté internationale et les partenaires au développement qui se sont précipités au chevet d’un État agonisant, sous perfusion ont conjugué leurs efforts en vue de l’organisation d’une élection couplée quand bien même bâclée mais acceptée par la classe politique centrafricaine.                                                   

La trentaine de candidatures à la magistrature suprême démontre et justifie à suffisance l’intérêt des centrafricains à recouvrir la paix à n’importe quel prix. Nous supposons avec une certaine conviction que chacun des candidats avait un programme de société qui converge ou diverge sur certains points. Au lendemain du premier tour du scrutin, des alliances massives ont été nouées, parfois contre nature en faveur du candidat en ballotage favorable. D’emblée, cette union sacrée a suscité l’espoir et la liesse de tout un peuple même les groupes armés non conventionnels ont joué le jeu en autorisant malgré eux la tenue des élections sur les territoires occupés. Nous imaginons avec sérénité que la somme de ces différents projets de société, déduction faite des convergences et divergences, aboutirait à des idées innovantes, émergentes capables d’apporter des éléments de réponse à cette crise qui émiette et ébranle notre chère nation.                                                                                                                                                                                                                Bernard Selemby-Doudou@bsd

À l’orée de la deuxième année de gouvernance, le citoyen lambda fait une auto-évaluation amère de la situation socio-politique de la crise et constate géométriquement que cette dernière a dépassé le seuil de la tolérance avec un risque de soulèvement populaire, de désobéissance civile et enfin se projette en s’interrogeant :

  • Que s’est-il passé entre temps pour qu’on puisse en arriver à ce stade ?
  • Les multiples alliances sans échéance n’ont-ils pas produit les résultats escomptés ?
  • Nos autorités n’ont-elles pas su tirer les leçons des évènements du passé ?
  • Celui qui jadis s’auto-proclamait president des pauvres est-il devenu par la force des choses president des riches et imbibé dans des affaires multiformes ?
  • L’hypocrisie, la malhonnêteté politique et la trahison se sont-elles invitées dans les clauses de la célèbre alliance ?
  • Le président de la république n’a t-il pas respecté les termes de référence de l’alliance ?
  • Les choix de personnes et les méthodes de travail du président de la république n’étaient-ils pas adaptés ?
  • Pourquoi certains alliés de première heure et de calibre se sont mués ultérieurement en opposants ?
  • Pensez-vous que l’immobilisme politique et sécuritaire actuel est-il exclusivement imputable au president de la République ?
  • Au lieu de s’éterniser dans l’opposition radicale infructueuse et en dehors de tous calculs politiciens, quels sont les apports des soit-disants hommes politiques ou opposants à la reconstruction nationale ?
  • La société civile avait jadis osé avec l’organisation réussie des journées "villes mortes" puis muselée par des menaces de représailles pourquoi cette puissante et redoutable société civile a t-elle démissionné devant l’histoire ?
  • Les élus de la nation qui sont appelés à protéger les intérêts de leurs électeurs ont-ils aidé le président de la république dans la recherche de solutions à la crise ?
  • Généralement dans un pays qui peine à se relever de ses cendres, la paix et la cohésion sociale sont étroitement liées à la justice…mais pourquoi la justice nationale a t-elle démissionné au profit de la Cour pénale spéciale qui a un mécanisme trop lourd ?
  • Il est avéré que la posture de critiquer négativement est excitante, mais quelle est la valeur ajoutée de tous ceux ou celles qui se réclament centrafricains pour contribuer à la reconstruction de l’édifice nationale ?
  • En dehors de querelles intestines et reconventionnelles, quelle est l’appréciation du pouvoir sur la désignation d’un compatriote comme chef de mission d’observation électorale de l’Union africaine à Djibouti ?  
  • S’agissant de notre parlement monocaméral, les élus de la nation ont érigé la maison du peuple en un gouvernement parallèle assorti des nominations claniques, fantaisistes avec un relent de moqueries sarcastiques au détriment des intérêts de leurs électeurs. Tout ce méli-mélo n’est-il pas de nature à fragiliser le pouvoir central au plan national et international ?

 

Le peuple souverain sera témoin et arbitre en 2021. En outre, il est notoire que pour la grande majorité de parlementaires, le trébuchement, le tâtonnement et l’enlisement du pouvoir constituent leurs fonds de commerce au mépris des intérêts du peuple. Pour finir, nous sommes unanimes que le pouvoir est caractérisé par une médiocrité due à une lecture biaisée des réalités socio-politiques mais cela ne justifie, ni ne légitime une indifférence de ceux ou celles qui se réclament démocrates.

Les priorités du peuple sont claires et limpides : la sécurité et la paix...chut, aux dernières nouvelles, un nouveau gouvernement piloté par l’opposition s’impose avec le slogan de la dernière chance : sauver le soldat Touadera.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

 

Paris le 24 février 2018.

Bernard Selemby Doudou - juriste, administrateur des élections.