Message du Nouvel An de Catherine Samba-Panza

Centrafricaines, Centrafricains, Mes chers compatriotes,

Au seuil de la nouvelle année, la tradition m’offre encore une heureuse occasion de m’adresser à vous. Demain, 1er janvier 2016, nous aborderons une nouvelle étape dans l’histoire de notre pays. C’est une étape charnière dans notre existence qui est vécue avec allégresse dans tous les foyers centrafricains, à l’instar de tous les foyers du monde. C’est aussi un moment de méditation sur le chemin parcouru, afin de faire le point de nos réalisations mais aussi de nos manquements, dans la perspective d’un avenir meilleur pour notre pays.

Je suis persuadée que dans chaque foyer centrafricain, cette nuit de la Saint Sylvestre sera vécue dans un mélange de mélancolie et de bonheur. Car, si l’année 2015 nous a apporté quelques satisfactions dans notre vie individuelle ou collective, elle a aussi eu son cortège de malheurs et de désolations.

Volontairement, je ne vais pas ce soir m’y appesantir. Je fais plutôt le choix de tourner mon regard résolument vers l’avenir qui est porteur d’espoir.
Je n’en oublie pas pour autant tous les êtres chers que nous avons perdus au cours de l’année qui s’achève, souvent dans des circonstances dramatiques. Je vous demande à vous tous d’avoir une pensée profonde pour tous les centrafricains de toutes conditions, de toutes origines et de tous les bords qui ont été les victimes souvent innocentes de la barbarie d’autres centrafricains.

Mes chers compatriotes,
Nous devons rendre grâces à Dieu pour les moments de joies inoubliables vécus lors de la visite du Pape François en novembre dernier. Notre espoir d’une vie meilleure né de cette visite du Pape ne fait que s’accroître et se consolider de jour en jour. On a pu l’observer à l’occasion de la fête de Noël où les rues de la capitale étaient bondées de monde et où était ressenti le sentiment d’une joie retrouvée, de la peur domestiquée et du dépassement de tous les clivages.
Dans le sillage du Pape François qui nous a fait l’insigne honneur et l’immense joie de venir nous réconforter et nous délivrer un message d’espérance, j’aimerai ce soir vous adresser un message d’espoir et de foi en un avenir meilleur dans notre pays. Car, je suis convaincue pour ma part que désormais l’espoir est permis et nous devons tous y croire fermement.

Pour preuve : du chaos total dont nous sommes partis en janvier 2014 et malgré l’immensité des défis auxquels nous étions régulièrement confrontés, je peux affirmer que la barque centrafricaine a été redressée de son naufrage et qu’elle flotte désormais sur des eaux plus calmes, avec l’objectif d’arriver à bon port.
Pour obtenir cette amélioration significative de la situation globale de notre pays, il a fallu des efforts conjugués des uns et des autres, mais aussi l’appui indéfectible de la communauté internationale à qui je réitère ce soir un hommage tout particulier. Au titre des efforts faits par les autorités de la transition, je mentionnerai ceux qui ont été déployés dans les domaines clés de la gestion de la transition.

Dans le domaine politique, la politique hardie de rassemblement de tous les centrafricains autour de la reconstruction de leur pays que j’ai initiée en 2014 a été poursuivie et intensifiée en 2015 à travers la mise en place d’un gouvernement de large ouverture comprenant toutes les sensibilités politiques, respectueux des grands équilibres régionaux de notre pays et de la parité hommes femmes. La même logique a présidé à la formation des cabinets de la Présidence et de la Primature.

Au cœur de cette politique de rassemblement, j’ai également accordé une place de choix au dialogue permanent et à la recherche du consensus. Plusieurs rencontres ont été organisées avec les Forces Vives de la Nation, mais aussi au niveau des hauts dirigeants de la Transition sur des problèmes cruciaux engageant la vie de la Nation. Ces rencontres ont donné lieu à l’harmonisation des points de vue sur les problèmes en question et ont souvent contribué à l’apaisement du climat social.

Le dialogue politique et social comme mode de gestion de la Transition a surtout atteint son point culminant avec le Forum de Brazzaville, l’organisation des consultations populaires à la base et la tenue du Forum National de Bangui qui a débouché sur d’importantes recommandations.
Les consultations populaires à la base ont été reconnues unanimement comme une initiative inédite dans l’histoire de notre pays, tandis que le Forum National de Bangui, avec son record de participation et la qualité des discussions en plénières et dans les commissions thématiques, était un moment capital de réconciliation et refondation du pays.
Le Forum National de Bangui a débouché sur un accord historique entre les groupes politico-militaires et surtout sur un pacte républicain pour la paix, la réconciliation nationale et la reconstruction de la RCA qui rentrera incontestablement dans les annales de l’histoire de notre pays.

En application de l’une des recommandations phares de ce Forum, un comité de suivi a été mis en place qui est à pied d’œuvre pour l’évaluation de la mise en œuvre effective des dites recommandations. Il faut d’ailleurs souligner qu’un nombre important de ces recommandations est déjà réalisé, notamment à travers le projet de constitution qui a été massivement voté par le peuple Centrafricain mais aussi à travers les nombreuses décisions prises par les instances concernées.

Dans le domaine administratif, une attention particulière a été accordée à la restauration de l’autorité de l’Etat et au déploiement de l’administration sur toute l’étendue du territoire. Ainsi, la réhabilitation des infrastructures administratives dans l’ensemble des préfectures du pays ont été entamées, les préfets des 16 préfectures de même que les Sous-Préfet ont été dotés de moyens roulants, les forces de défense et de sécurité intérieures ainsi que les agents de l’administration ont progressivement été déployés dans l’arrière pays.

Evidemment, l’organisation des élections pour un retour à l’ordre constitutionnel était l’un des volets du programme politique de la Transition sur lequel nos efforts se sont également concentrés. Pour beaucoup, l’exécution de ce volet par les autorités de la transition s’apparentait davantage à une gageure. On peut aujourd’hui observer avec satisfaction que le défi de l’organisation des élections apaisées, dans le strict respect des dispositions de la Charte Constitutionnelle de transition et du Code électoral a été relevé. Le vote de la nouvelle Constitution a définitivement consacré le retour à l’ordre constitutionnel démocratique qui sera parachevé par l’élection des nouveaux dirigeants du pays à l’issue du scrutin groupé qui a eu lieu hier.
C’est le lieu de rendre un hommage mérité au peuple centrafricain qui s’est massivement déplacé pour accomplir son devoir de citoyen les 13 et 30 décembre 2015, dans le calme et la dignité.

Mes chers compatriotes,
Vous êtes en effet allés massivement accomplir votre devoir citoyen, montrant ainsi aux yeux du monde, votre désir de changement et votre soif d’un avenir meilleur. Vous avez montré votre volonté de voir une nouvelle configuration politique naître dans notre pays. Le monde entier est étonné de ce que vous avez pu réaliser dans la discipline et la ferveur. Je suis fière de vous et du visage de la Centrafrique que vous avez montré au monde entier.

Votre attitude démontre une prise de conscience aigüe et une volonté déterminée à reprendre en main votre destin.
Je rends aussi hommage à la classe politique Centrafricaine qui a compris les enjeux de ces élections et qui s’est engagée dans la compétition électorale sur la base des dispositions du code de bonne conduite signé par tous le 9 décembre 2015. Il leur appartiendra dans les prochains jours de préserver l’esprit de concorde nationale qui a prévalu durant ce scrutin, par l’acceptation du résultat des urnes par tous.

Je ne peux m’empêcher de saluer l’appui déterminant des partenaires internationaux déployés en soutien au processus électoral dont l’heureux aboutissement favorisera certes, le retour à l’ordre constitutionnel mais permettra aussi à notre pays de recouvrer sa dignité et sa place dans le concert des Nations démocratiques respectables et respectées.

Dans le domaine de la sécurité, avec l’appui des partenaires internationaux, la police et la gendarmerie ont été mises très tôt à contribution pour ramener la sécurité et la paix dans les villes du pays en menant une lutte implacable contre les forces non conventionnelles qui écumaient nos villes.

Concernant les FACA, les plaidoyers auprès du Conseil de Sécurité des Nations Unies ont progressivement abouti à un allégement de l’embargo, notamment celui sur les équipements et la formation. Même l’embargo sur les armes de guerre a aussi fait l’objet d’allégement pour faciliter l’opérationnalisation de nos forces de défense et de sécurité intérieures.
Il faut surtout retenir les avancées significatives dans la réforme du secteur de la sécurité grâce à l’appui des partenaires internationaux qui augurent que notre pays sera bientôt doté de forces de défense et de sécurité répondant aux standards internationaux, à savoir le professionnalisme, le respect du caractère multiethnique et républicain.

Dans le domaine de la justice, je ne peux omettre de mentionner les appuis multiformes ayant servi à renforcer notre système judiciaire mais aussi notre appareil sécuritaire. De la volonté affirmée des Autorités de la Transition de lutter contre l’impunité, une Cour Pénale Spéciale a été créée pour connaître des crimes graves commis en R.C.A. L’opérationnalisation de cette Cour qui fait l’objet d’une attention soutenue des partenaires internationaux mais aussi des organisations de la société civile Centrafricaine tout comme la collaboration étroite avec la Cour Pénale Internationale permettront à terme d’arrimer notre pays à un système judiciaire performant qui ne laisse plus de place à l’impunité et surtout qui veillera à la protection des droits fondamentaux des citoyens de ce pays.
Dans le domaine de la réconciliation nationale et conformément à la recommandation du Forum National de Bangui y relative, une Commission Vérité, Justice, Réconciliation et Réparation va être mise en place pour œuvrer à la consolidation de la cohésion sociale et de la réconciliation des communautés à la base.

Dans le domaine socio-économique, tout a été mis en œuvre pour éviter une crise sociale. Les salaires, bourses et pensions ont ainsi été payés régulièrement grâce à la mobilisation des ressources extérieures mais aussi à la mobilisation des ressources intérieures. La reprise des activités dans les établissements scolaires, à l’Université et dans les formations sanitaires du pays a été au cœur de nos préoccupations. Il est heureux de relever qu’elle a abouti à l’organisation effective des examens scolaires et universitaires à l’échelle de tout le pays en 2015.
La lutte contre le chômage des jeunes étant une préoccupation majeure pour nous, nous nous sommes attachés à promouvoir les programmes THIMO (Travaux à Haute Intensité de Main d’Oeuvre), en attendant des emplois plus durables que favorisera la croissance économique à pente ascendante déjà amorcée.
Je saisis cette occasion pour rendre hommage aux partenaires sociaux que sont les syndicats qui ont fait montre de patriotisme en contribuant à l’apaisement du front social.

La conjugaison des facteurs d’apaisement social a d’ailleurs permis de relancer la machine économique et partant d’augmenter sensiblement le niveau de nos recettes internes. Le contrôle du fichier de la solde et l’assainissement des services des régies financières, avec l’appui des partenaires internationaux, auxquels s’ajoute la sécurisation du corridor Bangui Garoua Boulaï ont eu des effets très positifs sur la croissance de notre économie qui est passée de -36% en 2013 à 4,3 % en 2015.

Au-delà de ces efforts du gouvernement, ma vision de la relance de l’économie de notre pays a abouti à l’organisation d’un forum sur la promotion du secteur privé. Le succès retentissant de ce forum a permis de dégager des perspectives très claires et prometteuses pour la création d’unités de production, d’emploi des jeunes et des femmes, et in fine, l’éradication de la pauvreté.

Dans le domaine humanitaire, n’eussent-été les crises des mois de septembre et octobre 2015, la tendance à l’amélioration de la situation des personnes déplacées internes aurait pu se maintenir durablement et conduire au retour de la majorité de ces personnes à leurs domiciles habituels.
Le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens pour apporter son assistance aux personnes affectées par les différentes crises ; rien que pour les drames vécus dans les 5e, 3e et 6e arrondissements de la ville de Bangui en septembre et octobre 2015, une enveloppe de plus de 180 millions de francs CFA a servi à apporter des réponses d’urgence aux victimes ou parents des victimes de ces drames.

Mes chers compatriotes,
Certes l’immensité des défis sur tous les plans n’a pas permis de résoudre tous les problèmes à la fois. Je peux cependant assurer que tout ce qui pouvait être fait avec les moyens disponibles a été fait et dans la plus grande transparence. Je peux me permettre de le dire tout haut : beaucoup a été fait sous mon mandat.
Il y a des acquis incontestables de la Transition sous mon impulsion qui ont permis des avancées appréciables dans la renaissance de notre pays.

Mes chers compatriotes,
A l’occasion de la visite du Pape, j’avais décliné ma vision de la Centrafrique de demain :"Une Centrafrique sans rancœurs, sans haines, sans divisions, sans discrimination de religions et d’ethnies, une Centrafrique sans armes et dans laquelle tous les citoyens pourraient « se donner la main", pour relever et reconstruire leur pays."
Le vœu le plus cher que je formule pour mon pays et pour notre peuple à l’occasion de la nouvelle année qui commence demain est de voir cette vision se réaliser concrètement. Puisse la nouvelle équipe dirigeante de notre pays s’inscrire dans la continuité de cette vision et de l’esprit du Forum de Bangui.

La transition s’est attelée à bien faire son travail pour sortir le pays de la crise afin que les dirigeants à venir puissent hériter d’un pays stable et gouvernable. Ceux qui sèment ne récoltent pas forcement les fruits. Nous avons, quant à nous, semé les graines de l’Esperance pour notre pays pour que les centrafricains de tous bords se rassemblent afin de conjuguer ensemble les cinq verbes du père fondateur.

Pour finir, je souhaite une bonne et heureuse année 2016 à tous mes compatriotes où qu’ils se trouvent, à tous nos partenaires de la communauté internationale qui ont toujours été à nos côtés, aux éléments des forces internationales qui ont sacrifié leur famille à cause de la paix en Centrafrique et à tous les amis de la République Centrafricaine partout dans le monde.
Soyons reconnaissants à Dieu pour toutes les bénédictions reçues en 2015 et confions lui avec foi l’année 2016.
Je vous remercie.

Catherine Samba-Panza - 31 décembre 2015