Regard sur le Centrafrique

Jean La Fouine fait un point situation

La police scientifique au sein de la MINUSCA :

La mission de l'ONU en République centrafricaine -MINUSCA- est la première à disposer d'une équipe de police technique et scientifique, déployée au sein de la section d'investigations criminelles. Ils sont 6 soit 4 espagnols dont une femme, 1 fançais et 1 nigérian, et disposent de peu de moyens pour remplir leurs 2 missions : former police et gendarmerie centrafricaine pour renforcer leurs capacités et apporter un soutien opérationnel sur certaines enquêtes. Lors de notre visite à Bangui, nous avons eu la chance de passer une journée avec eux et découvrir leur travail.

Un constat catastrophique en Centrafrique :

Ni personnel ni moyens - La première tâche a été de faire une évaluation des capacités opérationnelles de la police et la gendarmerie centrafricaines en matière de police technique et scientifique -PTS-. Le constat est sans appel. "La situation est catastrophique. Nous nous sommes rendus compte que les forces de sécurité intérieures -FSI- ne sont pas en mesure d’apporter des réponses appropriées à la police technique et scientifique, notamment en raison du manque de personnel qualifié et de moyens matériels au sein des forces de sécurité intérieures. Les commissariats ont été brulés, tous les équipements ont disparu". Pourtant "les besoins sont réels", nous confie Sergio Sanvicente, de la policía espagnole, qui dirige l'équipe. 

Création d'une base de données :

L'équipe scientifique réalise une tâche opérationnelle importante. Sur Bangui, ils sont en train de créer un fichier d'identification des personnes en garde à vue. Il s'agit de remplir une fiche, prendre des photos et des empreintes digitales. Cela semble peu mais c'est essentiel car  "il n'existe aucune base de données en Centrafrique". "Nous avons commencé avec les détenus transférés de provinces vers Bangui, avec l’appui de la MINUSCA." Avec la procédure dont nous avons été témoins jeudi 2 novembre 2017, un total de 114 individus ont ainsi été signalisés. "Ce système de signalisation sera implanté dans les unités de la police et de la gendarmerie -SRI et DSPJ- après l'atelier de formation prévu."

Soutien aux enquêtes les plus délicates, massacre de Boali :

Depuis leur arrivée en janvier 2017, les policiers espagnols ont participé à 8 enquêtes. La plus sensible a été l'enquête menée dans le cadre d’une commission rogatoire internationale, émanant de la RD Congo. Avec des équipes légistes de l’Université de Columbia aux États-Unis et des anthropologues argentins, ils ont exhumé des fosses communes, à Boali, ville située à 80 kilomètres au nord de la capitale. Des soldats congolais, appartenant à la MISMA -mission de l'Union africaine- sont soupçonnés d'avoir tué des civils centrafricains, le dimanche 24 mars 2014, en représailles à l'attaque tuant un de leurs soldats la vieille. L'enquête étant toujours en cours, les policiers ne nous ont pas donné de détails et il faudra attendre pour connaitre les résultats de l'investigation.

...Massacres de civils et attaques contre la MINUSCA : 

Ils ont ensuite mené une enquête technique sur le meurtre d’un membre du contingent sénégalais de la MINUSCA par un groupe d’individus armés, à Bangui. Le reste des interventions se sont faites dans les régions du pays, souvent dans un village perdu au milieu de la forêt centrafricaine et dans des conditions plus que difficiles. Les enquêtes ont porté sur des attaques contre des effectifs de la MINUSCA à Bangassou au sud-est, à la frontière avec la RDC tuant 7 casques bleus marocains et cambodgiens notamment.

Ils ont également participé à des enquêtes sur des attaques contre des civils, à Bangassou -attaque contre la mosquée et le quartier musulman de la ville, faisant une centaine de morts- et à Gambo à peine quelques dizaines de kilomètres plus à l'est après l’assassinat de 10 membres de la Croix rouge Centrafricaine et de dizaines de civils au centre de santé. Dans la région de Bambari dans le centre du Centrafrique, 2 enquêtes ont porté sur des "massacres de civils".

Renforcer les capacités des FSI centrafricaines en les formant...

Le quotidien de l'équipe est également marqué par les formations qu'elle réalise au sein d'un travail plus global de la division UNPOL. "Les missions onusiennes ont évolué" nous explique-t-on depuis UNPOL.

Sécuriser n'est plus l'unique objectif. "Il y a un besoin de former les forces locales dans les domaines spécialisés, pour les rendre autonomes." Il est crucial de "faire entrer du sang neuf dans les FSI, formé par UNPOL, sur la base des standards internationaux". Une formation initiale, de 12 heures, en police technique et scientifique a été donnée aux 250 recrues de l'école de police et aux 250 élèves de l'école de gendarmerie. Ils seront les premiers à arriver sur les scènes de crime. "Il est donc essentiel de leur donner les bases pour protéger ces scènes".

Deux formations ont été organisées, en février et juillet 2017, au profit de l'UMIRR -Unité Mixte d’Intervention Rapide et de Répression des violences sexuelles faites aux femmes et enfants-, qui fait face à un important poids de travail. Des ateliers de sensibilisation ont également été réalisés en juin 2017, auprès de différentes unités des forces de sécurité intérieures, dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée. 

... et en les équipant :

C'est le PNUD -programme des nations unies pour le développement- qui est chargé, au sein de la MINUSCA, de fournir du matériel au forces de sécurité intérieures -FSI-. Pour tout ce qui relève de la police technique et scientifique, l'équipe PTS a joué un rôle de conseil en établissant d'une liste de moyens les plus urgents. Le matériel, en grande partie déjà à Bangui, sera livré aux FSI lorsqu'ils auront reçu la formation spécialisée en PTS. Elle a également contribué à l’élaboration d’un manuel de procédure de gestion des pièces à convictions. Devrait également être mis en place, courant 2018, un laboratoire de police technique au profit des FSI centrafricaines au sein du centre opérationnel commun.

Des effets limités par le manque de moyens : 

Malgré tout leur enthousiasme, cette équipe de police technique et scientifique ne peut faire davantage par manque de moyens. Son déploiement n'a pas été accompagné de l'envoi de matériel. Ils sont littéralement arrivés les mains dans les poches. Et tout ce qu'ils font, c'est avec du matériel qu'ils ont apporté eux même -appareil photo, gants, combinaisons cagoules...-.

Pourtant, seuls 20 000 euros permettraient de booster considérablement les résultats. Les négociations sont en cours pour obtenir cela... peut-être d'ici à 2018. Un premier atelier de formation pour les unités spécialisées de la police -DSPJ- et de la gendarmerie -SRI- prévu en juin 2017, a du être annulé par manque de matériel. Cela devrait être réglé "prochainement" avec, notamment, la mise en place d'un laboratoire qui servira pour la formation des FSI et la réalisation d'analyses de prélèvements.

Soutien à la Cour pénale spéciale :

Un membre de l’équipe spécialisée a participé à la sélection des officiers de police judiciaires -OPJ- qui seront rattachés à la Cour et leur formation en PTS sera assurée par l'ensemble de l'équipe. Outre la formation "nous sommes prêts à apporter notre appui aux enquêtes de la Cour Pénale Spéciale" affirme Sergio Sanvicente.   

Le Conseil de sécurité a adopté lundi 6 novembre 2017 la résolution 2382 reconnaissant "l'importante contribution que fournissent les services de police des Nations-Unies aux opérations de maintien de la paix et aux missions politiques spéciales de l'organisation".

….Les responsables des régies financières auditionnés par la commission finances de l’Assemblée nationale -

Les principaux responsables des régies financières de l’Etat sont auditionnés lundi 13 novembre 2017 par la commission des finances de l’Assemblée nationale. L’information est confirmée par plusieurs sources concordantes au ministère des finances qui parlent d’exercice de routine. C’est la quasi-totalité des responsables des régies financières qui s’est présentée devant la commission finances de l’Assemblée nationale.

Le ministère des finances parle d’exercice de routine lié à l’examen du projet de loi des finances de l’année 2018, "je confirme l’audition des cadres des finances mais cela se fait chaque fois qu’un projet de loi des finances est déposé au parlement. L’objectif est de présenter les enjeux aux députés membres de la commission avant la plénière", explique un proche du ministre Henri-Marie Dondra.

Les membres de la commission finances, selon des sources proches de l’Assemblée nationale, ont axé l’audition sur la capacité des régies financières à mobiliser les ressources nécessaires pour permettre à l’Etat de tenir les engagements pris dans le projet de la loi des finances de cette année, "les membres de la commission ont tenu à comprendre les mécanismes de mobilisation de ressources au niveau des régies financières et aussi les méthodes d’utilisation. L’objectif est de comprendre ce qui se fait et surtout harmoniser les points vues avant le débat des députés en plénière sur le projet que les élus doivent adopter pendant la session en cours", explique une de ces sources.

Depuis le début de la crise, l’Etat centrafricain a perdu le contrôle des taxes sur une bonne partie du territoire au profit des groupes rebelles. Au centre, les droits de douanes, d’impôts et les taxes imposés aux commerçants des bétails sont contrôlés par l’UPC de Ali Daras et les Antibalaka. Les taxes dans le nord, sont contrôléespar le FPRC et le MPC, 2 ailes dissidentes de l’ancienne Séléka contrôlées respectivement par Noureddine Adams et Alkhatime. La main mise des groupes armés sur les taxes sur plus de la moitié du territoire fragilise le relèvement économique du pays qui peine à sortir de la crise actuelle.

L’Etat centrafricain par conséquent à des difficultés à rassembler les fonds nécessaires pour tenir les engagements que lui impose la loi des finances en matière d’optimisation des ressources internes. L’augmentation des recettes nationales est d’ailleurs l’une des conditions posées par le FMI dans le cadre des conclusions relatives à la facilité élargie de crédit.

A suivre...

 Le 15 novembre 2017