Parlement européen : Discours de Karim Meckassoua président de l'Assemblée nationale du Centrafrique

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Karim Meckassou, président de l'Assemblée nationale du Centrafrique intervenant au Parlement européen et à ses côtés Faustin-Archange Touadera président du Centrafrique @pe

Monsieur le Président de la République centrafricaine ;
Messieurs les Co-présidents de l’Assemblée Parlementaire ACP-UE ;
Mesdames et Messieurs les Députés, chers Collègues ;
Mesdames, Messieurs ;

 

J’apprécie à sa juste valeur, et avec émotion, l’accueil chaleureux et amical qui nous est aujourd’hui réservé au sein de la délégation de l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, cette enceinte unique qui réunit des députés européens et des pays ACP.

Je prends la parole à la veille de la conférence internationale de Bruxelles pour la République centrafricaine. C’est peu de dire que ces assises revêtent pour le peuple centrafricain une importance de tout premier ordre. De ses résultats dépendront pour l’essentiel le relèvement assuré, plus ou moins rapide, de notre pays effondré, ainsi que la consolidation de la paix.

Au nom de la Représentation nationale et en mon nom propre, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à vous, Monsieur le Ministre d’Etat, Co-Président de l’Assemblée Paritaire ACP-UE, pour votre aimable invitation. Elle nous offre l’opportunité d’évoquer avec nos collègues députés la situation de la République Centrafricaine.

Messieurs les Co-présidents ;
Mesdames, Messieurs les Députés, chers Collègues ;

Après trois années de transition, le retour à l’ordre constitutionnel dans mon pays, la République centrafricaine, a été marqué par le référendum constitutionnel de novembre 2015, par l’élection démocratique et transparente du Président de la République, le Professeur Faustin Archange TOUADERA et par le rétablissement de l’Assemblée nationale.
Tout cela a été possible, dans un contexte de violence exacerbée, grâce à l’inestimable mobilisation de la communauté internationale en général et l’Union européenne en particulier. D'une manière générale l'UE a apporté depuis 2013 une contribution de plus de 500 millions d'euros pour faire face au cycle d'insécurité, de violence et d'instabilité politique de la RCA.

C’est le lieu pour moi d’exprimer, au nom des élus du peuple et en mon nom personnel, toute notre gratitude, notre gratitude spéciale à la MINUSCA, à l’Union Européenne, à l’EUFOR et à l’EUTM.
Aujourd’hui, la République centrafricaine est en voie de stabilisation. La paix s’installe progressivement. Mais, comme le montrent les évènements dramatiques vécus par les Centrafricains ces dernières semaines, nous ne sommes pas à l’abri de soubresauts violents et meurtriers. Nous avons à œuvrer pour qu’ils soient de plus en plus isolés, et qu’à brève échéance ils disparaissent tout à fait.

Messieurs les Co-Présidents ;
Mesdames et Messieurs les Députés ;
Mesdames, Messieurs ;

La composante parlementaire de l’équipe centrafricaine conduite par le Président de la République, Chef de l’Etat, le Professeur Faustin Archange Touadera, pour prendre part à la table-ronde organisée au bénéfice de notre pays est composée des Députés de la majorité et de l’opposition parlementaires.

Je vous engage à voir dans notre participation à cette délégation le signal fort d’un consensus national en cette période délicate de notre histoire. Ce consensus est l’expression de notre volonté commune et ferme de créer une unité politique, une « union sacrée » disons-nous chez nous, autour des principaux enjeux de notre relèvement en tant que peuple et en tant qu’Etat. Cette Union est, j’y insiste, la garantie que les engagements qui seront pris ici et les actions qui seront entreprises chez nous concernent tout le monde et pourront se poursuivre dans le temps.

Les défis auxquels les nouvelles autorités centrafricaines sont confrontées sont à la fois immenses, multiples et complexes : un pays à remettre debout, un territoire à pacifier, un peuple à unir, un Etat de droit à bâtir, une armée à restructurer, une administration à réformer et à former, des infrastructures à créer, des richesses à exploiter et à valoriser, la pauvreté à éradiquer, une culture juridico-politique de respect des droits de l’homme à enraciner.
Comme vous le voyez, les chantiers sont immenses. Et face aux nombreuses attentes de notre peuple, tout, absolument tout est urgent et prioritaire.

Notre conviction est que rien de grand, rien de solide, rien d’utile pour notre peuple ne peut se construire sans la durée. De la même manière, nous sommes convaincus que notre relèvement ne sera durable que s’il peut s’appuyer sur des institutions solides et un jeu démocratique retrouvé. C’est pourquoi l’Assemblée nationale de la République centrafricaine est si fortement attachée à la pleine effectivité de notre nouvelle Constitution et, entend occuper sa place et jouer son rôle, tout son rôle.

Malheureusement, cette crise militaro-politique qui a eu raison de l’Etat centrafricain a contribué à aggraver la situation de l’Assemblée nationale, plusieurs fois pillée, vandalisée et saccagée.
Déjà en 2009, notre situation était décrite dans un rapport d’évaluation de l’Union Interparlementaire comme étant celle d’un Parlement affaibli, voire quasi inexistant, et ce dans ses fonctions tant de législation que de contrôle. Après plusieurs années de crise aigüe, vous vous doutez bien que la situation ne s’est guère arrangée.

Mais, comme je l’ai indiqué précédemment, nous sommes engagés et bien engagés dans la voie de la stabilisation et du relèvement politique, économique et sociale ; d’une stabilisation et d’un relèvement qui ont pour socle la refondation de notre démocratie.
À titre d’exemple, notre Assemblée vient d’adopter une loi instituant la parité Homme-Femme en Centrafrique, y compris dans l’exercice des responsabilités politiques.

Je veux insister sur cet élément de refondation de la démocratie, devant une Assemblée où siègent les représentants des institutions dont le soutien massif et déterminé a permis que nous en soyons là aujourd’hui. Je ne voudrais pas manquer de saluer la solidarité de la famille ACP qui s’est manifestée à travers l’effacement significatif des arriérés de contribution de la RCA au budget de fonctionnement du secrétariat exécutif ACP.

Oui, je le dis avec fierté et reconnaissance : l’Union européenne, au travers du FED -fonds européen du développement-, a été le principal soutien financier du processus électoral qui a conduit au retour à l’ordre constitutionnel, et ce à hauteur de 20 millions d’euros.

Il nous appartient maintenant d’entretenir et de renforcer cet élan démocratique, condition de notre relèvement et d’un développement durable de la République centrafricaine.
C’est, à nos yeux, un des enjeux fondamentaux de cette conférence de Bruxelles. Nous sommes venus présenter un programme pour le retour à la paix et à la cohésion sociale, pour la reprise des activités économiques dans tous les secteurs, pour l’emploi, pour la réinsertion de notre pays dans le commerce international.
Pour mettre en œuvre ce programme nous sollicitons le concours financier des bailleurs de fonds, dont l’Union européenne en tant que partenaire traditionnel et des temps difficiles.

Mais, et c’est ce point que je veux mettre en exergue, nous sollicitons ce concours en étant convaincu qu’une des conditions de réussite de l’entreprise, mais aussi une des garanties essentielles que nous pourrons offrir à nos partenaires financiers, consistera dans la vitalité de la démocratie, et tout particulièrement dans l’effectivité du contrôle démocratique des politiques publiques.

En termes clairs, notre Assemblée nationale lance un appel vibrant pour que le Plan, présenté ici, de relèvement et de consolidation de la paix en République centrafricaine soit aussi un levier, et un puissant levier, pour l’enracinement de la démocratie et de l’Etat de droit dans notre pays.

Pour notre part, nous veillerons à ce que les mécanismes qui seront mis en place soient conformes à nos textes de base.
Pour que cela soit, il nous faudra œuvrer ensemble au renforcement des capacités nationales d’appropriation et surtout de contrôle démocratique.

Ce contrôle démocratique est, de notre point de vue, capital en tant que garantie de bonne gestion, de bonne gouvernance, bref de bonne utilisation des financements qui nous seront promis à l’issue de cette table-ronde.

Ce contrôle a vocation aussi à être central dans le dispositif général de reddition des comptes, car ce sera le signe indéniable que la République centrafricaine est bien revenue à la normalité étatique et constitutionnelle. Je dis bien qu’il devrait être "central", car il ne s’agit pas pour nous de contester la légitimité des contrôles mis en place par les bailleurs ou à leur demande, surtout lorsque ce contrôle est celui de l’Union européenne, assuré en dernier ressort par le Parlement européen, expression de la démocratie au niveau européen.

C’est dans cet esprit que l’Assemblée nationale a apporté sa contribution au document général qui est présenté à cette conférence, en mettant l’accent notamment sur les éléments suivants :
- Restaurer l’Assemblée nationale et les fonctions parlementaires de législation et de contrôle.
- Renforcer les capacités des élus, assistants parlementaires, personnels administratifs et techniques.
Pour atteindre ces objectifs, mais aussi plus largement pour mettre que le plan stratégique de développement de l’Assemblée nationale, qui est un plan d’enracinement et de consolidation de la démocratie et de l’Etat de Droit en Centrafrique, nous voulons pouvoir, nous savons pouvoir compter sur votre solidarité qui ne nous a jamais fait défaut.

Je vous remercie.

Le 16 novembre 2016