Assemblée nationale : déclaration du groupe URCA sur la loi de finances 2019

Présenté par André Nalké Dorogo, vice-président du groupe, Député de Berberati 4

  • Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
  • Monsieur le ministre des finances et du budget,
  • Chers collègues députés de la Nation,
  • Mesdames et Messieurs,

 

Au nom du groupe parlementaire URCA, je voudrais adresser nos vives félicitations à nos collègues de la commission économie et finances pour la qualité du rapport qui vient de nous être présenté et pour leur diligence dans le respect de délais légaux.

Monsieur le ministre,

L’article 25 de la Loi des finances consacre l’unicité du compte du Trésor, à travers le recouvrement par ce dernier des taxes et redevances prélevées ou perçues par les agences, fonds, comptes d’affectation spéciale et certains organismes publics. Nous espérons que cette opération sera très encadrée, pour que nous ne passions pas d’une multiplicité de gabegies à une unicité de gabegie, ce qui donnerait le même résultat désastreux. L’important est que le programme d’emploi de ces fonds corresponde aux objectifs qui leurs ont été fixés et que les décaissements pour la réalisation de leurs programmes ne soient pas pénalisés par la rareté chronique des disponibilités financières du Trésor.

Monsieur le ministre,

Dans les grandes orientations de ce budget, vous prenez l’engagement, je cite : "d’accroitre les recettes internes et de maitriser de façon rigoureuse les dépenses non prioritaires"

Par rapport à cet engagement, le tableau des ressources prévues dans ce budget traduit une tendance plutôt préoccupante.

En effet, alors notre pays est réputé figurer parmi les principaux exportateurs de diamant en Afrique, alors que des permis d’exploitation de diamant et d’or sont généreusement distribués à des investisseurs qui promettent monts et merveilles, le budget 2019 ne prévoit que 550 millions de Fcfa au titre des recettes générées par les droits de sortie du diamant et de l’or, c’est-à-dire 0,004% des ressources propres de l’Etat.

En clair, même si ce chiffre était à 0 francs, cela n’impacterait que très peu notre budget. Même en y ajoutant les produits affectés au Fonds de Développement minier et les produits divers des mines, le total des recettes générées par le diamant et l’or n’atteint pas 1 milliard Fcfa. Pourtant, nous savons tous que la plupart des permis miniers sont accordés pour des gisements situés dans l’Ouest du pays, qui n’est plus soumis aux sanctions du processus de Kimberley.

Alors notre première question est la suivante, Monsieur le ministre :

  • Ou va l’argent de notre diamant ? On dit qu’il n’est pas perdu pour tout le monde. On dit que tous les hauts dirigeants du pays seraient devenus des trafiquants de diamant.
  • Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
  • Il en est de même pour l’industrie forestière, qui ne génère au Trésor que moins de 2,2 milliards par an. Que se passe-t-il dans ce secteur ?
  • S’agissant des revenus du domaine foncier, immobilier et mobilier, pourquoi n’atteignent-ils même pas 5 milliards par an, alors qu’il est manifeste que ce secteur se porte plutôt bien ?

 

Ne parlons pas de notre agriculture qui, contrairement à vos affirmations, s’est complètement écroulée et ne génère pratiquement aucune ressource pour l’Etat.

Alors Monsieur le ministre, de quoi vit exactement notre pays la République centrafricaine ?

Le groupe parlementaire URCA pense qu’il existe encore d’importants gisements de recettes insuffisamment exploités. Les ressources de l’Etat pourraient devenir beaucoup plus importantes si vos services sortaient de la routine et s’organisaient mieux et si une véritable réflexion était menée pour exploiter les nombreuses niches fiscales encore inexploitées.

S’agissant des financements extérieurs, nous notons qu’ils sont, une fois de plus, encore en baisse. Comme chaque année, vous évoquez les mêmes raisons pour justifier leur faible niveau, à savoir l’obligation de ne prendre en compte que des projets dont les conventions ont été dûment signées. Comme chaque année, nous vous reposerons la même question : qu’est ce qui empêche le Gouvernement de signer plus de conventions ? Qu’est ce qui empêche le gouvernement d’améliorer notre capacité d’absorption des ressources généreusement mises à notre disposition dans le cadre du RCPCA ? Ces ressources étant prévues sur trois ans, notre pays ne court - il pas le risque de les perdre ?

Monsieur le ministre,

Si l’on en vient à l’examen des dépenses, nous nous réjouissons que le gouvernement ait enfin commencé à comprendre la justesse des protestations et de l’indignation répétées de notre groupe parlementaire sur le fait qu’à chaque présentation d’un budget primitif ou collectif, les fonds spéciaux augmentaient de manière indécente, voire obscène. Ainsi, pour la première fois depuis septembre 2016, le budget ne propose aucune augmentation des fonds spéciaux, ni à la présidence, ni à la primature. Nous aurions souhaité qu’une partie de ces fonds soient affectée à des dépenses de sécurité ou reversée aux ministères de l’éducation ou de la santé, mais vous avez préféré en faire une mesure acquise en le reconduisant, pour le confort exclusif des princes qui nous gouvernent et au mépris de l’extrême misère de la population.

Cela dit, vous méritez quand même nos félicitations pour cette évolution positive.

Sur les questions de sécurité, vous avez également tenu compte des raisons que notre groupe avait mises en avant pour appeler à ne pas voter le budget et le collectif budgétaire 2018. En effet, nous notons avec satisfaction que le budget 2019 prévoit 1 160 milliards pour l’appui aux opérations des FACA. Même si ce montant demeure encore relativement modeste, nous vous adressons nos félicitations pour cet effort qui va dans le bon sens, tout en vous faisant remarquer que, dans le même temps, vous reconduisez une enveloppe de 2 milliards à la Primature pour l’achat de voitures de fonctions, de service ou de liaison, faisant ainsi de ce montant une mesure acquise. C’est-à-dire que chaque année, le premier ministre disposera de 2 milliards pour l’achat de véhicules de fonction, là où ces sommes auraient été mieux utilisées pour le transport et l’équipement de nos FACA. Comment expliquez-vous ce choix pour le moins cynique ?

Nous l’avons toujours dit : le vote mécanique est un danger pour la démocratie et la bonne Gouvernance. Dans notre législature, il prend quelques fois l’allure d’un terrorisme du vote positif et nous commençons tous à en voir les limites sur notre capacité à contrôler l’action gouvernementale.

En effet, en votant mécaniquement tous les budgets que vous nous présentez, l’Assemblée nationale a laissé s’installer des habitudes malsaines. Dieu merci, votre Gouvernement semble commencer à prendre conscience des dangers de ce triomphalisme bon marché, ce qui explique certainement les avancées très timides relevées dans ce budget.

Mais l’examen de la Loi des finances de notre pays et devenu un rituel ennuyeux, car les ressources sont tellement maigres qu’elles ne suffisent même pas à couvrir le fonctionnement courant de l’Etat. De ce fait, l’arbitrage des affectations est, nous vous le concédons, un exercice toujours compliqué. C’est pour cela que certaines dépenses de prestige devraient être évitées, pour gérer la pénurie de manière plus équitable, en bon père de famille.

Avec un tel niveau des ressources, notre pays continuera pendant longtemps encore de manquer de sécurité, de routes, d’électricité, d’eau courante, de centres de santé, de salles de classe, d’une politique de création de richesses et d’emplois, de moyens de prendre en charge le désastre humanitaire que vivent nos populations, etc.

Monsieur le ministre,

Vous nous proposez un budget 238 milliards pour la survie des 5 millions de centrafricains,

Le Cap Vert, avec juste 538 000 habitants gère un budget de l’équivalent de 360 milliards Fcfa,

La République du Bénin prévoit 1 900 milliards pour 11 millions d’habitants,

La Côte d’Ivoire programme un budget 7300 milliards pour le bien-être de ses 24 millions de concitoyens.

Comparaison n’est peut-être pas raison, mais il nous faudrait de temps en temps nous comparer aux autres pour nous remettre en question. Arrêtons de nous convaincre que notre cas est perdu et que le rang de dernier de la classe nous est à jamais réservé.

Monsieur le ministre,

Notre groupe parlementaire votera ce budget malgré ses nombreuses insuffisances. Mais nous le ferons en signe d’encouragement aux quelques améliorations que nous avons notées ! Mais revenez nous dans quelques mois avec un collectif budgétaire qui comportera plus de conventions de financement signées, et donc plus de budget d’investissement.

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues,

Je vous remercie.

Le 23 novembre 2018