Centrafrique : un conclave des groupes armés pour la guerre et un dialogue du pouvoir pour la paix

La destinée est-elle soumise aux enchères ?

Les groupes armés non conventionnels éparpillés sur l’ensemble du territoire national se sont regroupés avec des matériels de guerre en conclave dans une des provinces centrafricaines pour définir des nouvelles orientations et actions à entreprendre.

Ce conclave fait suite aux innombrables morts de l’opération militaire conjointe menée par les forces onusiennes appuyée par les forces armées centrafricaines dans l’enclave du Km5. A l’issue de l’inquiétant conclave assimilable à un congrès annuel, il en ressort un communiqué qui équivaut une déclaration de guerre assortie de la menace de marcher sur la capitale centrafricaine où siègent les institutions qui symbolisent la République.

La psychose du déjà vu s’est emparée de la population qui craint à juste titre un bis repetita à l’instar du schéma de 2013 où la rébellion s’est emparée du pouvoir en dépit de la ligne rouge définie par les forces internationales. A cela s’ajoutent le climat de tension et le sentiment anti-français nés du rapprochement du pouvoir central avec les russes et surtout la campagne des drapeaux français neufs qui expliquerait un soutien quelconque de la France aux groupes d’autodéfense du Km5.

En dépit d’un démenti de la représentation diplomatique française en Centrafrique, les tensions restent et demeurent palpables. Apeuré par les supputations de diverses natures, le citoyen lambda s’interroge :

  • Les groupes armés non conventionnels ont-ils les moyens militaires nécessaires pour défier les forces onusiennes appuyées par les forces armées centrafricaines ?
  • Pensez-vous vraiment que les offensives des groupes armés non conventionnels peuvent-elles se répéter selon le schéma de 2013 ?
  • Les drapeaux français sur les barricades dans l’enclave du Km5 justifient-ils d’un soutien quelconque de la France ?
  • Peut-on affirmer que les pouvoirs français et équato-guinéens sont derrière les agitations des groupes armés ?
  • La Centrafrique est-elle devenu un terrain par excellence de la guerre froide France-Russie ?
  • À qui profitera cette guerre froide ?
  • La Russie profite t-elle de la vente d’armes et de la formation des forces armées centrafricaines autorisée par l’ONU pour s’implanter durablement dans le pré carré français ?
  • Recourir aux forces spéciales russes pour renforcer la sécurité du président de la république précédemment assurée par le contingent rwandais de la Minusca ne représente t-il pas une méfiance de trop à l’endroit de la France ?
  • Face à la menace des groupes armés non conventionnels, quelles sont les réactions conséquentes du pouvoir, de la classe politique, de la société civile et surtout des parlementaires ?
  • A défaut de condamner formellement une telle déclaration de guerre qui crée la psychose et met en péril l’unité nationale, le mutisme des forces vives de la nation équivaut-il au rejet de la politique du président de la république ?

 

Au delà de toutes les interrogations, il est généralement d’une notoriété publique qu’un État juridiquement souverain est libre au nom du principe des nationalités de choisir et de diversifier ses partenaires dans l’intérêt supérieur de la nation mais livré le pays aux enchères à des forces militaires rivales est un risque lourd de conséquences. Il est par ailleurs important de rappeler que tous les États que la Russie a soutenu dans la guerre contre les forces américaines ou coalitions occidentales à l’instar de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Syrie et récemment de la Libye ont connu un sort peu louable et non recommandable.

En outre, nous saisissons l’opportunité pour saluer et féliciter la belle initiative du président de la République qui a convoqué les forces vives de la nation sans exclusive à une réunion à la présidence de la République pour évaluer la crise et définir collectivement une stratégie de défense de la nation qui n’a pas de prix nonobstant nos divergences idéologiques. Nous souhaitons que cette noble initiative se pérennise chaque fois que l’intérêt supérieur de la nation est en péril. Le président de la République doit comprendre que les institutions politiques de notre émergente démocratie se sont constituées autour du triptyque pouvoir exécutif, législatif et judiciaire.

Convoquer les forces vives de la nation commence d’abord par une meilleure prise en compte des droits de l’opposition et des parlementaires.

Accorder de nouveaux droits à l’opposition, c’est reconnaître que la vie démocratique s’organise collectivement et solidairement autour du débat politique. Au moment où nous bouclons cet article, nous apprenons qu’à l’issue de la rencontre du président de la République avec les forces vives de la nation, le président de la République a fait un brutal revirement à 90 degré en s’inscrivant dans la logique de la guerre pour défendre la patrie.

Le président de la République a enfin compris que la transgression ou la violation de toutes règles sociétales mérite des sanctions car la force doit toujours rester à la loi. Pour finir, nous invitons tous ceux ou toutes celles qui se réclament centrafricains ou centrafricaines de soutenir la démarche gouvernementale afin de mettre hors d’état de nuire les ennemis de la paix.

Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dîtes pas que c’est moi.

Paris le 20 avril 2018.            

Bernard Selemby-Doudou