Les leçons d'un ministre qui doit apprendre à ses dépends que l'on ne fait pas une révolution à moitié.

Suite à la prise de conscience tardive de l'échec du gouvernement par le president de la République, un nouveau gouvernement budgétivore et comprenant les bourreaux du peuple a été mis en place le 12 septembre 2017. Des calculs politiciens se sont invités et dans l'optique de rempiler en 2021, l'ancien ministre de l'intérieur s'est vu brusquement et brutalement dépouiller du précieux département de la sécurité publique au profit d'un cacique du cercle réduit de Damara.

Le désormais ministre de l'administration du territoire occupé et administré à 80% par les groupes armés a ressenti une frustration car humilié, diminué, miniaturisé et tout cela au mépris du rang d'arbitre occupé aux dernières élections présidentielles. Cet affront ou camouflet vient s'ajouter à l'imposition de ses collaborateurs directs -Directeur et membres de cabinet- par le premier ministre est devenu par la même occasion la goutte d'eau qui a débordé le vase.

Pour montrer son mécontentement ou son désaccord, le co-héritier de la Cour impériale de Berengo s'est terré à son domicile dans un mutisme assourdissant laissant la place aux spéculations, supputations et interprétations. Le scénario inédit au sommet de l'Etat n'est ni un droit de grève, inscrit dans le préambule de la constitution et qui doit respecter une règle de procédure, ni un droit de retrait qui est une possibilité donnée par la loi à un salarié de se retirer du travail lorsque ce dernier présente pour sa vie ou sa santé un danger grave et imminent. Le fatidique vendredi 13 octobre, le célèbre ministre a rompu le silence en organisant un point presse pour annoncer avec méfiance et prudence pour son avenir politique le grand retour au sein du gouvernement.

Hébété, le citoyen lambda qui n'a que ses yeux pour regarder s'interroge :

  • l'ancien ministre de l'intérieur n'était-il pas content parce que son ministère a été morcelé avec la perte du département de la sécurité publique ?
  • Ce mécontentement est-il lié à sa relégation dans le rang protocolaire du gouvernement ?
  • Rester chez soi est-il synonyme de démission ?
  • Avait-il le droit ou le devoir de se mettre en grève dans un climat sécuritaire aussi tendu ?

Si le ministre se permet de faire une capricieuse grève, pourquoi est-il le premier à envoyer les forces de l'ordre pour mater les marches ou manifestations des syndicats de travailleurs ?

  • En étant le premier gréviste du département, va t-il soutenir ou comprendre les cadres de son département qui sont en grève suite au décret portant nomination des préfets et sous préfets ?
  • Les jours non travaillés seront-ils payés ?

Quand on voit de l'autre côté un premier ministre qui manque du respect aux cadres de son ministère brandissant de menaces pour couper les salaires des grévistes.

  • S'il s'agissait d'un salarié ordinaire, ses jours d'absence devraient être payés ?
  • À son retour au gouvernement et en siégeant au conseil des ministres, n'avait-il pas honte d'affronter le regard des autres collègues ?
  • À t-il conscience de son poids dans le gouvernement ?
  • Quelles images ou leçons a t-il projeté à l'égard des ambassadeurs accrédités en Centrafrique ?
  • Et si chaque ministre se mettait en grève pour une raison quelconque, qu' adviendrait le gouvernement ?
  • À l'état actuel des choses, le ministre allait-il revenir au gouvernement si on était en 2020 c'est à dire la veille des présidentielles ?
  • Est-il revenu au gouvernement pour attendre la veille des échéances électorales pour se démarquer ?
  • Craignait-il de pointer au chômage non rémunéré en attendant 2021 ?
  • Les avoirs ou réserves bancaires n'étaient-ils pas suffisants pour atteindre 2021 ?
  • Qu'est-ce que le président de la République lui a promis comme gage de son retour ?
  • Et si éventuellement il est encore contrarié dans les jours à venir sur certains dossiers, que va t-il faire ?

 

Le désormais ministre de l'administration du territoire doit redescendre sur terre et surtout comprendre qu'à l'instar du Che Guevara, Sankara, Lumumba et Mandela, " on ne fait pas la révolution à moitié ". Une révolution digne de ce nom doit se distinguer de relation familiale où le fils peut bouder son père, se réfugier dans sa chambre en attendant la compassion de son père. En outre, il doit comprendre qu'une révolution ne se décrète pas même si notoirement la démission est absente de la culture politique centrafricaine. La révolution s'engage sur la base de conviction et d'idéologie. Dans ce contexte, un ministre de la République légitimement nommé par décret n'a que deux options en cas de désaccord : soit on démissionne, soit on reste et on subit.

En conséquence, on devient complice du désordre et de la mauvaise gouvernance. Il s'agit aussi d'une complicité frontalière de la prostitution politique qui elle même est la dérivée des alliances contre nature. Lorsqu'on ne croit plus à un groupe, on en sort pour honorer sa carrière, son éducation, sa famille, ceux qui ont cru en vous et surtout la jeunesse de Lakouanga dont vous êtes issus. Ainsi, dès lors qu'on est pas apte à faire une révolution, mieux vaut s'abstenir au lieu de faire des tapages médiatiques.

Pour finir, le président de la République et son premier ministre doivent prendre leur responsabilité devant l'histoire en engageant une procédure disciplinaire contre le ministre récalcitrant pour servir de jurisprudence de référence. Mais attention, ne le dîtes à personne. Si on vous demande, ne dîtes pas que c'est moi.                                                                                                                   

Paris le 20 octobre 2017

Bernard Selemby-Doudou

 Juriste, administrateur des élections