Prêt pour l'Afrique d'Aujourd'hui ?

Capture8"Les pays d’Afrique seront nos grands partenaires et nous devons continuer à apprendre d’eux comme ils peuvent apprendre de nous." Lors de son discours devant les 170 ambassadeurs de France réunis à Paris le 29 août 2017, Emmanuel Macron a présenté une politique volontariste et de continuité à l’égard de l'Afrique. Pourtant, force est de constater que la France, durant les quinquennats précédents, n’a pas su bâtir un discours concret et renouvelé pour l’avenir économique du continent. Elle s’est, au contraire, empêtrée dans un passé qu’elle a longtemps refusé d’assumer pour avancer.

Dans son nouveau rapport "Prêts pour l’Afrique d’aujourd’hui ?", l’institut Montaigne dresse, à partir d’une cinquantaine d’auditions menées auprès d’institutionnels et d’entreprises de tout secteur et de toute taille, un constat objectif de la situation de la France en Afrique. Résolument afro-réaliste, il appelle le gouvernement à prolonger son élan en construisant une stratégie de long-terme pour le développement économique du continent. Cette stratégie, dans un contexte de renégociation des traités qui lient l’Union européenne à l’Afrique, sera européenne ou ne sera pas.

"Si nous voulons être prêts pour l’Afrique d’aujourd’hui, la nouvelle dynamique impulsée par le quinquennat devra se traduire par des avancées concrètes en termes de financement, d’investissement et de capital humain mais également par une vision renouvelée sur l'Afrique, désinhibante et assumée", déclarent Dominique Lafont, président de Lafont Africa Corporation et Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint,  tous deux co-présidents du groupe de travail de l’institut Montaigne.Capture2

           1. L’Afrique n’attend pas la France

L’Afrique subsaharienne est l’une des régions les plus dynamiques du monde, dépassée seulement par l’Asie émergente. Ses performances économiques sont, depuis le début des années 2000, supérieures à celles de l’économie mondiale. Alors que celle-ci s’accroissait de 4,2 % par an de 1999 à 2008, l’activité africaine connaissait une croissance moyenne de 5,6 % sur la même période. Outre sa conjoncture économique, l’Afrique est traversée par une série de transitions qui la projettent résolument dans l’avenir. La stabilité politique, entretenue par l’affermissement de la démocratie, et une population jeune, source de productivité et de croissance, constituent des atouts pour le développement du continent dans les prochaines années.

La France est-elle prête pour l’Afrique d’aujourd’hui et, plus encore, pour celle de demain ? Les atouts de la France sont indéniables. L’Hexagone et le continent africain ont des liens historiques, économiques, sécuritaires mais également linguistiques et culturels forts. Le soft power de la France en Afrique, notamment francophone, lui donne les moyens de peser sur l’environnement des affaires. A ce titre, la francophonie est un levier indéniable de son influence.

Ses faiblesses n’en demeurent pas moins nombreuses :

La France peine à développer un nouveau discours ;

Elle reste focalisée sur le risque africain, sans voir les opportunités et la rentabilité associée ;

Elle est largement concurrencée par les pays émergents, en premier lieu la Chine qui, en 2016, a été le plus important investisseur en valeur avec près de 31 milliards d’euros, très loin devant les Etats-Unis (3 milliards) et la France (1,8 milliard) ;

Enfin, l’insuffisante adéquation entre l’offre et les besoins de financement, l’étroitesse du spectre d’entreprises bénéficiant des aides publiques, la tendance à sous-optimiser les dispositifs d’aide publique existants et, enfin, la faible structuration de l’assistance technique n’ont pas permis aux entreprises françaises de suffisamment se développer.

Résultat : la France perd de son attractivité sur le continent africain.

En matière d’éducation, en dépit des liens nombreux et profonds entre la France et l’Afrique francophone (163 écoles françaises présentes sur le continent), on observe une perte d’influence, au profit notamment des pays anglo-saxons, dont le système est de plus en plus plébiscité par les étudiants africains.

En matière de présence commerciale, si la France reste un partenaire de premier plan pour l’Afrique subsaharienne, avec des parts de marché à environ 4 % en 2016, sa présence est également en net recul. Depuis le début des années 2000, les parts de marché françaises ont été divisées par 2,5 (9,7 %). Si elles sont plus élevées dans la zone franc (13,7 % en 2016), depuis le début des années 2000, la France y a perdu dix points de part de marché, essentiellement au profit de la Chine.Capture1

           2.  Pour un discours de restart

La France doit porter une politique et une stratégie de développement économique franche en Afrique. Il est impératif de laisser nos inhibitions derrière nous en faisant collectivement le choix d’un restart.

Ce discours de restart doit libérer les énergies et favoriser l’accès des entreprises françaises aux marchés africains. Il suppose également de lever les tabous. La corruption, les alternances démocratiques, les pratiques financières de certains pays émergents, le Franc CFA, ne doivent pas être abordés à mots couverts. Il convient d’ouvrir plus largement ces sujets au débat démocratique pour crever des abcès créés par un manque de transparence. Ce discours doit avant tout dissiper les fantasmes qui nourrissent à tour de rôle les afro-optimistes et les afro-pessimistes. Le restart est résolument afro-réaliste, pragmatique. Il nous permet d’être prêts pour l’Afrique d’aujourd’hui et celle de demain.

Les propositions de l’Institut Montaigne

Proposition 1:

Sous impulsion française, refonder au niveau européen le cadre réglementaire qui entoure les institutions internationales en exigeant d’elles un contrôle et une vérification du respect de l’application des clauses dans les projets qu’elles financent.

Proposition 2

Orienter davantage l’Aide Publique au Développement française vers les startups, TPE, PME et ETI.

Augmenter les montants dédiés au capital-risque et au capital amorçage, via Proparco et le nouveau fonds entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations.

Proposition 3

Créer un guichet unique d’accès aux différents outils de financement, d’assurance et d’aide technique à l’export, à destination des entreprises françaises. Réfléchir à l'opportunité de concentrer davantage certains instruments, à terme, au sein d'une banque française de l'export.

Proposition 4 :

Utiliser les relais institutionnels français dans les organisations de développement pour aider les entreprises françaises à saisir les opportunités offertes par la mise en place d'instruments de financement du secteur privé par les bailleurs de fonds.

Utiliser plus efficacement le levier de l'expertise technique comme source d'information et d'influence pour mobiliser des financements.

Proposition 5 :

Renforcer notre système d’assistance technique par :

  • la valorisation de l’assistance technique internationale auprès des administrations, pour faciliter la mise à disposition de ces compétences publiques volontaires à l’internationale, et notamment en Afrique ;
  • l’accélération et la finalisation de la fusion des opérateurs publics en charge de la coopération  technique internationale, pour améliorer leur capacité à mobiliser l’expertise publique française au seul service des intérêts des pays aidés et des entreprises françaises.

 

Proposition 6 :

Favoriser la création de Partenariats publics-privés dans l’éducation, intégrant les entreprises investissant en Afrique, les écoles et universités, étrangères et africaines, et les pouvoirs publics africains.

Axer ces PPP sur des compétences à la fois plus techniques et peu développées sur le continent (mathématiques, ingénieurs…) ; les orienter vers le niveau bac – 2 / bac + 3, par le développement de BTS notamment.

Cette diversification et cette massification de l’offre doivent permettre de répondre à l’enjeu déterminant de la formation du middle management, des techniciens, de l'innovation et de la recherche & Développement en Afrique.

Proposition 7 :

Faciliter la délivrance de visas économiques et de visas étudiants afin de multiplier les opportunités pour les Africains en France. L’ensemble des démarches administratives nécessaires au recrutement de salariés africains doit procéder de cette même logique de simplification.

Proposition 8 :

Dans le cadre du 5e sommet Afrique-UE, proposer une stratégie claire, renouvelée et coordonnée des politiques européennes en Afrique.

En s’appuyant sur le couple franco-allemand, redéfinir les objectifs de développement post-Cotonou, en coordination avec les pouvoirs publics africains.

Associer le secteur privé européen, partie-prenante non escamotable, à ces négociations.

Proposition 9

Promouvoir un "discours de restart" de la France en Afrique porté par les pouvoirs publics, afin de libérer nos entreprises d’une charge historique et politique qui handicape leur développement sur le continent. Ce discours de restart doit libérer les énergies et favoriser l’accès des entreprises françaises aux marchés africains.

Le 20 septembre 2017