Centrafrique : Monsieur le président, qu'avez-vous fait de l'espoir du peuple

Bonne ou mauvaise élection présidentielle, le président tchadien est responsable de ses propos devant l’histoire. En effet, ce dernier avait proclamé solennellement sur le perron de l’Élysée à Paris "qu’il vaut mieux une élection bâclée qu’une transition chancelante". Néanmoins, l’élection groupée organisée dans des conditions inédites qui consacre le mathématicien de Boyrabe a connu une mobilisation sans précédent du peuple centrafricain. La recherche de la paix comme solutions aux barbaries des Séléka est la seule leitmotiv de cet acharnement sur les bureaux de vote.

 

Cette élection était unanimement saluée par la communauté internationale et représentait pour la population une chance pour la démocratie. Les différentes commissions d’observation électorale accréditées lors de cette élection ont rythmé leurs rapports sur la célèbre et traditionnelle appréciation "d’élection libre et transparente en dépit de quelques irrégularités enregistrées". La priorité du peuple meurtri était tellement ailleurs que la légitimité et la transparence des élections importaient peu. La proclamation des résultats de cette élection était suivie d’une liesse populaire et l’espoir était le maître mot qui revenait de façon récurrente dans toutes les conversations. Classé parmi les émotions et reposant sur la confiance, l’espoir se définit comme la disposition d’un esprit humain qui consiste en l’attente d’un avenir meilleur. Généralement, lorsqu’on espère en quelques choses, c’est que présentement cette chose manque.

  • Ce vide et après plus de 3 semestres de gouvernance, le citoyen lambda s’interroge sur le sort de l’espoir du 30 mars 2016 :
  • Qu’est devenu de nos jours l’espoir du peuple placé au Président de la République au lendemain de son élection ?
  • Monsieur le président, qu’avez-vous fait de l’espoir du peuple centrafricain ?
  • Si véritablement l’espoir fait vivre et ouvre des perspectives de nos imaginations, pourquoi privé le peuple centrafricain de cet espoir ?
  • Si tel est le cas, comment imaginez-vous monsieur le President la vie du peuple centrafricain sans espoir et surtout dans la crainte du lendemain ?
  • Ce pouvoir mérite t-il l’espoir du peuple centrafricain ?
  • Le mode de gestion du pays est-il en conformité avec le serment et la profession de foi ?
  • Pensez-vous qu’à la fin de la mandature, la situation peut se normaliser ?
  • Et si par malheur la situation ne se normalise pas, quel sera le sort de 2021 ?

 

Le sentiment du peuple après toutes ces interrogations se résume en deux mots : le désespoir et le désamour. Au départ tout le monde espérait aveuglément et sans surprise à l’arrivée tout le monde est déçu. On constate que la courbe de l’impopularité est au galop car le pouvoir n’a rien de différent d’avec les précédents régimes. La politique d’exclusion a atteint l’armée et crée par voie de conséquence des désagréments et frustrations au sein de cette noble institution.

  • La nouvelle armée que le pouvoir est entrain de mettre en place sera t-elle républicaine ?
  • La nouvelle armée respectera t-elle les critères de recrutement définis par la constitution du 30 mars 2016 ?

 

Il faut relever que les récents recrutements des soldats formés localement, au Rwanda, au Burkina Faso, en Israël et ailleurs ont la particularité d’une hégémonie, d’une suprématie de l’ethnie du président de la République. Cette main mise s’est matérialisée récemment par le limogeage du Général chef d’état major des armées au profit d’un parent colonel de l’armée. Au passage, nous condamnons sans réserve l’instrumentalisation de l’armée en violation des principes constitutionnels et tout cela pour satisfaire des intérêts égoïstes et inavoués. Sans surprise, les premiers choix politiques du président de la République en commençant par la désignation du premier ministre suivie de la formation du gouvernement déterminait déjà l’allure négative de la courbe géométrique.

En remaniant ce gouvernement d’amis politiques, le peuple pensait que le guide sera sensible à ses souffrance hélas, vous leur avez administré une gifle en reconduisant le premier ministre qui est totalement lessivé qui a son tour augmente exagérément et de façon irrationnelle la taille du gouvernement… bref, les erreurs de méthode et de stratégie se multiplient, la justice nationale véritable levier de la réconciliation nationale et du vivre ensemble a démissionné au profit de la Cour pénale spéciale qui avance à pas de tortue faute de clairvoyance, de transparence des nouvelles autorités, le pouvoir se met totalement en retrait et le pays "s’auto-gère" avec l’appui de la communauté internationale, au final on remarque un déphasage, un fossé entre les souhaits de la population et les décisions prises par les autorités. Presqu’a mi mandat, nous rappelons au président de République qu’il bénéficie encore de la grâce du peuple et non de la communauté internationale qui voit d’un mauvais œil l’entrée en jeu des russes.

À défaut de tout perdre, nous invitons les autorités à prendre au sérieux les menaces des groupes armés non conventionnels et de saisir l’opportunité de l’Union africaine et surtout d’impliquer les États de la sous régions dans le processus de règlement de crise.

Mais attention, ne le dites personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.

 

Paris le 6 janvier 2018

Bernard Selemby-Doudou

Juriste, administrateur des élections.