Centrafrique : la mutation du groupe parlementaire « cœur uni » en parti politique présidentiel est-elle un gage de réélection en 2021 ?

Selemby doudou bernardL’élection du président de la république au suffrage universel direct a bouleversé la mythique tradition politique centrafricaine. Un candidat indépendant c’est à dire sans parti ni mouvement politique a été élu de façon inédite à la magistrature suprême contrairement aux idées reçues que le locataire du palais de la renaissance est exclusivement l’émanation d’un parti politique.                                                        Bernard Selemby-Doudou@bsd

La notion de rupture qui suppose la reprise des valeurs démocratiques et le bannissement des anciennes pratiques a fasciné les observateurs de la vie politique lors du célèbre discours d’investiture du 30 mars 2016. L’envie et la volonté de bien faire qui animaient le président de la république sont très vite étouffées par le phénomène de la transhumance politique déguisée en alliance ou soutien contre nature d’entre les deux tours des présidentielles.

La transhumance ou le nomadisme politique est la migration des personnalités politiques d’un parti à un autre, d’un groupe parlementaire à un autre ou allié d’un président à un autre et cela à la conquête des intérêts personnels. Ce fléau qui fait la honte de notre démocratie viole le contrat moral et porte atteinte à l’éthique ou morale politique. Ce phénomène est devenu un moyen de se faire une virginité politique ou une reconversion voire une réhabilitation.

Ainsi, les affreuses têtes d’hier se retrouvent dans les sciages du pouvoir aujourd’hui. C’est ainsi que ces derniers temps, les agitations de ces transhumants politiques pour la mise en place du nouveau parti présidentiel au détriment d’un sénat constitutionnellement prévu ne sont pas inaperçues et ces tumultueuses agitations relèguent au second plan les priorités du peuple.

Choqué par la souffrance et les errements du peuple qui se pérennisent, le citoyen lambda s’interroge :

  • La création d’un parti politique présidentiel changera-t-il durablement les données de la crise centrafricaine ?
  • Dans la logique des actuelles priorités du peuple où la destitution du gouvernement s’impose, la création de ce parti politique est-elle nécessaire ou utile ?
  • Eu égard aux pléthores des partis politiques proportionnellement à la population, chaque président de la république doit-il créer son parti ?
  • Qu’est-ce qui différencie les projets des uns et des autres ? 
  • A partir de la création du parti politique présidentiel, peut-on désormais envisager le financement des partis politiques sur des fonds publics ?
  • S’agissant des confusions habituelles entre les fonds publics et privés, quels fonds alimenteront ce parti ?
  • Contrairement aux précédentes élections gagnées sans parti politique, pensez-vous que cette nouvelle posture garantira la réélection du président de la république en 2021 ?
  • Quelle est la valeur ajoutée qu’apporteront les transhumants politiques à la nouvelle famille politique présidentielle ?
  • La transhumance ou le nomadisme politique est-il un fléau contre lequel la société doit combattre ou une opportunité pour les politiciens du ventre ?
  • Doit-on légiférer sur le phénomène pour éviter la contagion ?
  • Doit-on rappeler indéfiniment aux autorités que les mêmes causes produisent les mêmes effets ?
  • Par ailleurs, n’oublions pas que le président de la république demeure statutairement le deuxième vice-président du parti KNK, ainsi le parti en gestation sera-t-il le prolongement des idéaux du KNK ?
  • Et si jamais le président fondateur du KNK revenait au pays en faveur d’une hypothétique amnistie, n’y aura t-il pas la guerre de leadership ou la fragilisation, l’émiettement du nouveau parti politique ? 

 

Tant d’interrogations qui taraudent et trottinent dans la tête du président de la république au point de le rendre méfiant. Toutes ces spéculations sont loin des priorités primaires du peuple, malheureusement que les autorités de la république en sont indifférentes et continuent d’entretenir des climats de tensions inutiles entre les institutions républicaines.

Il est important de rappeler que le moment viendra où le peuple redeviendra le maître de son destin et décidera de son avenir conformément aux fondamentaux constitutionnels.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

                                       

Bernard Selemby-Doudou, juriste, administrateur des élections.

Paris le 12 octobre 2018