Réaction d'Aristide Briand Reboas entre les deux tours de l'élection présidientielle et des élections législatives

Centrafrique le défi - C.l.D : Aristide Briand Reboas que pensez-vous de la décision de la Cour Constitutionnelle de la transition de poursuivre le processus électoral en Centrafrique ?

Arisitide Briand Reboas -A.B.R :  Contre toute attente, la Cour Constitutionnelle a maintenu en partie des élections du 30 décembre 2015 en Centrafrique. En effet, ces élections "dites groupées" devaient se dérouler le même jour sur tout le territoire national et dans les pays étrangers où se trouvent les membres de la diaspora en âge de voter.

C.l.D : Partagez-vous les raisons des différentes contestations et demande d’annulation de ces élections ?

A.B.R : Oui tout à fait. En effet, pour causes de diverses irrégularités et des  fraudes massives, les candidats et les partis politiques, ont demandé l’annulation pure et simple des élections. La possibilité d’annulation de ces élections est prévue par les textes en vigueur notamment le code électoral et la charte constitutionnelle de transition. Selon ces textes, "tout candidat ou son mandataire dûment habileté, tout parti politique, toute organisation, tout groupement de partis politiques légalement constitué ayant présenté un candidat à l’élection présidentielle, peut saisir la Cour d’une requête tendant au redressement des résultats provisoires ou à l’annulation partielle ou totale des opérations électorales (art 55 de la loi organique sur la Cour et 126 nouveau)"

C.l.D :  M. Reboas quelle est l’ampleur de ces  irrégularités ? Sont-elles assez suffisantes pour justifier une annulation ?

A.B.R: Les irrégularités ont été constatées tant au niveau des législatives que des présidentielles sur pratiquement tout le territoire national. On évoque la circulation dans les bureaux de vote de cartes d’électeurs falsifiées, des faux bulletins de vote, des cartes distribuées à des mineurs et bien de manquement dans plusieurs bureaux de vote.

C.l.D : M Reboas que pensez-vous des élections groupées ?

A.B.R : Curieusement, la Cour Constitutionnelle a décidé de poursuivre les élections présidentielles et d’annuler toutes les législatives alors que les raisons qui justifient l’annulation des  législatives sont les mêmes qui justifient la validation des présidentielles. Ainsi, deux candidats ont été retenus pour le second tour de l’élection présidentielle à savoir : M Anicet George Dologuélé et M. Faustin Archange Touadera. Cette contradiction se passe de tout commentaire.

C.l.D : M Reboas quels sont les responsables de cette mascarade électorale ?

ABR : On se demande si l’ANE, Mme Catherine Samba-Panza et la Cour Constitutionnelle sont bien conscients des conséquences, et  notamment des désagréments que subissent les candidats à ces élections. Après quelques manifestations, les autorités centrafricaines de la transition viennent de décider la réorganisation des élections législatives ainsi que le second tour de la présidentielle. La Cour Constitutionnelle est évasive et même silencieuse sur les nombreux recours présentés par des candidats qui s’estiment lésés à juste titre.

C.l.D :  M Reboas que peut-on attendre du nouveau calendrier électoral ?

A.B.R : Selon le nouveau calendrier, la deuxième  période de campagne est ouverte pour les législatives et présidentielles. Il semblerait que l’engouement et la mobilisation observées le 30 décembre 2015 lors du 1er tour  ne sont pas au rendez-vous. Ce que l’on peut  comprendre compte tenu des disfonctionnements ayant entrainé des reports successifs du scrutin. On peut penser logiquement que les citoyens et les candidats sont exaspérés et découragés du fait que rien ne marche. Ces élections tant attendues pour pacifier et rétablir l’ordre constitutionnel en Centrafrique sont devenues une mascarade. L’espoir d’une renaissance de l’Etat et de la nation centrafricaine a laissé la place à la désillusion et le désenchantement.

C.l.D : M Reboas quelles seront les conséquences de ces élections imparfaites ?

A.B.R : On risque d’assister à un désamour, un désintérêt et finalement une forte abstention de nos concitoyens. On peut également craindre hélas, des soulèvements car les élections truquées ont toujours été des facteurs déclenchants des crises sociales et militaires. La manière dont les autorités de transition, l’ANE et la Cour Constitutionnelle organisent les élections risque de conduire à la désignation des représentants illégitimes qui auront beaucoup de peine à susciter l’adhésion du peuple souverain au projet commun de reconstruction de la Centrafrique.

C.l.D : M Reboas quelles sont les répercussions de ces élections imparfaites sur la démocratie centrafricaine ?

A.B.R : Cette situation est d’autant plus préoccupante que les prochains dirigeants centrafricains devront relever plusieurs défis pour redonner au Centrafrique la place qu’elle mérite au sein du concert mondial.

Ces défis sont essentiellement pour rétablir l’ordre constitutionnel, la sécurité de la population sur tout le territoire, la santé publique, l’éducation, la formation et l’économie.

Ces défis constituent  un gros chantier qui ne doit pas être confié à des dirigeants véreux et illégitimes. Il y va de la réussite du chantier nécessaire à la remise sur les rails du Centrafrique.

Le Centrafrique a besoin des dirigeants capables de relever les défis précités mais aussi et surtout capable de rassembler, de réconcilier et de protéger le peuple.

C.l.D : M Reboas avez-vous un appel à lancer dans ces circonstances ?

A.B.R :  J’en appelle d’une part au sens de la responsabilité des autorités de la transition, de l’ANE et de la Cour Constitutionnelle en charge des élections,  d’autre part à la responsabilité des Chefs d’Etat de la CEEAC, des organisations internationales gouvernementales -ONG- et non gouvernementales engagés dans le processus électoral, l’Union européenne et les partenaires engagés dans le processus électoral en Centrafrique à prendre la réelle mesure de cette situation afin de prévenir la résurgence d’une crise fratricide dont le peuple centrafricain n’a besoin.

C.l.D : M Reboas, y a-t-il un moyen d’empêcher les risques de fraudes au second tour de la présidentielle et des  législatives ?

A.B.R : Il convient de signaler que le nombre de votants a dépassé celui des inscrits sur la liste électorale.  Il y aurait environ 500 000 cinq cent milles voix de trop susceptibles de modifier le bon déroulement du scrutin. On ne saurait à qui des deux candidats retenus pour le deuxième tour de la présidentielle profiteraient ces voix irrégulières. Décidemment  les autorités de la transition, l’ANE et la Cour Constitutionnelle ne veulent pas tirer des leçons du passé encombrant en matière des élections imparfaites.

C.l.D : M Reboas pensez-vous que la Cour Constitutionnelle de transition a une responsabilité particulière dans l’échec du processus électoral ?

A.B.R : Evidemment, Ironie du sort, la Cour Constitutionnelle se trouve à proximité de la faculté de droit de l’université de Bangui. On peut se demander quel sera le message que les jeunes étudiants, futur juristes centrafricains recevront de leurs ainés les "fameux sages" de la Cour Constitutionnelle de la transition en Centrafrique ? Cette déplorable situation est de nature à jeter le discrédit sur la plus haute institution judiciaire centrafricaine et sur la réputation de notre pays.

C.l.D : M Reboas selon vous, qu'est ce que  l’histoire retiendra  de ce rendez-vous manqué en Centrafrique ?

A.B.R  : l’ANE et la Cour Constitutionnelle de la transition vont très certainement rentrer dans l’histoire de façon tristement célèbre à cause de cette mascarade électorale. Quel dommage !

C.l.D : M Reboas on vient d’apprendre que votre livre intitulé  "pour une politique de paix en Centrafrique"  récemment paru aux éditions l'Harmattan vient de faire son entrée dans la  librairie des sciences politiques de Paris parmi les ouvrages de droit international. Quelles sont vos impressions ?

A.B.R  : C’est un honneur, un grand plaisir dans la mesure où j’ai fait des analyses et des propositions pour régler le problème du Centrafrique mais aussi de la sous-région. J’ai également évoqué dans ce livre la vulnérabilité de l’occident comme probable conséquence de la faiblesse des Etats africains en l’occurrence le Centrafrique et les autres pays de la sous-région.

C.l.D : M Reboas ce livre a-t-il déjà fait son entrée dans des librairies en Centrafrique ?

A.B.R : Je ne sais pas, mais je le souhaite vivement non seulement en Centrafrique mais dans les autres pays concernés par la problématique de la recherche de la paix. Le fait que ce livre fasse son entrée à  la librairie de Paris démontre son intérêt dans les domaines de la géostratégie et de la défense.

(1) Référence "Pour une politique de paix en Centrafrique", librairie de sciences po. Paris

http://www.librairie-sciencespo.fr/

centrafrique/aristide-briand-reboas/9782343082950.htlm

Slideshow2

Le 6 février 2016 Bangui