13 août, fête nationale de l'indépendance du Centrafrique

Allocution de Faustin-Archange Touadera, président de la République du Centrafrique

Centrafricaines, centrafricains ;

Mes chers compatriotes ;

20799131 1413018908774263 6382290567086267651 nLa République centrafricaine, notre cher et beau pays, commémore demain, 13 août 2017, le 57e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale.

Cette commémoration m’offre une nouvelle occasion de rendre un vibrant hommage à nos devanciers pour leur combat en faveur de la liberté, de la dignité de l’homme centrafricain et de l’autodétermination.

Elle nous donne l’occasion, au-delà de son rituel, de jeter un regard rétrospectif sur la marche de notre pays depuis l’indépendance et de nous projeter dans l’avenir.

Mes chers compatriotes ;

L’accession à l’indépendance le 13 août 1960, avait pourtant suscité beaucoup d’espoir, l’espoir d’une vie meilleure dans un pays libre, stable, uni et prospère.

Elle couronnait la lutte pour notre droit naturel à la liberté, la liberté de circuler, la liberté de s’exprimer, la liberté de conscience, la liberté de travailler, de s’offrir de loisirs, d’entreprendre, d’acheter et de vendre et tant d’autres libertés aujourd’hui consacrées par la Constitution.

Elle traduisait aussi notre maturité politique et, corrélativement, notre responsabilité face à notre destin.

C’est pourquoi, je voudrais, au moment où nous commémorons ce 57ème anniversaire, vous inviter à cogiter avec moi sur le point de savoir, qu’avons-nous fait de notre indépendance ?

Pourquoi marchons-nous à reculons alors que les autres nations qui nous entourent tendent vers l’émergence, s’adaptent bien à la marche du monde devenu un village planétaire, et résistent bien aux défis de notre siècle ?

Faustin-Archange Touadera@pr

Centrafricaines, centrafricains ;
Mes chers compatriotes ;

En jetant un regard rétrospectif sur la marche de notre pays, j’observe que, s’il est vrai que dans les années 1970 nous avons connu un début de développement économique, comme les autres pays de la sous-région et du continent africain, cette courbe a baissé avec les effets sociaux des mesures d’ajustement structurel des années 1980 et les crises militaro-politiques connues à partir des mutineries de 1996.

En 2012, le pays a été assailli avec une ampleur sans commune mesure par des mercenaires étrangers venus à la merci de certains de nos Compatriotes.

Ceux-ci occupent encore une partie du territoire et soumettent de paisibles populations à d’indicibles souffrances par la commission des crimes odieux et des violations du droit international, en dépit des efforts de pacification déployés par le gouvernement et la communauté internationale, à travers la MINUSCA.

Cette situation qui perdure malheureusement, nonobstant les multiples accords de paix et de cessation des hostilités signés, a causé le dépérissement de l’Etat, la disparition de l’administration dans certaines régions du pays et contraint certains Compatriotes à vivre dans la précarité.

Au moment où nous commémorons cette indépendance, les Compatriotes des régions du Nord-Est et du Sud-Est vivent comme des otages à cause des luttes de positionnement et de contrôle des ressources naturelles menées par certains fils du pays, appuyés par des mercenaires étrangers dont nous avons nous-mêmes favorisé l’intrusion et l’occupation du pays pour satisfaire nos pulsions démesurées de conquête du pouvoir.

Mes chers compatriotes ;

Depuis mon investiture, il y a des signaux positifs que nous devons consolider. A ce propos, je dois d’abord souligner les avancées obtenues dans certains domaines.

Au plan sécuritaire, le DDRR avance bien avec la participation de tous les groupes armés. Mais il faut préciser que c’est un processus qui demande un temps.

Il en est de même pour la formation des FACA, assurée méthodiquement par l’EUTM-RCA et certains pays amis et frères qui ont accepté de nous aider à rebâtir une armée professionnelle.

Nous sommes convaincus que les deux programmes vont aboutir.

Il convient aussi de mentionner l’élaboration de la Politique Nationale de Sécurité fondée sur les acquis du consensus politique. Elle reflète la compréhension à l’échelon national des menaces et des risques qui pèsent sur la sécurité ainsi que des valeurs et principes qui doivent guider l’Etat pour maintenir la sécurité du pays.

D’ores et déjà, nous avons entrepris d’équiper les FACA en moyens roulants et létaux sur le budget national.

Aussi, avec le soutien de la MINUSCA, nous avons lancé le processus de recrutement et de formation de 500 Gendarmes et Policiers afin de protéger l’ordre public et renforcer la chaîne pénale.

Au plan social, l’inflation est maîtrisée grâce à la sécurisation du corridor Bangui-Garoua-Boulaï qui permet l’approvisionnement du pays en produits de première nécessité, en un temps record.

Bien entendu, des efforts doivent être faits pour améliorer le panier de la ménagère durement touché en raison de la baisse substantielle des revenus de nos populations, liée essentiellement à la crise.

Des efforts se poursuivent inlassablement pour résorber les épineux problèmes d’électricité, d’eau potable, de santé, de route et d’emploi des jeunes.

Sur le plan de l’économie et des finances, il importe de rappeler que les mesures courageuses prises mon gouvernement, dans le cadre du Plan National de Relèvement et de la Consolidation de la Paix -RCPCA-, ont permis au pays d’obtenir, lors de la conférence internationale des donateurs et investisseurs, tenue le 17 novembre 2016 à Bruxelles, en Belgique, une importante promesse de 2 milliards 268 millions de dollars

Dans cette logique, l’accord signé avec le FMI en juin 2016 et la deuxième revue qui vient de s’achever avec des résultats concluants, signifie que nous avons repris avec la bonne gouvernance financière.

Je dois souligner que le taux de croissance de plus de 4% démontre le relèvement progressif de notre économie. Ce chiffre va évoluer d’ici la fin de l’année.

Nous devons maintenir le cap et doubler d’efforts si nous voulons réellement sortir, à terme, notre pays de l’extrême dépendance de l’aide internationale.

Sur le plan politique, je me dois d’apprécier la contribution des partis, mouvements et associations politiques ainsi que de la société civile, à la quête de solutions durables aux questions d’intérêt national.

La mise en place des nouvelles institutions créées par la Constitution contribuera, j’en suis persuadé, à la consolidation de la démocratie et à la promotion des valeurs républicaines.

Garant du fonctionnement harmonieux de toutes les institutions et de la pérennité de la République, je n’ai ménagé aucun effort pour faciliter le bon fonctionnement de ces institutions. Des rencontres périodiques avec les responsables des Institutions de la République nous permettent d’échanger sur les problèmes qui touchent la vie de la Nation.

Mon vœu est que la solidarité autour des questions d’intérêt national soit pérennisée et renforcée en vue de la consolidation de la démocratie.

J’en appelle au sens patriotique de la classe politique ainsi que de la presse nationale pour qu’elles participent à l’apaisement. Je les exhorte à recentrer le débat sur ce qui peut nous unir au lieu de s’attarder sur ce qui peut nous diviser.

Dans les mois à venir, je prendrai des mesures politiques justifiées par la nécessité actuelle pour permettre à toutes les forces vives de la Nation de participer à l’œuvre de reconstruction nationale.

L’heure n’est pas aux querelles intestines, mais à la réconciliation, à la cohésion sociale, à la solidarité, à l’unité et au travail.

Je demande à certains Compatriotes malintentionnés d’arrêter de projeter une mauvaise image du pays sur les réseaux sociaux.

J’exhorte les Compatriotes de la diaspora à contribuer positivement aux efforts de relèvement économique de notre pays.

Nous avons plus besoin d’unité et de contributions des uns et des autres pour avancer ensemble.

Aux groupes armés, je leur demande de respecter les engagements qu’ils ont pris en faveur de la paix et d’arrêter l’extermination des populations innocentes. Le droit à la vie, à la liberté et au mieux-être du peuple centrafricain est une priorité de la politique de mon Gouvernement.

Il est inadmissible qu’une frange de la population, sous de prétextes fallacieux, continue de prendre la population en otage. Le peuple centrafricain a trop souffert des plans machiavéliques et demande la paix.

Je reste convaincu que seul le DDRR peut nous aider à sortir de cette crise qui n’appelle pas forcément une solution militaire. Personne ne peut gagner dans l’insécurité. On ne pourra jamais construire un pays dans l’insécurité.

Bientôt, la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation sera mise en place pour apporter des réponses aux préoccupations des Compatriotes.

Je demande donc aux responsables des groupes armés d’arrêter toutes les hostilités, conformément à leurs engagements.

A tous ceux qui pensent qu’ils ont obtenu le droit de tuer les centrafricains et les éléments de la MINUSCA venus nous aider à sortir du chaos, à tous ceux qui estiment qu’ils ont trouvé un métier, celui de piller les ressources du pays, de détruire les biens publics et privés, d’incendier les maisons d’habitation, de voler les bétails, je leur dis que le train de la justice va arriver, quoi qu’il arrive.

Je demande aux commanditaires des crimes d’arrêter leurs machinations et artifices coupables, car la justice sera implacable.

Mes chers Compatriotes ;

L’indépendance n’est pas une fin en soi. Elle s’entretient, se nourrit et se conforte par le travail.

Le travail reste et demeure le seul moyen de promouvoir les conditions d’une vie épanouie, pour nous-mêmes et pour la génération future. Nous sommes condamnés à gagner l’indépendance économique et sociale si nous voulons être respectés, et cela ne peut se faire que par le travail, un travail bien fait. Les souffrances du moment ne doivent pas nous amener à perdre tout espoir en notre avenir.

J’exhorte les fonctionnaires et agents de l’Etat à plus de responsabilité et au respect des règles déontologiques qui s’appliquent à tout fonctionnaire. Les responsables administratifs doivent prendre leur responsabilité, dans le cadre des lois et règlements, pour rétablir la discipline.

J’appelle aussi tous les opérateurs économiques du secteur privé à reprendre leurs activités afin de contribuer, comme ils savent le faire, à l’effort de reconstruction nationale.

Pour faciliter cette reprise, j’ai instruis le gouvernement aux fins de leur apporter son aide à travers le paiement de leurs créances. Il nous faut relancer l’agriculture et les autres secteurs productifs, pour assurer l’autosuffisance alimentaire, satisfaire les besoins sociaux de base et relancer l’économie.

Enfin, notre rêve à nous tous, le rêve d’une Centrafrique enfin pacifiée, apaisée et reconstruite ne sera possible sans une vraie réconciliation et une forte cohésion sociale.

C’est pourquoi, j’invite les autorités religieuses, traditionnelles, les organisations de la société civile, les partis politiques à devenir tous des artisans et ambassadeurs de la paix, à promouvoir la tolérance et le pardon, pour redonner confiance à nous-mêmes et à la communauté internationale qui nous soutient sans condition, depuis le déclenchement de la grave crise.

Certes, tout n’est pas reluisant. Le souci majeur reste l’insécurité entretenue par la circulation des armes, la transhumance armée et les luttes pour le contrôle des ressources naturelles du pays.

Mais je fais confiance à votre capacité de résilience, Mes chers Compatriotes, pour surmonter les difficultés actuelles et soutenir les actions du gouvernement tendant au rétablissement de la sécurité sur l’ensemble du territoire. Cela va prendre du temps, j’en conviens, mais nous y arriverons.

Bonne fête de l’indépendance à toutes et à tous.

Que Dieu bénisse la République centrafricaine.

Je vous remercie.

Le 12 août 2017