Congo Brazzaville : déclaration du collectif des partis de l'opposition

L'opposition congolaise est plurielle. Elle comprend 4 tendances principales :

  • l’opposition alimentaire,
  • l’opposition entriste,
  • l’opposition identitaire,
  • l’opposition réelle.

 

Ces 4 tendances n’ont pas les mêmes positions sur les grands problèmes du Congo et ne visent pas les mêmes objectifs politiques. Dans ces conditions, il ne peut en aucune manière avoir un chef unique de l’opposition.

En tout état de cause, pour le Collectif des partis de l’opposition congolaise, le soi-disant chef actuel de l’opposition est un collabo. Il ne représente que lui-même et ne saurait aucunement porter la parole du Collectif des partis de l’opposition congolaise. En effet, sur toute la ligne, ses positions politiques sont aux antipodes de celles du Collectif.

Nous le récusons en tant que chef unique de l’ensemble de l’opposition congolaise, d’abord du fait de l’illégitimité de sa nomination, et ensuite et surtout, en raison de ses positions opportunistes et collaborationnistes.

Extrait de la déclaration du Collectif du 3 mars 2018 Trio@mz/jsi

 

Rencontre Citoyenne  samedi 3 mars 2018

Déclaration

Mesdames et messieurs les journalistes,
Mesdames et messieurs les invités, cadres, militants et sympathisants des partis membres du collectif

 

Au seuil de cette année nouvelle, le Collectif des partis de l’opposition congolaise présente à vous-mêmes et à vos familles respectives, ses vœux de bonne santé, de longévité et de bien-être politique, économique, social et culturel. Il émet le vœu qu’au cours de l’année 2018,notre pays sorte le plus rapidement possible de la crise globale qui le traverse, afin que le peuple congolais recouvre sa dignité.

L’actualité nationale de 2017 a été riche en événements majeurs : la guerre du Pool, une crise financière, économique, politique, électorale et sécuritaire gravissime, la dégradation vertigineuse et dramatique de la situation sociale des populations, la montée exponentielle dela mortalité dans les milieux des couches populaires pour cause d’extrême pauvreté, le maintien arbitraire en prison des acteurs politiques de l’opposition, la violation quotidienne des droits de l’homme, le silence assourdissant du président de la République face à l’appel incessant au dialogue politique national inclusif.

L’année 2018 s’annonce certes très difficile, mais, elle pourrait aussi se présenter sous de bons auspices, avec l’espoir d’un redressement financier du pays, d’un retour d’une paix véritable et durable sur toute l’étendue du territoire national, de la réconciliation nationale et de l’émergence des conditions permissives d’un vrai vivre-ensemble de tous les Congolais, par-delà les différences ethno-régionales, idéologiques, politiques, religieuses ou autres. Cela suppose que le pouvoir politique manifeste dans les faits, une volonté politique forte, pour apporter des solutions pertinentes à la situation générale du pays. Puisse la nouvelle année,être tournée vers la cohésion nationale et voir se tenir enfin, le dialogue politique national inclusif, en vue de la construction consensuelle d’un compromis politique nécessaire pour sortir de la crise multidimensionnelle qui étrangle le Congo, notre patrie.

Mesdames et messieurs les journalistes,
Mesdames et messieurs les invités, cadres, militants et sympathisants des partis membres du collectif,

Notre rencontre de ce jour s’articulera autour de 8 préoccupations du Collectif des partis de l’opposition congolaise, à savoir :

  • la réaction au discours sur l’Etat de la nation décliné par le président de la République le 30 décembre 2017,
  • la réaction à l’accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités dans le Pool,
  • la situation sociale épouvantable des populations,
  • le sort des prisonniers politiques,
  • l’exacerbation des contradictions au sein du clan régnant,
  • la nomination d’un soi-disant chef de l’opposition congolaise,
  • le point de vue du Collectif sur l’accord à conclure avec le FMI,
  • le budget de l’Etat exercice 2018.

 

1. Du discours sur l’Etat de la nation en 2017

Dans son discours sur l’Etat de la nation en 2017, décliné le 30 décembre, le président de la République a développé une analyse de la situation nationale totalement déconnectée de la réalité congolaise. En effet, le chef de l’Etat s’est complu à dresser un bilan très largement positif de l’action de son gouvernement, alors que le pays connaît une crise multidimensionnelle gravissime et se trouve dans une impasse politique totale.

Dans son euphorie, il s’est attaché longuement à répéter ses discours antérieurs sur les avancées louables prétendument réalisées dans les domaines des infrastructures de base, de l’économie, des télécommunications, de l’énergie, de la santé, de l’éducation et de la formation professionnelle, du logement, de l’environnement, etc. C’est à se demander si le président de la République vit sur la même planète que les Congolais et si le pays dont il parle est vraiment le Congo-Brazzaville.

Comme à son habitude, après l’auto-valorisation à laquelle il s’est livré, le président de la République n’a énoncé aucune mesure concrète pour sortir le Congo de la crise actuelle et s’est laissé aller à formuler des promesses mielleuses dont il sait qu’elles ne seront jamais tenues. Dans ce registre, il est revenu sur l’objectif de l’autosuffisance alimentaire et a indiqué que : " dès le début de l’année 2018, il importera de décliner les signaux de notre ferme volonté d’aller vers l’objectif essentiel de l’autosuffisance alimentaire"

Pour rappel, sous Sassou I et II, l’agriculture avait été déclarée priorité des priorités dans le programme quinquennal 1982- 1986. A l’époque, le pouvoir s’était donné pour objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en l’an 2000. Aujourd’hui, 35 ans après le lancement du programme quinquennal 1982-1986, le Congo n’a toujours pas d’agriculture digne de ce nom. Il dépense chaque année, près de 700 milliards de FCFA, pour importer des produits agricoles et alimentaires. Le temps est venu de quitter le terrain de l’incantation et du slogan pour passer aux mesures concrètes, aux fins d’arrêter l’hémorragie financière causée par les importations des produits agricoles et alimentaires.

Sur le plan social, au lieu d’annoncer des mesures de solidarité en faveur des retraités (12 mois d’arriérés de pension), des étudiants (un an d’arriérés de bourses) et des fonctionnaires qui émargent aux budgets de transfert (les personnels de l’université, du CHU, du CNLS, du CNTS et des collectivités locales qui totalisent de 5 à 30 mois d’arriérés de salaires, selon les catégories professionnelles), le président de la République s’est employé à condamner avec véhémence les grèves des personnels du CHU et de l’université en déclarant de façon étonnante : "aucune motivation ne peut rendre insensible le personnel médical, notamment les médecins pourtant astreints au serment d’Hippocrate, devant la nécessité de sauver une vie ; en parallèle, le refus d’assurer la transmission des connaissances aux étudiants est une entrave grave à la préparation des élites dont le pays a le plus grand besoin pour son développement". Ces propos pour le moins surprenants de la part du président de la République sur un sujet extrêmement sensible ont soulevé un torrent d’indignation dans l’opinion congolaise.

Pour le président de la République, qu’ils soient payés ou pas, les personnels de santé et les enseignants de l’université qui sont taillables et corvéables à merci, n’ont pas le droit de faire grève. Plus largement, le président de la République a indiqué : "bien que reconnu dans notre pays, le droit de grève ne saurait devenir la manette déstabilisatrice et paralysante des entreprises et des administrations"

On le voit, ce qui compte pour le président de la République, c’est la préservation des intérêts du pouvoir. Les droits sociaux des travailleurs comptent pour du beurre. Disons-le fortement : dans le monde entier, la grève est le moyen par lequel les travailleurs exigent du patronat et du pouvoir politique, l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie. Mettre en cause le droit des travailleurs à la grève, c’est ramener en arrière de plusieurs siècles, le Congo qui se targue d’être un pays progressiste.

Abordant la question de la crise des valeurs, le président de la République a repris son appel à la rupture avec les pratiques politiques et sociales déviantes. Il sied de souligner que pour être crédible sur ce terrain, le président de la République devrait prêcher par l’exemple, en joignant des actes concrets à ses paroles, car, pour donner des leçons de morale, il faut être soi-même moralement inattaquable. Dans cette optique, le président de la République devrait renoncer par exemple à la gestion partisane et néo-patrimoniale de l’Etat, en rétablissant le principe de l’égalité réelle de tous les Congolais devant la loi.

Ce principe suppose entre autres, que les critères de nomination aux postes de responsabilité de l’Etat redeviennent le mérite personnel, la compétence, l’expérience, la probité morale, etnon plus, comme cela est le cas aujourd’hui, l’appartenance familiale, clanique, ethnique, régionale ou partisane. De ce point de vue, le président de la République devrait absolument mettre fin à la "familiarisation" de l’Etat, au favoritisme familial, au noyautage clanique des postes de responsabilité au sommet de l’Etat et privilégier, le mérite personnel, la compétence et l’expérience.

Dans cette perspective, le slogan souvent brandi mais jamais appliqué : « mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » prend tout son sens. C’est sur le terrain des actes concrets que va se jouer la crédibilité du président de la République. Plus concrètement, c’est à l’aune des audits sur la gouvernance et la corruption tel que le veut le FMI, que le président sera jugé. Il ne doit plus se contenter de promesses mirobolantes et de slogans enchanteurs, il doit au contraire prêcher par l’exemple en plaçant au coeur de l’action gouvernementale, la transparence financière, la bonne gouvernance, la juste répartition de la richesse nationale et l’obligation pour chaque tenant d’une position de pouvoir de rendre compte de sa gestion.

L’exemple doit partir d’en haut pour se propager à la base. Le président de la République a le devoir moral d’impulser le rythme et la cadence de la vraie rupture par des actes concrets et non pas seulement par des paroles non suivies d’effet. On peut en douter, car, malgré les scandales révélés par Panama Papers, Public Eye et autres sources internationales d’information, le président de la République est demeuré silencieux, alors qu’il est bien au courant des graves crimes économiques commis par certains dignitaires du pouvoir.

L’enjeu est central. Car, aujourd’hui la mal-gouvernance, la corruption, l’enrichissement illicite, l’appropriation personnelle des biens publics, l’impunité, les inégalités et les injustices sociales flagrantes sont les marques les plus criantes de l’impuissance des gouvernants à soigner les maux qui minent le Congo, et, du même coup, la confiance des citoyens.

S’agissant de l’impunité qui gangrène toutes les sphères dirigeantes de l’Etat, le président de la République s’est défaussé sur le procureur de la République, les députés et les sénateurs. Là encore, le chef de l’Etat est passé à côté de la plaque, car, la loi congolaise dispose que c’est le président de la République qui nomme aux hautes fonctions de l’Etat. En vertu du principe du parallélisme des formes qui dispose que seule l’instance qui a pris une décision, peut la modifier ou la changer, seul donc, le président de la République qui nomme aux hautes fonctions, peut sanctionner les hauts responsables de l’Etat lorsqu’ils commettent des fautes graves.

Or, jusqu’à ce jour, aucun ministre, aucun président directeur général, aucun directeur général d’une entreprise publique ou d’une administration centrale, aucun magistrat qui s’est rendu coupable de détournements de Fonds publics, de corruption, d’enrichissement illicite ou d’appropriation personnelle des biens publics n’est sanctionné. De nombreux crimes économiques sont quotidiennement commis, mais aucun des auteurs de ces crimes n’est inquiété.

Les délinquants en col blanc sont assurés d’une totale impunité et marchent le col haut. Ils bénéficient du statut d’intouchables. Le temps est venu pour la justice, la Cour des comptes et de discipline budgétaire, les députés, les sénateurs, les inspections des finances, les contrôleurs d’Etat, de remplir leur office. A tous les échelons des services publics, il est urgent et impérieux de réactiver les instances de la sanction. Il est vraiment temps que les audits recommandés par le FMI se fassent sans délai pour la période 2003 – 2017. Le Congo doit absolument sortir du système de prédation et d’impunité en cours.

Par ailleurs, le peuple attendait du président de la République, qu’il annonce solennellement la tenue sans délai d’un dialogue politique national inclusif, rassemblant toutes les forces vives de la nation, pour construire ensemble des solutions pertinentes, pour chaque dimension de la crise globale qui mine le Congo. Malheureusement, le chef de l’Etat n’a soufflé aucun mot sur cette attente forte des populations. Cela est inquiétant, car, le dialogue inclusif est et demeure la seule bonne solution de sortie de la crise multidimensionnelle qui plombe aujourd’hui le Congo. Le Collectif des partis de l’opposition congolaise réitère son appel patriotique au chef de l’Etat, afin qu’il privilégie les intérêts supérieurs du Congo et qu’il consente enfin à convoquer le dialogue national inclusif que le peuple congolais et la communauté internationale exigent avec insistance. Le salut du Congo est à ce prix. Refuser le dialogue inclusif est un acte rigoureusement antinational.

2. De l’accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités dans le département du Pool

Dans le cadre de sa stratégie de contournement du dialogue politique inclusif qu’il rejette catégoriquement, le pouvoir a nnoncé, le 23 décembre 2017, qu’un accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités a été signé à Kinkala, entre le gouvernement, représenté par le ministre de l’intérieur, Raymond Zéphirin Mboulou et le pasteur Ntumi, représenté par monsieur Jean Gustave Ntondo, fraîchement sorti de prison pour les besoins de la cause.

Cependant, dans une interview à RFI, le 29 décembre 2017, le pasteur Ntumi a indiqué qu’il n’a pas été associé à la préparation de cet accord, du moins que le texte signé ne lui a pas été soumis avant sa signature. Il a toutefois pris acte de cette situation de fait, mais, a proposé la mise en place d’une commission mixte et paritaire de travail, chargée de pallier les insuffisances de l’accord signé. Dans cette perspective, il a émis un certain nombre d’exigences dont:

  • le règlement politique de la situation sous l'observation internationale,
  • la levée des mandats d’arrêt dont il est l’objet,
  • l’adoption d’une loi d’amnistie générale,
  • la réinsertion politique et la réinsertion socio-économique de ses miliciens,
  • le retrait des troupes dans les zones où il n’y avait pas leur présence avant la guerre,
  • la libération de tous les prisonniers politiques,
  • l’assistance multiforme aux populations sinistrées du département du Pool,
  • l’organisation du dialogue national inclusif, sous l’observation internationale.

 

Dans son discours sur l’Etat de la nation en 2017, le président de la République a balayé d’un revers de main toutes ces revendications et a mis sévèrement en garde tout acteur politique du Pool qui s’aviserait d’entraver l’application de l’accord de Kinkala. Cette non prise en compte des revendications du pasteur Ntumi par le président de la République présage de grandes difficultés dans l’application de l’accord de Kinkala.

Pour le Collectif des partis de l’opposition congolaise, la signature d’un accord de cessez-le feu et de cessation des hostilités, en vue de résoudre la crise du Pool, va dans le bon sens, à l’impérieuse condition qu’il intègre dans la discussion toutes les facettes du problème. Cette perspective ne peut être pleinement réalisée que dans le cadre d’un dialogue politique national inclusif, associant sans exclusive, toutes les forces vives de la nation, le pasteur Ntumi compris. Du reste, le président de l’Assemblée nationale, Isidore Mvouba invite lui aussi à une solution globale et inclusive de la crise du Pool. Oui, le temps est venu de mettre définitivement fin et au plus vite aux souffrances des populations du département du Pool.

3. La situation sociale épouvantable des populations

Comme chacun le sait désormais, de 2003 à 2014, l’Etat congolais a engrangé près de 14 mille milliards de Fcfa d’excédents budgétaires. Le gouvernement avait assuré l’opinion congolaise que cette cagnotte serait placée dans deux comptes ouverts à la BEAC : le compte de stabilisation des excédents budgétaires et le compte de réserves pour les générations futures. Le ministre des Finances de l’époque, monsieur Gilbert Ondongo avait prétendu que ce butin servirait à soulager les peines des Congolais en cas de besoin. Non seulement ces fonds n’ont pas été logés dans les comptes précités, mais la promesse de Gilbert Ondongo n’était qu’une duperie, comme d’habitude.

Aujourd’hui, force est de constater que l’embellie financière due à la bonne tenue du prix du baril de pétrole sur le marché mondial de 2003 à 2014, n’a pas profité aux populations congolaises. La profonde crise financière actuelle, due principalement à la mauvaise gestion des énormes revenus générés par le pétrole, à l’endettement excessif, aux emprunts gagés sur le pétrole à des taux exorbitants, aux surfacturations, à la corruption, aux détournements des deniers publics, à l’enrichissement illicite des tenants du pouvoir, aux placements des Fonds publics dans des comptes privés ouverts dans des paradis fiscaux, mais aussi à la chute drastique des cours du baril de pétrole, tous ces faits ont plongé les populations dans une détresse extrême.

Les retraités de la CRF qui totalisent 12 mois d’arriérés de pension au titre des années 2016, 2017 et 2018, les étudiants de l’UMG qui accusent un  an d’arriérés de bourses, les fonctionnaires qui émargent aux budgets de transfert qui totalisent selon les cas, de 5 à 30 mois d’arriérés de salaires, vivent un véritable calvaire. Ils sont quotidiennement menacés d’expulsion des maisons qu’ils louent ; ils n’ont plus les moyens de payer leurs factures d’électricité et d’eau ; leurs enfants qui sont dans des écoles privées sont exclus pour non paiement des frais d’écolage. Faute d’argent, ils ne peuvent pas se soigner, ni soigner leurs femmes et leurs enfants quand ils tombent malades : leur situation sociale est dramatique.

L’horizon est totalement bouché, car, dans son discours sur l’état de la nation en 2017, le président de la République n’a annoncé aucune mesure concrète en faveur de ces oubliés de la République. Le gouvernement reste insensible à leurs souffrances et les amuse de belles promesses. Le Congo s’est transformé en un pays coupé en deux : en haut, les tenants du pouvoir continuent de vivre dans l’opulence et le luxe; tout en bas, les populations meurent de faim et de pauvreté extrême. Soucieux avant tout de préserver ses privilèges, le pouvoir ne se soucie nullement du sort tragique des populations. Il leur a enlevé jusqu’au droit de protester contre la cruauté dont elles sont victimes de la part des gouvernants. Toute velléité de revendication de ce qui leur est dû est étouffée et assimilée à une atteinte contre la sûreté de l’Etat. Le parlement PCT et la mouvance présidentielle ne disent rien à ce sujet. Au contraire, les télévisions et les radios aux ordres du pouvoir continuent sans désemparer de crier le slogan : "Tout pour le peuple, rien que pour le peuple "

Les Congolais qui ne manquent pas de sens de l’humour ont détourné la signification de ce slogan qui devient : "Tout pour la famille régnante et les autres tenants du pouvoir, leurs épouses, enfants, frères, oncles, neveux, maîtresses, beaux-parents, clients ; rien pour les autres et pour le peuple". Le pouvoir fait montre d’un cynisme social inqualifiable à l’égard des populations meurtries par les effets dévastateurs de la crise financière actuelle. Il se comporte comme si de rien n’était et ne prend aucune mesure pour soulager les souffrances atroces des couches populaires. N’entend-on pas des propos scandaleux du genre "les retraités, ce sont des serpents sans venin" ?

Les 14 000 milliards d’excédents budgétaires extériorisés de 2003 à 2014 ont pris des chemins tortueux : Brésil, Singapour, Chine, Panama, Ile-Maurice, Koweit, Guinée-Conakry, Côte-d’Ivoire, Niger, RDC, Maroc, les Emirats arabes unis, etc. Comme le parlement croupion est incapable d’interpeller le gouvernement à ce sujet, le Collectif des partis de l’opposition congolaise interpelle le président de la République, afin qu’il dise au peuple congolais où sont passés les 14 000 milliards de Fcfa d’excédents budgétaires et qu’il ordonne leur rapatriement au Congo sans délai, car, les populations affamées en ont urgemment besoin. Il ne faudrait surtout pas qu’il fasse croire que cette cagnotte a servi à financer des infrastructures de base. Cela est archi-faux. En effet, la plupart, sinon toutes les infrastructures construites depuis 2003, l’ont été sur emprunts, souvent gagés sur le pétrole.  C'est le cas des infrastructures ci-après :

  • Prêts chinois : barrage d’Imboulou, lignes de transport du courant d’Imboulou, deuxième usine d’eau de Djiri, barrage de Liouesso, lignes de transport du courant de Liouesso, couverture nationale en télécommunications (fibre optique), route Pointe-Noire-Brazzaville, route Obouya- frontière du Gabon, route Owando-Makoua-Mambili, pont Mambili, route Mambili-Ouesso, aéroport de Brazzaville, aéroport d’Ollombo, aéroport de Pointe-Noire, hôpital d’Oyo, port d’Oyo, logements camp 15 août (Brazzaville), logements Mpila, complexe scolaire Mpila : Gampo Olilou et Lycée de la révolution,

 

  • Prêts divers :
  • route Corniche (Case De Gaulle- pont du Djoué) C2D (France),
  • route Brazzaville-Kinkala-Mindouli (FED),
  • première phase Keita-Djoum (don BAD); deuxième phase (prêt BAD),
  • cimenterie de Dolisie (Inde),
  • hôpital Blanche-Gomez (BADEA/OPEP),
  • port de Pointe-noire (AFD/BET).

 

  • Prêts Gunvor : construction de la zone industrielle de Maloukou, construction de 4 000  forages hydrauliques, confection de la cartographie géologique, prospection minière et géologique, construction de 12 hôpitaux départementaux, réhabilitation du transport sur le fleuve Congo.

 

Telle est la vérité sans addition étrangère. Alors, qu’a donc fait le pouvoir de l’argent inscrit chaque année au budget de l’Etat, de 2003 à 2017, dans la rubrique "investissements ?" Un audit sérieux et indépendant de l’utilisation des 14 000 milliards de Fcfa d’excédents budgétaires doit impérativement être réalisé.

Notons en outre que les infrastructures citées ci-dessus, souvent mal conçues et inachevées, réalisées de façon peu professionnelle, constituent un véritable gouffre d’argent et sont, dans bien des cas, sans profit pour le peuple, comme par exemple, dans des domaines vitaux de l’eau potable, de l’électricité, de la santé, des transports en commun, des logements sociaux, qui sont de véritables chemins de croix pour le peuple congolais.

4. Le sort des prisonniers politiques

Aujourd’hui, de nombreux responsables et militants de l’opposition congolaise croupissent dans les geôles du pouvoir. Il s’agit notamment de deux anciens candidats à l’élection présidentielle du 20 mars 2016 (le général Jean Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa), des membres de leur direction de campagne (Libongo Ngoka, Jean Ngouabi Akondzot et Jacques Banangazala). Monsieur Paulin Makaya, président du parti Uni Pour le Congo (UPC), arrêté à la suite de la marche républicaine de l’opposition, le 20 mars 2016, qui a pourtant purgé sa peine, est toujours maintenu en prison sans cause.

Le journaliste Guy Fortuné Dombé Bemba, directeur de publication de Talassa, arrêté pour avoir repris dans son journal, une déclaration du Pasteur Ntumi, déclaration pourtant largement diffusée sur Internet par son auteur, est lui aussi maintenu jusqu’à ce jour, en détention préventive. Il devrait être libéré, le gouvernement ayant signé un accord de cessez le- feu et de cessation des hostilités avec le Pasteur Ntumi dont il avait repris la déclaration. On compte également dans les prisons congolaises, près d’une centaine de militants de l’opposition, incarcérés pour délit d’opinion. Alors que l’opinion nationale et internationale attendait que le président de la République annonce dans son discours sur l’état de la nation du 30 décembre 2017, la libération de ces prisonniers politiques, le chef de l’Etat a, contre toute attente, et par euphémisme, émis le vœu de voir s’ouvrir dès le premier trimestre de l’année 2018, leur procès. Ces acteurs politiques de l’opposition n’ont rien à faire en prison. Ils doivent être libérés. Dans le contexte congolais très tendu d’aujourd’hui, le peuple a besoin d’apaisement et de réconciliation nationale et non pas de tension supplémentaire. Le procès politique qui s’annonce ne permet pas d’aller vers l’objectif de cohésion nationale qui est dans la situation d’aujourd’hui un impératif catégorique.

Le Collectif des partis de l’opposition congolaise invite le président de la République à bien vouloir user de son pouvoir discrétionnaire, pour libérer sans délai et sans condition tous les prisonniers politiques, ce, dans le dessein de décrisper le climat d’extrême tension qui prévaut dans le pays. Le Collectif réaffirme son attachement indéfectible à la démocratie et partant au respect scrupuleux des libertés fondamentales et des droits humains.

5. A propos de la nomination d’un soi-disant chef de l’opposition congolaise

Nous l’avons dit et répété mille fois : l’opposition congolaise est plurielle. Elle comprend 4 tendances principales : l’opposition alimentaire, l’opposition entriste, l’opposition identitaire, l’opposition réelle. Ces 4 tendances n’ont pas les mêmes positions sur les grands problèmes du Congo et ne visent pas les mêmes objectifs politiques. Dans ces conditions, il ne peut en aucune manière avoir un chef unique de l’opposition.

En tout état de cause, pour le Collectif des partis de l’opposition congolaise, le soi-disant chef actuel de l’opposition est un collabo. Il ne représente que lui-même et ne saurait aucunement porter la parole du Collectif des partis de l’opposition congolaise. En effet, sur toute la ligne, ses positions politiques sont aux antipodes de celles du Collectif. Nous le récusons en tant que chef unique de l’ensemble de l’opposition congolaise, d’abord du fait de l’illégitimité de sa nomination, et ensuite et surtout, en raison de ses positions opportunistes et collaborationnistes.

6. l’exacerbation des contradictions au sein du clan régnant

L’affaire dite du coup d’Etat présumé de Dabira a étalé au grand jour l’exacerbation des contradictions au sein du clan régnant. Chaque partie au conflit présente sa propre version des faits, à telle enseigne que les Congolais ne savent pas qui croire dans cet imbroglio. Pour sa gouverne, le Collectif interpelle le président de la République, afin qu’il dise au peuple ce qu’il en est du coup d’Etat présumé de Dabira, car, la guerre des clans qui déchire actuellement le pouvoir est lourde de conséquences pour le pays tout entier. Le peuple congolais ne veut plus revivre l’expérience douloureuse des années antérieures, expérience faite de déchirements au sein du pouvoir, de vrais ou faux coups d’Etat de palais, avec des conséquences désastreuses pour de nombreux innocents et pour le peuple.

7. Le point de vue du Collectif sur l’accord à conclure avec le FMI

Suite au sommet des chefs d’Etat de la CEMAC, tenu à Yaoundé au Cameroun, le 23 décembre 2016, sur la situation économique et monétaire de la sous-région, avec la participation de madame Christine Lagarde, directrice générale du FMI et de M Michel Sapin, à l’époque ministre français des finances, 5 délégations du FMI sont venues au Congo pour examiner sa situation macroéconomique et financière, afin de déterminer quel type d’aide lui apporter dans le cadre d’un programme approprié.

Malgré ces 5 missions successives, la conclusion n’est pas encore intervenue, parce que la situation constatée sur le terrain par le FMI est de loin plus catastrophique que celle angélique, présentée par les autorités congolaises. Pour le FMI, la situation macroéconomique du Congo est marquée par :

  • une croissance économique fortement négative avec – 4,63% en 2017,
  • une dette absolument insoutenable, représentant au moins 117% du PIB, mais en réalité beaucoup plus que cela, parce que, d’une part, une bonne partie de la dette publique demeure encore cachée, et d’autre part, la dette intérieure n’est pas prise en compte dans les calculs actuels,
  • un déséquilibre budgétaire abyssal atteignant 18% du PIB, au lieu de 3% au maximum (la norme édictée par la CEMAC),
  • une inflation galopante oscillant entre 4 et 12% suivant les marchés,
  • un épuisement quasi-total des réserves internationales de change qui déséquilibre dangereusement la position extérieure de l’ensemble de la zone CEMAC (le Congo n’arrive même pas à réunir le minimum de réserves de change pour 3 mois d’importation),
  • une absence totale de transparence financière,
  • une corruption dantesque à tous les étages,
  • l’incapacité du gouvernement à faire face aux charges fondamentales de la vie des Congolais.

 

A partir de ce constat amer, le programme à conclure avec le FMI doit viser à corriger ces déséquilibres structurels, à retraiter l’insoutenable dette publique pour la ramener à au moins 25% du PIB, voire à 20% comme en 2010 et à garantir aux populations un niveau de vie décent. C’est donc un programme d’ajustement, avec retraitement de l’énorme dette publique qui s’impose dans le cadre d’un accord avec la communauté financière internationale, aux fins de sortir le Congo de la grave crise globale qui le mine.

Cela passe obligatoirement par la prise immédiate de mesures fortes de réduction drastique du train de vie de l’Etat (avec un abaissement significatif des rémunérations faramineuses allouées aux hauts responsables de l’Etat, aux parlementaires, aux dirigeants des entreprises publiques et des administrations centrales ; la suppression des salaires fonctionnels payés indûment aux responsables des organes dirigeants du PCT), de lutte sans concession contre la corruption, les détournements des deniers publics, l’impunité et la pauvreté, le rapatriement au Congo de l’argent public logé dans des comptes privés et placé dans les paradis fiscaux, l’arrêt des emprunts gagés sur le pétrole, la réalisation des audits sur la gouvernance et sur la corruption, le paiement régulier des salaires de tous les fonctionnaires, des pensions de tous les retraités, des bourses de tous les étudiants congolais au Congo et à l’étranger, etc.

Le gouvernement congolais actuel n’est pas en mesure tout seul, de mettre en oeuvre cette vaste réforme. Les mesures courageuses proposées supra nécessitent un consensus de toutes les forces vives de la nation, consensus qui n’est possible que dans le cadre d’un dialogue national inclusif, pour construire un compromis politique dynamique 10 entre le pouvoir et l’opposition et promouvoir la réconciliation nationale et une gouvernance vertueuse, démocratique, rationnelle, transparente, sociale et participative.

Dans cette direction, le Collectif des partis de l’opposition congolaise invite le FMI à accentuer la pression sur le gouvernement congolais, en vue de la construction d’un consensus national, préalable à la réussite de tout programme à mettre en place.

8. Le budget de l’Etat exercice 2018

Le budget est pour tout Etat un instrument essentiel. Dans un pays gravement en crise comme le nôtre, il doit viser à rétablir les équilibres rompus à travers la mise en oeuvre des actions et mesures fortes, en dessinant le cap d’une gouvernance dynamique, transparente et porteuse. D’entrée de jeu, il sied de signaler que le budget de l’Etat exercice 2018 intervient à la suite d’un exercice qui s’est soldé par un large repli avec un taux de croissance négatif de – 4,63% et un déficit budgétaire de 18% de PIB contre 3% admis dans la zone CEMAC.

Les chiffres arrêtés pour le budget 2018 ne donnent pas suffisamment d’éclairage sur les hypothèses de base d’élaboration, malgré les estimations projetées par la dernière mission du FMI :
– la production pétrolière prévue en 2018 à 117 millions de barils ;
– la décote estimée à 2,5 dollars, le baril en 2018 ;
– le prix du baril estimé à 60 dollars en 2018, soit 57,5 dollars le baril pour le pétrole
congolais.

 

Les chiffres du budget 2018 se déclinent ainsi qu’il suit (en milliards de Fcfa : )

Rubriques                  Exercice 2016 **  Exercice 2017**  Budget 2018 ** Charges mensuelles de personnel

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Recette totales                    3608,73         §    2729,33             §  1602,19
dont recettes fiscales       1016,52        §     1014,652          §   754,600
pétrole                                    614,69               §      475,87            §      749,200
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Charges totales dont       3608,73         §    2729,33            §     1602,190
Charges financières          22,625           §     27,600             §    146,000
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Personnel                              410,120            §    451,100            §      364,500           34,2       §   37,591       §   30,375

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Fonctionnement               301,565           §     289,997          §      172,300
courant

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Investissements                 1349,866         §      978,420         §        264,00

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Déficit                                     – 298,249            §     – 426,582           §  - 219,000
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Les différentes évolutions qui apparaissent sont difficilement cernables. Elles masquent mal une volonté de camouflage de certaines réalités. L’accroissement des recettes pétrolières est à revoir au moment où la production est prévue en forte augmentation (117 millions de barils avec des hypothèses de base convenables telles que reprises plus haut) mérite qu’on regarde sérieusement la nouvelle mécanique mise en oeuvre, + 21,88% par rapport à 2016, + 57,44%par rapport à 2017 malgré la contraction de la production en ces deux années. Mais les hypothèses de base de ces années expliquent pour une large part cette évolution : une décote de 6 dollars au lieu de 2,5 dollars par baril, et surtout cette fameuse précaution de 10 dollars par baril, toutes choses qui ont ramené le prix du pétrole congolais à 35 dollars, le baril en 2017. Par ailleurs, combien de cargaisons sont prévues à la vente et pour quel tonnage ?

On comprend dès lors que c’est sous l’effet de la pression du FMI que le pouvoir a été amené à abandonner la fausse décote de 6 dollars et la fumeuse précaution de 10 dollars. Ceci laisse supposer clairement un grand détournement de fonds publics par ce biais. Les frais de personnel qui apparaissent hors transfert à 34,2 milliards par mois en 2016, à 37,53 milliards en 2017 et comme par enchantement à 30,375 milliards de Fcfa en 2018, constituent un problème préoccupant. Nous rappelons que jusqu’en 2002, les charges de personnel hors transfert avoisinaient les 10 milliards de Fcfa par mois. D’où vient la forte augmentation qui persiste jusqu’en 2018, malgré une légère contraction ?

La réponse est aisée : il s’agit des nombreux miliciens du pouvoir, des supplétifs de l’armée et de la police, des fictifs de la présidence de la République, des membres du bureau politique etautres dirigeants du PCT qui émargent au Trésor public bien que n’exerçant aucune fonction dans l’Etat. On se croirait au temps du monopartisme où le parti au pouvoir se confondait avec l’Etat. On note par ailleurs quelque chose de curieux au niveau de l’affectation par poste du budget, notamment en ce qui concerne la présidence de la République, la primature, le Sénat et l’Assemblée nationale.

Les fonds politiques de ces différentes institutions n’apparaissent nulle part dans le budget. Pourtant, on sait qu’ils sont importants, voire exorbitants. Par exemple, pour la présidence de la République, ils avoisineraient les 150 milliards de Fcfa par an, de 2010 à 2017, contre 2,5 milliards jusqu’en 2002. Dans le même ordre d’idées, la privatisation de la SNE et de la SNDE, symbole même de l’échec cuisant de la politique du pouvoir, n’est pas prise en compte dans le budget 2018.

  • Quelles sont les sociétés privées acquéreuses des deux anciennes entreprises publiques ?
  • A combien les ont-elles achetées ? Où est passé l’argent de leur privatisation ?
  • Le gouvernement a-t-il cédé ces deux sociétés gratuitement à la famille régnante ?

Pour tout dire, le budget de l’Etat exercice 2018 ne propose aucune mesure susceptible d’aider à la sortie de la crise multidimensionnelle qui bloque le Congo aujourd’hui.

En guise de conclusion,

Le discours sur l’état de la nation en 2017, délivré par le président de la République le 30 décembre, est une occasion ratée. Mais, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le président de la République doit choisir entre d’une part, l’intérêt du peuple et du pays dont il a la charge, et d’autre part, les intérêts partisans et égoïstes de son camp politique. Il doit choisir entre d’une part, la démocratie, l’Etat de droit et la bonne gouvernance, et d’autre part, un Etat policier, fait de privilèges, de passe-droits, d’inégalités et d’injustices sociales, d’impunité.

Jamais de mémoire de Congolais, une crise n’a été aussi profonde ; jamais le pays n’a eu autant besoin d’hommes capables de dépassement de soi et de désintéressement, uniquement préoccupés par l’intérêt général et la cause du peuple. Il appartient au président de la République de faire le bon choix, d’entendre la voix de la sagesse et de la raison, en convoquant sans délai le dialogue national inclusif, en vue de construire un compromis politique qui permette au Congo de sortir de l’impasse actuelle.

Brazzaville, le 3 mars 2018
Pour le Collectif, le collège des présidents