Les prisonniers personnels du président Bokassa

Septembre - Octobre - Novembre 1976
 
L'unique ampoule de 30 watts, fixée au centre du plafond et située à presque 4,50 mètres du sol cimenté, qui éclaire la cellule dépourvue de fenêtre d'une lumière jaune s'éteint. C'est le noir absolu, les ténèbres, l'abîme...
 
Nous logés au sous sol d'un bâtiment colonial à l'intérieur du palais de la Renaissance. C'était là où Bokassa, Président à vie et proprietaire foncier de la République Centre Africaine, gardait ses prisonniers personnels...
 
La lourde porte de la cellule s'ouvre brutalement pour se refermer avec fracas après moins de 5 minutes. 5 mauvaises minutes qui vont durée une éternité suivies des cantiques religieux d'une grande et profonde tristesse...
 
Il devait faire 2 ou 3 heures du matin. Car on entendait plus les sons produits soit pas la musique du bar-dancing-restaurant le Pacifique soit par l'orchestre tropical fiesta qui jouait d'habitude à cet endroit très proche de notre geôle ou soit carrément à l'intérieur même du Palais pour agréer de temps en temps les soirées nocturnes des Bokassa.
 
Subitement des cris de détresse s'élèvent parmi nous :
  • "C'est pas moi, je suis le colonel X"
  • "Vous vous trompez de personne je suis Monsieur Y lâchez moi, lâchez moi, pitié lâchez moi donc"
  • Monsieur Z semblait se débattre en criant : ne t'accroches pas à moi frère Y, tu me fais mal au pieds. Mais lâche moi mon frère Y c'est bien toi qu'ils sont venus chercher..."
 
La porte se referma sur nous. Un silence de plomb pèse sur la cellule pendant une dizaine de minutes.
 
Les plus anciens détenus entonnent un chant religieux triste. Les quelques mots des paroles qui sont gravés à jamais dans ma mémoire morte sont les suivants: "allez y, frères d'armes et compagnons de la lutte, préparer le chemin et la terre pour nous autres. Aujourd'hui c'est votre tour de connaitre la vérité. Demain ce sera le notre. Allez y. Allez en Paix au demeure de l'éternel le Roi des armées..."
 
Trois des nôtres se mettent à chanter une musique de marche militaire dans un mélange de français et sango. Je me souviens encore et toujours de la mélodie mais j'ai oublié presque la totalité des paroles à l'exception des mots ci-après :
"Ils ont bravé l'injustice... ZO KWÉ ZO frères centrafricains, tous Unis pour la Paix du monde... suivi d'une prière.
 
La lumière revient après une quinzaine de minutes. Deux lourdes chaînes fixées au mur, deux menottes et deux couvertures militaires usées traînent par terre. Deux personnes manquent à l'appel. On ne les reverra plus jamais...
 
Je perd des larmes - fini pour aujourd'hui excusez moi pour l'émotion.
 
À suivre...
 
Extrait de la biographie de Fidèle Gouandjika
Homme d'Etat centrafricain.
Le 17 novembre 2017
 
Le livre va être mis en forme par deux écrivains européens. Il va être écrit en bon français et traduit en roumains et en anglais à partir du mois de mars 2018.

Photo de l'album de Fidèle Gouandjika

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