Congo : Face à la presse le collectif des partis de l'opposition dénonce

A Brazzaville, vendredi 3 mars 2017, face à la presse, le Collectif des partis de l’opposition dénonce

la énième concertation qu’organise le pouvoir de Brazzaville à Ouesso

Mathias dzonMathias Dzon - @centrafriqueledefi

Collectif des partis de l’opposition Congolaise

Déclaration :

Comme tous les congolais, nous avons appris par Télé Congo, qu’une rencontre s’était tenue au cabinet du ministre de l’intérieur, réunissant un certain nombre de partis politiques, soigneusement triés sur le volet, en vue d’une concertation à Ouesso. Le but de la concertation serait la préparation des élections législatives déjà programmées par le pouvoir pour l’année 2017.

Depuis le coup d’Etat de 1997, le pouvoir nous sert une pseudo-concertation concoctée par lui, à l’approche d’une élection dans le pays, concertation débouchant sur des mesurettes par ailleurs jamais appliquées. Souvenons-nous qu’avant Sibiti dont les conséquences gravissimes sont connues du peuple congolais, ni les concertations de Brazzaville, ni celle d’Ewo, ni même celle de Dolisie n’ont débouché sur des avancées démocratiques ou sur une amélioration de la gouvernance électorale.

Que visent donc ces concertations à répétition, dans le contexte congolais d’aujourd’hui, dominé par une gouvernance électorale mafieuse et calamiteuse qui fait de notre pays un contre-modèle de démocratie dans le monde ? Ces concertations, entièrement préparées par le pouvoir qui décide seul de l’ordre du jour, du nombre et de la qualité des participants, de la date et du lieu de la réunion et des conclusions auxquelles l’on doit obligatoirement aboutir, visent en réalité trois objectifs majeurs :

1) Donner une apparence de consensus au sein de la classe politique congolais sur les élections organisées dans notre pays. Le pouvoir vise ainsi à présenter toute contestation justifiée des élections qu’il organise, comme un comportement de mauvais perdant ou comme un acte relevant de l’irresponsabilité et du banditisme politique. C’est dans ce contexte que plusieurs de nos compatriotes ont perdu la vie et leur liberté pour avoir remis en cause le fameux consensus de Sibiti qui a abouti, comme on le sait, au coup d’Etat constitutionnel des 25 octobre et 6 novembre 2015 et au coup de force électoral du 20 mars 2016.

2) Abuser le peuple congolais sur un soi-disant accord entre le pouvoir et l’opposition sur les élections organisées au Congo depuis 2002. Le pouvoir tente de faire croire au peuple congolais que toutes les conditions d’organisation d’une élection juste, transparente et équitable sont réunies au terme des concertations qu’il organise sur fond d’abatage médiatique, de tricherie et de corruption. De ce fait, tous ceux qui s’opposent à ces fausses concertations, sont présentés comme d’irréductibles partisans de la "chaise vide" alors qu’en réalité, le pouvoir ne laisse aucune "chaise" (c’est-à-dire aucune possibilité de s’exprimer) à tous ceux qui n’adhèrent pas à sa démarche démagogique et anti-démocratique. Une démarche qui, de façon immuable, est toujours la même, à savoir garantir la victoire du camp présidentiel à chaque élection, quand bien même la réalité des urnes est totalement différente. Les concertations organisées par le pouvoir ne visent ainsi qu’à légitimer tous les hold-up électoraux organisés depuis 2002. Comme on le sait, depuis le coup d’Etat de 1997, le pouvoir n’a organisé dans ce pays aucune élection réputée juste, libre et transparente.

3) Donner le change à la communauté internationale qui ne cesse d’appeler la classe politique congolaise, sans aucune exclusive, à s’asseoir autour d’une même table et à trouver de façon consensuelle les solutions appropriées à la crise qui bloque le pays depuis une vingtaine d’années, crise véritablement multidimensionnelle car elle est à la fois politique, sécuritaire, économique, sociale, culturelle et morale. La communauté internationale, qui vient ainsi au secours du Congo pour l’aider à sortir d’une situation totalement bloquée et lui épargner de nouvelles guerres, appelle les acteurs politiques et la société civile à un vrai dialogue inclusif. Malheureusement le pouvoir, fidèle à sa logique, propose une concertation totalement exclusive pour contourner le dialogue inclusif qu’au-delà de la communauté internationale, tout le peuple congolais, qui aspire à vivre en paix sur la terre de ses ancêtres, appelle de tous ses vœux.

Les concertations qui se succèdent les unes aux autres, tels des leitmotivs, à la veille de chaque élection sont la preuve que rien de sérieux et de durable ne sort de ces rencontres. Tout cela n’est que du pipeau. Ce sont des rencontres destinées à donner un semblant de légitimité à une pratique mafieuse d’organisation d’élections, pratique qui n’a pour unique but que le maintien, coûte que coûte, du pouvoir actuel en place. Cela relève de la stratégie de l’unanimisme social, cher à tous les systèmes dictatoriaux et anti-démocraties, qui consiste à amener le peuple à croire, grâce à une campagne d’agitation politique bien orchestrée et de profondes manipulations de l’opinion, que les décisions prises au terme de chaque concertation sont bien l’expression d’un vrai consensus politique et sont donc le parfait reflet de la volonté du peuple. Il en sera ainsi de la fameuse concertation prévue à Ouesso.

Beaucoup de nos compatriotes, fort malheureusement, tombent dans ce piège grossier et croient, parfois en toute bonne foi, que les concertations menées à la veille de chaque élection conduisent à un vrai consensus et constituent par conséquent la manifestation de la volonté de notre peuple. De ce fait, ces compatriotes ne comprennent pas pourquoi certains responsables politiques de notre pays récusent totalement la légitimité de ces rencontres.

Souvenons-nous que le même type de concertation, soi-disant inclusif, s’est tenu à Sibiti. Il a abouti, on le sait, et comme c’était son vrai objet, au coup d’Etat constitutionnel des 25 octobre et 6 novembre 2015 et au coup de force électoral du 20 mars 2016. Une grande partie de l’opinion publique de notre pays s’était pourtant retrouvée, presque à la même période, à Diata dans un vrai dialogue alternatif pour proposer de bonnes solutions au respect de la légitimité et de la légalité constitutionnelles et à la refondation de la gouvernance électorale en vue d’une réelle alternance démocratique dans notre pays. Souvenons que, au lieu de prendre en compte les deux approches de l’opinion publique congolaise qui s’étaient exprimées à Sibiti et à Diata autour des questions fondamentales comme celles de la gouvernance électorale et de l’alternance démocratique, le pouvoir ne s’est intéressé qu’aux seuls résultats de Sibiti, c’est-à-dire aux résultats issus de la concertation préparée par lui, et pour lui. On peut mesurer ainsi l’étendue du mépris que le pouvoir congolais éprouve pour toutes les opinions qui ne cadrent pas avec ses visées dictatoriales et sa passion du pouvoir à vie.

On comprend pourquoi le ministre Raymond Zéphirin Mboulou a, comme d’habitude, soigneusement choisi les partis politiques conviés à participer à la réunion de préparation de la fameuse concertation de Ouesso. Il s’agit, comme on s’en doute, des partis de la mouvance présidentielle et ceux qui se proclament faussement de l’opposition mais qui, en réalité, accompagnent toujours le pouvoir dans ses manœuvres. On comprend pourquoi la vraie opposition a été exclue, celle qui se bat depuis 2012 pour une réelle refondation de la gouvernance électorale.

Le ministre de l’intérieur, comme le Président qui l’a instruit, se placent au-dessus de la Loi en invitant les hommes et les partis de leur choix pour participer à une concertation qui concerne la vie politique et l’avenir de notre pays. Nous savons pourtant que, ni le président de la République, ni à fortiori le ministre de l’intérieur, ne sont la Loi. En démocratie, les présidents de la République ne peuvent et ne doivent se situer au-dessus de la Loi. Toute démarche contraire du Président ou de ses ministres est une imposture intolérable.

Nous voudrions rappeler ici que depuis 2012, le Collectif des partis de l’opposition congolaise n’a jamais cessé d’interpeller aussi bien les autorités politiques congolaises, que l’opinion nationale et internationale, sur la nécessité d’un dialogue inclusif pour sortir notre pays de la grave crise qui le plombe depuis plusieurs années. Comment expliquer alors que le pouvoir, en prenant l’initiative de convoquer la classe politique congolaise autour des élections à venir, ait choisi d’oublier les représentants d’une partie de l’opinion publique congolaise que sont les partis membres du Collectif ?

Le Collectif des partis de l’opposition congolaise ne le répétera jamais assez. L’expérience historique montre que la quasi-totalité des conflits qui déchirent notre pays ont pour origine la question électorale mal réglée, la mal gouvernance, les coups d’Etat à répétition, l’absence de démocratie et de l’Etat de droit. C’était déjà le cas en 1958 et 1959, c’était aussi le cas en 1993 et en 1997. C’est récemment le cas en 2015 et 2016. A chaque fois, c’est le sang des congolais qui a toujours coulé parce que la classe politique s’est toujours montré incapable de s’asseoir pour trouver de bonnes réponses aux problèmes électoraux qui se posent dans le pays. L’expérience historique montre également que la plupart des conflits qui déchirent le continent africain ont aussi pour origine des élections truquées et mal organisées, comme en témoignent les exemples tragiques du Kenya en 2007, du Zimbabwe en 2008, Niger en 2009, de la Guinée-Conakry en 2010, de la Côte d’Ivoire en 2011, de la RDC en 2011 et 2016, du Burundi en 2015, du Gabon 2016, etc.

Pourquoi alors le pouvoir veut-il se précipiter à organiser une élection qui, on le sait, ne fera qu’accroître les rancœurs et les frustrations dans un pays déjà si fortement divisé ? Depuis 2002, le pouvoir congolais a mis en place un système électoral frauduleux qui lui permet d’être toujours largement vainqueur à toutes les élections qu’il organise. Aussi longtemps que ce système électoral à l’œuvre depuis 2002 sera en vigueur, il n’y aura pas d’élections libres, transparentes et équitables au Congo. Les députés qui sortiront de l’élection que le gouvernement s’empresse aujourd’hui d’organiser ne seront pas de vrais élus ; ils seront, comme par le passé, nommés par le président de la République.

C’est pourquoi, afin d’éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets, le Collectif des partis de l’opposition congolaise lance une fois de plus à l’endroit du président de la République, réputé garant de la paix et de la stabilité du pays, de surseoir toutes les opérations relatives aux élections législatives de 2017 que le gouvernement s’entête, contre toute logique, à vouloir organiser. Le Collectif interpelle l’ensemble de la classe politique congolaise sur l’impérieuse nécessité de procéder au préalable à une totale refondation de la gouvernance électorale actuelle, avant d’envisager l’organisation d’une quelconque autre élection dans notre pays. Nous savons tous que sans élections transparentes, justes et équitables, il n’y a point de pouvoir légitime, il n’y a point de paix réelle dans le pays et le développement durable reste de l’ordre des intentions et des slogans creux, comme malheureusement cela a souvent été le cas dans notre pays depuis une cinquantaine d’années.

Répétons-le, la réunion de Ouesso ne résoudra ni la grave crise du Pool, ni la grave crise post-référendaire, ni la crise électorale, ni les conséquences du coup d’Etat de 1997, ni toutes les violations des droits et libertés de l’homme et du citoyen, ni la grave crise économique, financière, sociale, morale et politique qui plombe le Congo. Chercher à contourner le dialogue inclusif pour se donner Ouesso comme un leurre supplémentaire, rien que pour la conservation du pouvoir à vie, est un acte criminel de plus pour un pays déjà beaucoup trop rougi du sang de ses fils.

Pour le Collectif des partis de l’opposition congolaise, les Congolais ont plus que jamais besoin de se souvenir qu’ils sont tous fils d’un même pays et qu’ils ont plus que jamais besoin de se parler, comme doivent se parler des frères qui prennent conscience de leurs errements et qui choisissent de se pardonner mutuellement pour construire la famille déchirée.

C’est pourquoi, pour le Collectif des partis de l’opposition congolaise, il n’y a qu’une seule solution viable pour sortir notre beau pays de la crise actuelle qui est aussi bien d’ordre politique, que sécuritaire, économique, sociale et morale. Cette solution, encouragée d’ailleurs par tous les amis du Congo et par l’ensemble de la communauté internationale, c’est l’organisation d’un véritable dialogue politique national inclusif, placé sous l’égide de la communauté internationale. Pour être productif, ce dialogue doit réunir sans exclusive toute la classe politique congolaise et se donner comme objectifs de :

- apaiser le climat d’extrême tension qui prévaut dans le pays ;

-apporter une solution politique à la crise du Pool ;

-revoir fondamentalement la gouvernance électorale à l’œuvre depuis 2002 avant d’organiser une quelconque autre élection au Congo ;

- restaurer la démocratie profondément mise à mal au cours des dernières années ;

-rétablir la République compromise par une gestion clanique de l’Etat, le favoritisme, le clientélisme, la corruption généralisée, etc. ;

-réparer les injustices et les frustrations ;

-réconcilier les congolais entre eux ;

-construire un compromis politique entre le pouvoir et l’opposition, compromis visant à promouvoir l’ouverture d’une période de transition, la formation d’un gouvernement et d’un parlement de transition, la construction des conditions permissives d’élections libres, transparentes et équitables au Congo, le rétablissement de la paix civile sur toute l’étendue du territoire national en général, sur toute l’étendue du territoire du Pool en particulier, la libération de tous les prisonniers politiques.

Les Congolais, divisés par plusieurs années de querelles et d’affrontements sanglants, doivent ainsi se donner l’occasion de se parler, de taire leurs rancœurs et de réaliser, dans la paix et la concorde, qu’ils ont un destin commun, sur une terre commune. Au nom des milliers de morts que la barbarie politicienne a ôté de l’affection de leurs proches, au nom des milliers d’orphelins innocents, au nom des milliers de veufs et de veuves désemparés, au nom des milliers de personnes qui ont tout perdu et qui vivent oubliées dans la maladie et le dénuement le plus total, les congolais ont besoin d’écrire aujourd’hui une nouvelle histoire de leur pays. En cela, comme nous l’avions déjà dit à maintes reprises, le dialogue national inclusif est un acte fondateur pour l’avenir du Congo.

Il incombe alors au président de la République, de faire preuve d’un sens élevé de patriotisme et de convoquer sans délai, ce nouveau rendez-vous du Congo avec son histoire, qu’est le dialogue national inclusif. En vue d’une tenue apaisée de ce dialogue, il est impératif que tous les détenus politiques soient libérés ; que l’état de siège de fait instauré sur toute l’étendue du territoire national en général et dans le département du Pool en particulier, soit levé ; que les libertés fondamentales et les droits humains soient rétablis. Le dialogue national inclusif doit être un forum d’échanges, d’écoute et de responsabilité et non pas une arène où les gouvernants écrasent les gouvernés et où de nouvelles rancœurs viennent s’ajouter aux anciennes. Il constitue le meilleur espace politique de construction des conditions permissives de la réconciliation et d’un vrai vivre-ensemble des congolais.

Fait à Brazzaville, le 3 mars 2017 - Pour le Collectif des partis de l’opposition du Congo

Le Collège des Présidents

Commentaire: Par cette énième Concertation à Ouesso et comme toujours avec les mêmes acteurs à double visage, avec les mêmes Renégats et le même ministre de l’intérieur pendant que le Congo est confronté à une crise sans précédent, le Congo va droit dans le mur. Tournant en rond et toujours au même rond point, par cette énième opération fractionniste de partage de circonscriptions électorales alors qu’il agite le vivre ensemble, le pouvoir de Brazzaville, décidément irresponsable, s’enferme dans une fuite en avant et joue peut être trop avec les allumette