On tue, on meurt en Centrafrique....Silence

Au moment ou nous publions cette lettre ouverte

nous apprenons le décès de Bruno mamba, jeune frère de Vincent Mambachaka à Bangassou.
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Lettre ouverte aux Dirigeants démocratiquement élus de Centrafrique et à nos acteurs politiques

de Vincent Mambachaka, artiste metteur en scène centrafricain

"Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur ", proverbe africain.


Excellences Messieurs, Excellences Mesdames, Honorables,

A Zémio on tue, on meurt, on viole les femmes, les enfants tombent un à un et ne peuvent plus téter leurs mamans, on brûle les maisons, on fuit dans la brousse et dans les pays voisins. Les vautours, les charognards mangent nos corps. Silence, indifférence de nos dirigeants démocratiquement élus.

Nous peuple, on ne doit rien dire, on ne doit rien faire car nos dirigeants disent que nous sommes coupables.

A Obo on tue, on meurt, on viole les femmes, les enfants tombent un à un et ne peuvent plus téter leurs mamans, on brûle les maisons, on fuit dans la brousse et dans les pays voisins. Les vautours, les charognards mangent nos corps. Silence, indifférence de nos dirigeants démocratiquement élus.

Nous peuple, on ne doit rien dire, on ne doit rien faire car nos dirigeants disent que nous sommes coupables.

A Bangassou on tue, on meurt, on viole les femmes, les enfants tombent un à un et ne peuvent plus téter leurs mamans, on brûle les maisons, on fuit dans la brousse et dans les pays voisins. Les vautours, les charognards mangent nos corps. Silence, indifférence de nos dirigeants démocratiquement élus.

Nous peuple, on ne doit rien dire, on ne doit rien faire car nos dirigeants disent que nous sommes coupables.

A Gambo, Ouango, Bema, on tue, on meurt, on viole les femmes, les enfants tombent un à un et ne peuvent plus téter leurs mamans, on brûle les maisons, on fuit dans la brousse et dans les pays voisins. Les vautours, les charognards mangent nos corps. Silence, indifférence de nos dirigeants démocratiquement élus.

Nous peuple, on ne doit rien dire, on ne doit rien faire car nos dirigeants disent que nous sommes coupables.

A Mobaye, Alindao on tue, on meurt, on viole les femmes, les enfants tombent un à un et ne peuvent plus téter leurs mamans, on brûle les maisons, on fuit dans la brousse et dans les pays voisins. Les vautours, les charognards mangent nos corps. Silence, indifférence de nos dirigeants démocratiquement élus.

Nous peuple, on ne doit rien dire, on ne doit rien faire car nos dirigeants disent que nous sommes coupables.

A Bria, Bamabari, on tue, on meurt, on viole les femmes, les enfants tombent un à un et ne peuvent plus téter leurs mamans, on brûle les maisons, on fuit dans la brousse et dans les pays voisins. Les vautours, les charognards mangent nos corps. Silence, indifférence de nos dirigeants démocratiquement élus.

Nous peuple, on ne doit rien dire, on ne doit rien faire car nos dirigeants disent que nous sommes coupables.

A Bandoro, Batangafo, on tue, on meurt, on viole les femmes, les enfants tombent un à un et ne peuvent plus téter leurs mamans, on brûle les maisons, on fuit dans la brousse et dans les pays voisins. Les vautours, les charognards mangent nos corps. Silence, indifférence de nos dirigeants démocratiquement élus.

Nous peuple, on ne doit rien dire, on ne doit rien faire car nos dirigeants disent que nous sommes coupables.

A Markounda, Bocaranga, Paoua,on tue, on meurt, on viole les femmes, les enfants tombent un à un et ne peuvent plus téter leurs mamans, on brûle les maisons, on fuit dans la brousse et dans les pays voisins. Les vautours, les charognards mangent nos corps. Silence, indifférence de nos dirigeants démocratiquement élus.

Nous peuple, on ne doit rien dire, on ne doit rien faire car nos dirigeants disent que nous sommes coupables.

Plus de 10 000 morts déjà dans l’indifférence totale.
Plus de 10 000 morts dans le silence total.
Plus de 10 000 morts déjà dans l’indifférence, le silence total et sans la compassion de nos dirigeants.

Ailleurs, même quand une mouche meurt, les dirigeants démocratiquement élus, se mobilisent avec le peuple pour pleurer et réagir.
Ici, chez nous en Centrafrique, nos dirigeants démocratiquement élus nous interdisent de pleurer et d’enterrer nos morts.
Ici, sur 16 préfectures de Centrafrique, 12 sont entre les mains d’une meute de loups criminels qui nous massacrent, nous tuent, nous violent et nous brûlent…

Et nos dirigeants démocratiquement élus nous empêchent de parler parce qu’ils sont en négociation pour la paix.

Ici en Centrafrique, voilà plus d’un an, sous les feux des armes et la violence, nous peuples de Centrafrique, nous nous sommes levés pour aller vous élire parce que vous aviez pris des engagements devant nous :
Qu’on ne nous massacrera plus,
Qu’on ne nous tuera plus,
Qu’on ne violera plus nos femmes,
Que nos enfants ne tomberont plus et iront l’école,
Qu’on ne fuira plus dans la brousse,
Qu’on regagnera nos villages, nos cases et nos maisons,
Qu’on ne fuira plus dans les pays voisins,
Que ceux qui sont partis reviendront…
Et nous vous avons cru.

Silence… Silence… En Centrafrique on tue, on meurt dans l’indifférence et le cynisme total de nos dirigeants démocratiquement élus. Vincent Mambachaka@eo

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Cynisme parce que pendant qu’on meurt, ils se querellent à longueur de journée pour des fauteuils ;
Cynisme parce qu’ils se bousculent et organisent des ripailles ;
Cynisme parce qu’ils se haïssent pour le partage des gâteaux ;
Cynisme parce qu’ils prennent des avions chaque seconde pour aller où on ne sait, parcourant le monde, dormant dans de grands hôtels de luxe, rencontrant les grands dirigeants de ce monde, se réunissant çà et là. De Paris à Bruxelles, de Bruxelles à New York, Washington, d’Addis-Abeba à Libeville, Brazzaville, Njamena, alors que chez eux, ils ne peuvent même pas aller à Zemio, Obo, Bria, Bangassou, Bandoro, Batangafo, Paoua, etc. pour compatir avec nous, pleurer avec nous, et ils nous empêchent de parler.
Cynisme parce que quand ils reviennent de leur tour du monde, ils sont entourés d’une bande de léopards, avec des véhicules blindés estampillés UN ; on ne peut même pas s’approcher d’eux, mais ils nous demandent de les applaudir.
Cynisme et dégoût car nos dirigeants démocratiquement élus, ne peuvent même pas ouvrir la bouche, pour dire :

Stop ! Vous ne protégez pas mon peuple.
Stop ! Vous ne pouvez pas arrêter le massacre de mes concitoyens.
Stop ! Vous ne pouvez pas ramener la paix, malgré vos séminaires et ateliers de  "vivre ensemble" à coût de milliards.
Stop ! Vous ne pouvez pas arrêter les meutes de loups qui massacrent, tuent, pillent mon peuple et lui rendre justice.

Cynisme et dégoût car nous peuple, victimes, nous sommes devenus coupables aux yeux de nos dirigeants démocratiquement élus et de leurs bande de léopards.
Car comment comprendre que quand un des leurs tombe, tous nos dirigeants démocratiquement élus entonnent le Linga, les tam-tams et les communiqués officiels pour compatir avec eux et nous condamner.
De victimes, nous peuple, sommes devenus coupable.

Je ne peux plus me taire en votre nom, peuple.
J’avais dit, écrit et contesté que notre élection n’était qu’une mascarade organisée par nos bourreaux.
Voilà pourquoi je ne dors plus. Je peux plus me taire.

Veuillez agréer, Excellences Messieurs, Excellences Mesdames, Honorables, nos très chers dirigeants démocratiquement élus, je vous prie et vous demande de vous réveiller pour crier, pour pleurer, pour compatir avec nous.

Combien de temps resterons-nous le pays des records négatifs…
Il est encore temps pour vous ressaisir, pour vous rassembler et de dire d’une seule voix : unité, justice, paix et liberté.

Je vous remercie.

Le 18 août 2017