Centrafrique : Dorothée Aimée Malenzapa, présidente nationale du COFEM

Img 20180428 wa0000 3Dorothée-Aimée Malenzapa, présidente nationale du COFEM est professeur de français, diplomate, ancien fonctionnaire de l'Organisation internationale de la francophonie - OIF- Elle fût aussi ministre de la République centrafricaine. 

Cette experte en genre et développement, a fondé en :

  • 1994 l'association des femmes éducatrices,
  • 2015 le réseau de soutien au leadership politique des femmes centrafricaines,
  • 2016 le collectif des femmes de la société civile centrafricaine.

Elle est aujourd'hui coordinatrice du réseau de soutien au leadership politique des femmes centrafricaines.

            Souvenirs, Souvenirs... Cétait il y a deux ans le 13 juin 2016 et toujours d'actualité .....

cette lettre a été co-signée par plus de 500 femmes.

 

Collectif des femmes de la société civile centrafricaine                                                                          Dorothée Aimée Malenzapa@dam

COFEM  

 

                                                                                                                       Bangui le 13 Juin 2016

                                                                                                    Très Honorable président de l’Assemblée nationale

                                                                                                                             Bangui - RCA -

 

Objet : Protestations  énergiques

contre certains propos du Premier ministre,

lors de la présentation de son discours programme

 

Très Honorable Président de l’Assemble nationale,

Le peuple centrafricain, composé  majoritairement  de femmes et vrai acteur de la victoire de l’élection présidentielle, qui a porté le professeur Faustin-Archange Touadera au pouvoir, a suivi avec beaucoup d’intérêt le discours programme, très dense du Premier ministre, chef du gouvernement et attend avec impatience sa mise en œuvre.

Très Honorable président de l’Assemble nationale, du haut de votre tribune, vous avez dirigé le débat, qui a fait ressortir toutes les préoccupations des élus(es) de la Nation.

Nous, collectif des femmes de la société civile centrafricaine -COFEM-, sommes choquées par les propos méprisants, voire insultants du Premier ministre, en réponse à la question d’une élue, concernant la faible représentativité des femmes au gouvernement et au cabinet présidentiel, qu’il justifie par le manque de femmes capables. Réponse applaudie par des hommes aussi véreux, qu’incompétents, qui ont plongé notre beau pays dans le désastre. 

De telles affirmations gratuites, symptomatiques d’un état d’âme de règlement de compte avec les femmes, ne correspondent en rien aux réalités centrafricaines, où ce sont les femmes, toutes catégories sociales confondues, qui portent à bout de bras ce pays, constamment en lambeaux par la faute de la gent masculine.

Que les nominations au gouvernement, au cabinet de la présidence, puis très prochainement au cabinet de la primature s’opèrent sur  une base de subjectivité totale, qui dément la fameuse  théorie de la rupture, prônée par  le président de la République, il n’y a rien d’étonnant, tant la RCA est un pays atypique, où non seulement le principe de redevabilité  vis-à-vis du peuple n’existe pas, mais plus grave, ce peuple a toujours servi de marchepieds.

Mais de là sortir des inepties pour discréditer les centrafricaines, dont certaines ont une dimension internationale, est inadmissible.

Nous nous offusquons d’abord du fait que vous, en tant que premier représentant du peuple, et garant de son honneur, n’ayez pas réagi à de telles allégations fantaisistes, aussi légères que non conciliantes, de la part d’une personnalité, qui détient une partie importante des responsabilités du pays, en cette période où la tendance doit être à la recherche de l’apaisement des cœurs meurtris et des esprits.

Par ailleurs, nous sommes sidérées face à une telle attitude du Premier ministre, qui a sciemment violé la constitution, en se refusant à déclarer son patrimoine, même comportement observé chez certains de ses supers ministres.

Ce dérapage, s’est produit dans des circonstances d’une très longue présentation d’un texte de 73 pages, lu en 4 heures, par l’intéressé, qui aurait dû se préoccuper d’aller à l’essentiel.

Dans le contexte actuel, l’étalage du savoir qui frise le verbiage, n’intéresse pas le peuple, ruiné matériellement, malade physiquement et désemparé moralement, qui attend des solutions idoines à ses nombreux problèmes.

"Un homme qui a faim, n’est pas un homme libre" disait Houphouêt-Boigny.

Les femmes centrafricaines méritent un grand respect, au regard des souffrances de tous ordres qu’elles endurent en toutes circonstances. L’ingratitude, à notre endroit est inacceptable, voire impardonnable car nous donnons la vie, mourrons en donnant la vie et les corps de certaines d’entre nous deviennent des champs de bataille, dont elles porteront pour toujours les stigmates, dans une indifférence totale, aggravée par l’impunité.

Toutefois, nous voudrions faire remarquer à Monsieur Simplice Sarandji, que notre pays s’est retrouvé dans cette situation de déliquescence totale, non pas à cause de l’incapacité des femmes centrafricaines, mais plutôt du fait de la mauvaise gouvernance des hommes, de leur égoïsme, de leur cupidité et de leur avidité du pouvoir, qu’ils ont confisqué pendant plus de 50 ans, au risque d’avoir créé les conditions d’une jurisprudence.

En Centrafrique, depuis les années 90, nous, femmes, avons toujours constitué un ultime rempart contre les agissements belliqueux et meurtriers des hommes, qui, une fois le paroxysme des crises atteint, fuient honteusement, pour se protéger, d’où la célèbre anecdote -a koli a kpè na kaba, a wali a ngbà = les hommes ont fui en robe, les femmes sont restées-, abandonnant ainsi nous autres, pauvres femmes à notre triste sort.

Ce qui nous oblige souvent à nous transformer -entre autres-, en personnel de pompes funèbres de fortune, pour embarquer des morts, -surtout des hommes dans l’incapacité de prendre la poudre d’escampette-, dans des pousses, afin d’aller les enterrer.

Par ailleurs, beaucoup de femmes ont mené des actions de proximité pour faire élire le professeur Touadera, afin de contribuer à ramener la cohésion sociale et la paix.

En considération de tout ce qui précède, nous ne pouvons tolérer des insultes, ni une telle arrogance, qui sont de nature à nous marginaliser davantage, à nous discriminer de plus en plus, surtout venant de quelqu’un qui n’a rien fait d’extraordinaire pour l’élection du professeur Touadera, -dont le mérite revient à la population, qui a procédé à un vote sanction-, sauf d’avoir été son Directeur de cabinet de l’époque où il fut Premier ministre. Le souvenir de lui pendant cette période, ancré dans la mémoire collective des centrafricains est la caricature de quelqu’un de très paresseux, ce qui justement a suscité le scepticisme dès sa nomination, pour les résultats attendus durant le mandat présidentiel, où lui et son gouvernement doivent faire leurs preuves, surtout avec la résurgence de l’insécurité.Tout comme ils sont attendus dans les dossiers des audits, exigés par bon nombre de centrafricains.

Pour tout dire, l’évolution de la RCA avec ses soubresauts politico-militaires, dont le point culminant a été atteint en 2013, démontre à suffisance que sans les sacrifices des femmes, il n’aurait jamais été possible que le calme revienne dans le pays. Qu’il le sache !!!

Nous comprenons aisément pourquoi dans un article du quotidien "l’hirondelle", du 10 juin 2016, il est dit que "la communauté internationale de Bangui qualifie le premier ministre d’homme dangereux".

Monsieur Sarandji doit surtout savoir qu’il ne peut pas aller à contre-courant des résolutions onusiennes, exprimées en termes d’accès d’un plus grand nombre de femmes aux postes de prise de décisions. Nous lui faisons remarquer que son gouvernement affiche des personnes qui n’ont aucun mérite d’y être, si ce n’est à titre de copinage, de clientélisme, -poste acheté sans vergogne, dont nous avons les noms et les détails- ou de remerciement. Quelle tristesse !! Pauvre démocratie, quand on te tue ! Nous lui faisons également observer que certaines femmes de carrure, sont combattues par des hommes notoirement incompétents et de moralité douteuse, qui éprouvent des complexes d’infériorité vis-à-vis d’elles mais se vautrent dans des positions confortables par l’irrégularité et l’illégitimité.

En tout état de cause, l’évaluation des cent jours du président Touadera promet de faire couler encre et salive, tant le peuple qui a placé son espoir en lui, s’impatiente d’exprimer sa désapprobation en ce début de mandat, marqué déjà par la trahison de son propre projet de société (Président ti a mara kwé), quand ses parents et beaux-parents envahissent la présidence et autres institutions, censées rassembler des centrafricains (es) de toutes les tributs.

Rira bien qui rira le dernier Monsieur le Premier ministre ! Le peuple centrafricain aura le dernier mot.

S’agissant de la portion congrue des quatre femmes de son gouvernement, elles ne sont pas toutes représentatives des femmes centrafricaines.

Une telle bavure inspirerait toutes les femmes incapables que nous sommes, à descendre dans la rue pour demander son départ car il n’est pas l’homme de la situation et d’exiger du président Touadera d’appliquer le principe du quota des 35% de femmes au gouvernement. Seulement, notre préoccupation au départ a été axée sur le retour de la paix, à travers des mécanismes de cohésion sociale, dont nous sommes détentrices des valeurs et secrets et beaucoup d’entre nous s’y investissent. Cependant ce sont des éventualités à ne pas exclure !

Notre défunte brave maman Elisabeth Domithien, qui n’avait pas eu l’opportunité d’être instruite, était dotée d’une grande sagesse, rare chez les hommes. Elle avait en son temps, pris son courage pour déconseiller à Bokassa de se faire sacrer Empereur, pendant que des hommes assoiffés de pouvoir l’y poussaient en espérant disposer de l’exécutif. La suite de la triste histoire, nous la connaissons. Dès lors, nous conseillons au Premier ministre et néanmoins géographe, de revisiter l’histoire de la RCA et surtout d’apprendre à être humble ! 

Enfin, nous saisissons donc cette opportunité pour vous prendre à témoin, ainsi que l’opinion nationale et Internationale, de notre ferme volonté à démontrer à Monsieur Sarandji, ce dont nous sommes capables, en l’évaluant avec son gouvernement tous les trois mois, sur la base de sa présentation et en rendant cela public. Il n’est  plus de mise qu’on entretienne le peuple avec des déclarations  mielleuses et soporifiques, qui ne lui apportent rien d’autres que d’augmenter sa souffrance et de le maintenir sous oxygène, dans un assistanat permanent, le rendant ainsi tributaire de l’aumône internationale, alors que le pays regorge de richesses.

Déjà avec l’immobilisme constaté du début, il est fort à craindre que le rythme définitif de la gouvernance Touadera-Sarandji et consorts, ne soit celui-là, hormis quelques actes à sensation sans suite, du genre "ramasser les ordures dans la rue", comme si un premier ministre devrait s’offrir en spectacle et surtout comme si cela est prioritaire, au fait de trouver des solutions aux problèmes des déplacés(es).

Pour terminer, nous osons compter sur la vigilance de l’Assemblée nationale, qui lui a accordé la confiance, de veiller au respect des engagements solennels qu’il a pris, de manière à éviter au peuple un éternel recommencement de situations, qui l’infantilise et ne fait que le maintenir dans le désespoir.

Veuillez agréer, Très Honorable Président de l’Assemblée nationale, les assurances de notre très haute considération.

                                                               Le Collectif des femmes de la société civile centrafricaine  COFEM

 

Copies :

  • Monsieur le Président de la République, chef de l’Etat,
  • Monsieur le Premier Ministre, chef du gouvernement,
  • Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies,
  • Monsieur le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies,
  • Monsieur le Représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique centrale (président du Présidium du Forum de Bangui)
  • Monsieur le Président en exercice de la CEEAC,
  • Monsieur le Président en exercice de l’Union africaine,
  • Madame la Secrétaire générale de la francophonie,
  • Madame la Directrice de l’UNESCO,
  • Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur des Etats-unis d’Amérique,
  • Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de France,
  • Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur Délégué de l’Union européenne,
  • Monsieur le Secrétaire exécutif de la CIRGL,
  • Madame la Coordonnatrice du Réseau Francophone pour l’Egalité Femme/Homme,
  • Monsieur le Représentant de la CEEAC,
  • Monsieur le Représentant de l’Union africain,
  • Monsieur le Président de la CEMAC,
  • Toutes les autres chancelleries,
  • Plateforme des confessions religieuses,
  • Monsieur le Président de la Ligue centrafricaine des Droits de l’Homme,
  • Toutes les ONG, associations des Droits de l’homme.