Silence ....

Silence... Ce mot raisonne si fort qu’il contredit parfois la quintessence, la substance même de son sens.

Il fait sursauter, il fait frémir, il trouble, il embarrasse, il témoigne, il s’exprime, il rassure, il apaise.

Le son mélodieux du silence détonne face à ces bruits qui régulièrement nous agressent de paroles futiles, injures, ingratitudes, arrogances, violences, tintamarres, tonnerres, etc…

Le 22 mars 1947 fut créé le personnage Bip par le mine Marcel Marceau.

Bip a vu le jour au lendemain de la guerre, de l’esprit et du corps de Marcel Mangel fils d’un boucher casher de Strasbourg. En 1938 la famille a fui l’Alsace pour s’installer en Dordogne, lorsque la menace nazie s’est manifestée.  Malgré les précautions, Charles Mangel fut arrêté et déporté à Auschwitz en Allemagne et ne reviendra pas.

Marcel rejoint alors la Résistance et, inspiré par un vers de Victor Hugo extrait du poème À l’obéissance passive, Les Châtiments, "Joubert sur l’Adige, Marceau sur le Rhin", Marcel Mangel devient Marcel Marceau.

Le Bip opposé à une certaine violence sonore.

Marcel Marceau est un clown au visage blafard et à l’œil charbonneux, à la bouche écarlate et aux sourcils busqués, coiffé d’un haut de forme dégingandée orné d’une fleur rouge tremblotante, vêtu d’une sempiternelle marinière, et  sempiternellement muet.

Après avoir été à bonne école notamment auprès de la célèbre compagnie Renaud-Barrault, Marcel Marceau décide le jour de ses 24 ans de couper le cordon avec ses mentors et fonde la compagnie Marcel Marceau, unique troupe de mime à travers le monde !

Poète du silence, Bip exacerbe le langage non verbal pour sublimer les émotions universelles et donner aux bruits de l’âme une sonorité lyrique et grave à la fois. L’art du silence dont ce "Pierrot lunaire" est le meilleur pantomime ne peut que toucher le spectateur en matador, joueur de flûte, peintre ou danseur de tango.Mine noir blanc

Affranchi du langage, la technique du mouvement et de l’expression en dit parfois plus long que les mots, et Marceau-Bip incarnent le paroxysme de cet art muet qu’est le mimodrame. Y compris dans les moments tragiques, l’espoir transpire toujours dans ce silence qui s’avère à bien des égards l’une des formes les plus accomplies de la communication.

Euripide disait "Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou garde le silence"

Julien Green affirmait "Le silence vaut mieux que n'importe quelle avalanche de paroles"

Et de cette allégation d’Honoré de Balzac "Quoi de plus complet que le silence ? Il est absolu, n’est-ce pas une des manières d’être de l’infini …" Pierrette en 1840

Le mime Marceau ne parle pas, mais, dans son silence, transcende la force des mots.

De son observation aiguisée de l’univers, un bras recourbé, une jambe élancée, un regard troublé, un battement de cils, une bouche plissée, en ciseleur du mouvement, en orfèvre du geste sculptent avec fantasmagorie un réel bien réel, un réel plus beau que le réel.

Parce que sensible et poétique, burlesque et émouvant, avec sa gestuelle gracieuse et blafarde, brave avec philosophie les traquenards de la vie, déjoue avec humour les embuscades de l’existence.

Silence...

Le 22 mars 2018