Centrafrique : portrait du lieutenant-colonel Alexandre Banza

Par Félix Yepassis Zembrou 


Parmi les hommes et femmes qui ont laissé leur empreinte dans l’histoire de la République centrafricaine figure incontestablement le numéro deux du putsch de la St-Sylvestre, le lieutenant-colonel Alexandre Banza.

Très peu de personnes aujourd’hui le connaissent sinon à travers la plaque d’inauguration -encore visible il y a quelques années- de l’aéroport Bangui-Mpoko. C’était au lendemain du coup d’Etat qui a renversé le president David Dacko en janvier 1966. Ce fut aussi l’année de mon BEPC au CEG -actuel lycée des Martyrs-.

L’on dit que Banza a été la cheville ouvrière de ce coup d’Etat, le premier du genre dans l’histoire du Centrafrique. L’on raconte aussi que durant cette fameuse nuit de la Saint Sylvestre, le chef d’état-major des forces armées centrafricaines, le colonel Jean Bedel Bokassa, pris de panique, voulut au dernier moment renoncer. Alors, Banza l’aurait menacé avec son pistolet en lui disant : "Si tu recules je t’abats !". Il faut dire que Banza avait un caractère bien trempé, ne mâchant pas ses mots en conseil des ministres et ne cachant point ses aversions en public devant l’allure que prenait la gestion du pays. Il est vrai que tout le monde avait peur de lui, en commençant par son frère d’armes, le colonel Jean-Bedel Bokassa à qui il reprochait d’avoir trahi les objectifs de la Saint Sylvestre, au point que ce dernier se méfiait de lui. En tout cas, l’homme ne riait pas, du moins pas en public où il affichait constamment une mine sévère derrière laquelle se cachait une âme sensible, généreuse et respectée tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Il avait d’ailleurs joué un rôle clé quant à la reconnaissance du putsch de la St Sylvestre sur le plan international.

Pour sa part, l’équipe d’antenne de Radio Centrafrique arrêtée lors de cette fameuse nuit du coup d’Etat, eut la vie sauve grâce à Banza. Celui-ci était arrivé à temps pour empêcher les soldats surexcités de commettre une bévue. Par ailleurs, le jeune basketteur André Sanga se souvint lui, de la visite qu’il avait faite au numéro deux du régime dans son bureau ministériel des Finances pour lui demander de l’argent pour la kermesse aux chapeaux de la cathédrale N.D. de Bangui. Après l’avoir longuement fixé d’un regard qui faillit lui faire regretter son audace, reconnaitra Sanga, Banza lui dit : "J’admire ton courage jeune homme !". Sur ces mots, il remit à son courageux visiteur une enveloppe pour la kermesse.

D’aucuns attribuaient à Banza, les vertus d’un homme d’Etat capable de présider aux destinées da la RCA. En effet, sa probité intellectuelle, sa rigueur, son sens élevé de la discipline auraient permis de juguler les maux qui gangrenaient le pays. D’ailleurs, sa nomination à la tête du ministère d’Etat chargé de l’Economie et des Finances, avait donné en un laps de temps, un sacré coup de fouet au budget national, notamment par un certain nombre de réformes et de mesures qui obligeaient, par exemple, les fonctionnaires et agents de l’Etat à être à leur poste de travail dès 6h du matin. Lui même en tant que militaire, donnait l’exemple.

Malheureusement les ambitions de ses frères d’armes ont brisé ce rêve par une trahison dans une tentative de coup d’Etat. Ainsi, peu avant son passage devant le peloton d’exécution sur le champ de tirs du camp Kassaï, le 12 avril 1969, à l’issue d’un tribunal militaire, il aurait déclaré : "Aucun militaire ne réussira un coup d’Etat en Centrafrique". Une malédiction que la plupart des hauts gradés, prétendants au pouvoir à l’époque, ont trainé comme un boulet dans leur tombe. Il avait 37 ans.

Après sa mort, sa femme Marine ainsi que leur huit enfants furent arrêtés et déportés à Birao de même Julienne Kombo, originaire de Berberati dont il avait eu un fils, fut emprisonnée à Ngaragba. Tandis que trois de ses proches, à savoir le commissaire de police Joseph Kallot, Faustin Marigot et Polycarpe Gbaguili furent également arrêtés. Les deux premiers moururent en prison. Pour la petite histoire, le commissaire Kallot se serait jeté sur Bokassa et faillit l’étrangler avec ses menottes au moment de son arrestation. Quant à Gbaguili, il ne recouvrit la liberté que treize années plus tard, à la faveur de l’opération Barracuda qui ramena Dacko au pouvoir en septembre 1979.

Né le 10 octobre 1932 à Carnot dans la Haute Sangha -actuelle Mambere Kadei-, Banza a étudié à l’école des enfants de troupes de Brazzaville -Congo- puis s’est enrôlé dans l’armée francaise où il a combattu les viets dans la guerre d’Indochine.

Aujourd’hui, cinq de ses enfants sont en vie, parmi eux, un médecin, Dr Arcadius et Martine qui se battent corps et âme pour la réhabilitation de leur père au même titre que Jean-Bedel Bokassa, Fidel Obrou, Jean-Henri Izamo pour ne citer que ceux-là.

A signaler que le vaste domaine qui a abrité plusieurs années durant le siège du PNUD -face au BARC- à Bangui fut la propriété privée du lieutenant-colonel Alexandre Banza, un militaire hors-pair.

Félix Yepassis Zembrou 

Le 4 mars 2018