La guerre de l'Union européenne contre "les fausses nouvelles" viole les droits fondamentaux

                                                                                           Des universitaires déposent une plainte devant le médiateur européen

Alors que la liberté d'expression est en péril, il est impensable que celle-ci soit entravée par l’Union européenne elle-même. Dans ce sens, Alberto Alemanno et la clinique juridique européenne d’HEC Paris et la New York University School of Law ont déposé une plainte auprès du Médiateur européen concernant la légalité du service de "fact-checking" de l'Union européenne : la Disinformation Review. La plainte allègue que l'Union européenne ne respecte pas les droits fondamentaux telle que la liberté d'expression et le droit à une procédure régulière, dans l’examen de ce qui constitue une fake news.

Traitement des Fake News par l’Union européenne : une méthodologie plus que contestable

Concrètement, la Disinformation Review est publiée par le service européen pour l'action extérieure -le service diplomatique de l'Union européenne- afin de cibler les fausses nouvelles et la désinformation en ligne. Le principal reproche fait à cette Disinformation Review, c’est qu’elle procède par une méthodologie "ad hoc" dans sa vérification des faits.

Or, c’est bien l’absence de méthodologie claire qui est critiquée par la communauté internationale de vérification des faits dirigée par l'International Fact-Checking Network (IFCN). En effet, cette méthodologie "ad hoc" ne donne pas aux citoyens européens le droit d'être entendu, d’être traité impartialement et de connaître les motivations des décisions les concernant, requis pour que le gouvernement respecte la liberté d'expression des citoyens[1]. Cette plainte s’inscrit dans le contexte de la poursuite judiciaire de l'Union européenne devant un tribunal néerlandais pour avoir potentiellement violé les droits des journalistes néerlandais visés par le Disinformation Review (l’affaire a fait l’objet d’une transaction amiable).

Une réglementation qui peut porter atteinte au travail journalistique et à la liberté d’expression

La Disinformation Review cherche à contrôler le contenu en qualifiant les éditeurs de "sources désinformantes" et leur contenu de " désinformation", créant ainsi un effet dissuasif pour le travail journalistique pourtant au cœur de la démocratie. Il est vrai que les médias vivent en période de crise, ce qui a ouvert la porte à des campagnes de désinformation de la part de gouvernements hostiles.

"Si cette crise de confiance vis-à-vis des médias nécessite une action forte de la part des États membres et de la Commission européenne pour protéger les élections démocratiques, elle ne peut néanmoins pas s’opérer par la violation des droits fondamentaux qui minerait alors notre démocratie", explique Alberto Alemanno, professeur de droit européen à HEC Paris et fondateur de The Good Lobby.

En effet, toute démocratie libérale exige une presse libre ainsi que le libre échange d'idées, y compris des idées que nous trouvons désagréables, honteuses ou carrément fausses. La Disinformation Review fait défauts à ses citoyens, menaçant à la fois la liberté d'expression des journalistes et celle des citoyens ainsi que leur droit à une bonne administration.

Paris le 28 mars 2018

[1] en vertu de l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

Focus sur Alberto Alemanno  :

Alberto Alemanno est professeur de droit à HEC Paris, où il est titulaire de la Chaire Jean Monnet en droit de l'Union européenne. Entrepreneur civique de notoriété internationale, il est reconnu pour son travail dans les domaines du droit européen, de la régulation et de l’engagement citoyen.

Fondateur et directeur de The Good Lobby, une communauté des citoyens visant à démocratiser le lobbying comme activité citoyenne, Alberto Alemanno s'est engagé à combler le fossé entre la recherche académique et la société en Europe. Dans ce sens, il est à l'initiative, depuis la dernière décennie, de nombreux "combats" citoyens notamment sur les frais d’itinérance, les conflits d’intérêts comme par exemple dans le cadre de l’affaire Barroso voir sa tribune dans Le Monde en cliquant sur  http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/09/23/la-commission-europeenne-paie-la-facture-de-l-absence-de-transparence_5002178_3232.html  et sur les Fake News (voir sa tribune dans le Monde en cliquant sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/10/fake-news-l-initiative-doit-venir-des-geants-du-web_5239556_3232.html

Focus sur la clinique:

La Clinique juridique européenne est le résultat d'un partenariat entre la New York University School of Law et HEC Paris -Ecole des Hautes Etudes Commerciales de Paris-. La clinique a été fondée et est dirigée par le professeur Alberto Alemanno soutenu par Paige Morrow. Des étudiants sélectionnés des deux universités travaillent à titre pro bono avec des ONG, des universitaires et des praticiens de premier plan. La clinique soutient les organisations qui défendent les intérêts sous-représentés auprès des institutions européennes sur un large éventail de sujets, y compris la transparence des institutions européennes, les droits de l'homme, les droits des consommateurs et le droit de l'environnement.

Plus d'informations sur http://euclinic.eu.