Centrafrique : une lettre ouverte signée Jean-Serge Wafio du PDCA

Objet : lettre ouverte signée de Jean-Serge Wafio du P.D.C.A 

Excellence, Monsieur le président de la République, chef de l’Etat

Avec insigne honneur et toutes les considérations dues à votre suprême et noble fonction, je voudrais, en toute humilité, Vous interpeler par cette lettre ouverte qui est le condensé du constat négatif des 3 premières années de votre mandat, Vous alerter fois sur les graves dérives politiques, qui n’ont seulement suscitent interrogations, doutes et inquiétudes, mais ne laissent transparaitre aucune visibilité politique et démontrent que vous êtes en train de faciliter, par la mise en œuvre des recommandations du dialogue de Khartoum, une crise encore plus grave du genre désintégration de notre pays. A peine 3 ans de gestion des pouvoirs de l’Etat, votre crédibilité est fortement entamée.

Assumer la très haute fonction de chef d’Etat dans le contexte actuel de notre pays qui est un Etat néant, après 58 ans de gâchis politiques:

(1) nécessite une forte volonté, une détermination et un courage politiques pour prendre les mesures impopulaires qui s’imposent,

(2) exige le strict respect et une judicieuse application des Lois de la République telles quelles, des capacités d’adaptation, de désadaptation et de réadaptation par d’idoines modulations politiques, dans l’optique de transcendance, d’impulsion et d’implication pour une mobilisation auto-organisatrice,

(3) savoir oser un audace national et démocratique pour un orgueil et une fierté à recouvrer. Malheureusement, force a été de constater que ces quelques vertus cardinales qui devraient fonder vos premières actions politiques, vous ont échappé, alors que dans votre discours d’investiture Vous avez prôné la rupture.

Excellence, Monsieur le président de la République, chef de l’Etat,

Loin de heurter votre susceptibilité, je voudrais juste relever à votre très haute attention, que Vous êtes entrain d’empoisonnement gravement votre mandat, qui a été déjà compromis dès le début par les faits suivants

1- Refus d’analyser et de comprendre politiquement votre électorat de 2015-2016 :

Votre élection à la magistrature suprême de l’Etat n’a pas été providentielle, mais circonstancielle. Il vous souviendra, quand Vous m’aviez reçu le 2 mai 2016, je n’avais pas manqué de relever à votre très haute attention que vous étiez le premier ministre du président Bozizé quand les seleka l’ont chassé du pouvoir, et que Vous devez savoir capitaliser les erreurs du régime Bozizé.

Vos électeurs du 1er tour des élections présidentielles étaient les victimes qui ont connu les affres de la coalition seleka, de février à décembre 2013, dans les préfectures de la Ouaka, de la Kémo, de la Nana Gribizi, de l’Ouham, de l’Ouham Pendé, de l’Ombella MPoko, auxquels se sont joints ceux de la Nana Mambéré, de la Mambéré Kadéi, de la Lobaye, de la Basse Kotto, du Mbomou et du Haut Mbomou 2e tour, ce qui vous a permis d’avoir un score de 63 %, donc démocratiquement élu, s’il faudrait le dire ainsi. Et le 3e point que je vous avais évoqué lors de cette audience est que votre force politique est constituée par le Peuple centrafricain représenté à l’Assemblée nationale par les députés et les partis politiques. Et il vous faudrait être un stratège politique pour bien exploiter cette force. Malheureusement, cette force politique est restée inexploitée, voire même superbement ignorée.

2- Non établissement d’un état des lieux assez exhaustif.

N’ayant pas fait un état des lieux à la prise des pouvoirs, vous vous êtes fait complice de la gestion politique scabreuse et scandaleuse de vos prédécesseurs les présidents Ndjotodia et Samba-Panza
Un état des lieux devrait Vous permettre de mieux appréhender l’ampleur des dégâts, moduler vos approches politiques de campagne, parce que le pays était dans une situation d’anormalité politique, économique, sociale et culturelle.
• La communauté internationale, avec la complicité de certains compatriotes des sociétés secrètes, vous ont lié les pieds avec l’embargo sur les armes qui a été dilatoirement étendu aux FACA,
• La veille de votre investiture, une constitution inadaptée a été tardivement promulguée, laquelle constitution, votée au référendum par le 1/3 des électeurs centrafricains, a mis en place un système politique mou, lequel système politique vous a lié les mains dans le dos,
• 60 % du territoire national était occupé par les groupes armés qui vous ont chassé du pouvoir, donc partition de fait actéev
• Une insécurité a été entretenue à dessein de faciliter les pillages des richesses naturelles,
• Les forces de défense et de décurité intérieure ont été déstructurées et désarticulées à dessein dans la même optique de faciliter les pillages.
Ces facteurs négatifs devraient logiquement et politiquement vous obliger à reconsidérer fondamentalement votre programme politique, s’il y en avait. Mais vous et vos collaborateurs, vous vous êtes comportés comme si vous aviez hérité d’un pays dans une situation normale. Forts de cette limite, de nombreux leaders politiques et sociaux, soucieux de la situation du pays, n’ont pas manqué de Vous faire des suggestions, propositions et alternatives qui sont demeurées, lettres mortes.

3- Parjure, violation de la constitution, mépris des recommandations du forum national de Bangui ont caractérisé ces trois premières années:

• Vous avez juré sur la constitution le 30 mars 2016 de restaurer aussi rapidement la sécurité et l’autorité de l’Etat. 3 ans après votre investiture, l’insécurité est plus devenue un fonds de commerce politique et diplomatique, la partition du pays, de fait, est devenue officielle,
• La constitution a proscrit l’accès aux fonctions administratives et politiques des éléments des groupes armés. Vous admettez leurs représentants dans les 4 gouvernements que vous avez déjà mis en place et dans les cabinets à la présidence de la République et à la Primature,
• Les recommandations du forum national de Bangui, adoptées par les délégations venues de toutes les sous-préfectures du pays, sont superbement ignorées.

La loi, qu’elle soit mauvaise ou inadaptée, incomplète ou désuète, demeure une loi tant qu’elle n’est pas abrogée, c’est-à-dire, qu’elle doit être appliquée avec toutes les imperfections et quels que soient les états d’âmes. Et il y a aussi ce qu’on appelle la continuité de l’Etat. La rupture prônée par Vous n’annihile pas ce que vos prédécesseurs ont réussi à réaliser.

Dans votre discours d’investiture, Vous Vous êtes engagé à instruire le gouvernement qui doit être un gouvernement de technocrates pour une rupture. Initiative louable et applaudie par les compatriotes. Les deux gouvernements du premier ministre Sarandji ont bien été des gouvernements de technocrates, mais novices, qui ont mis énormément du temps pour comprendre et se retrouver. Mais les deux gouvernements du premier ministre Ngrebada, sont-ils des gouvernements de technocrates ? Avec ces deux derniers gouvernements qui sont très pléthoriques, peut-on parler de rupture ? Quel programme politique ce gouvernement va mettre en œuvre ? Comme, il se dit vulgairement en politique, ‘’ la promesse n’engage que ceux qui y croient’’.

Excellence, Monsieur le président de la République, chef de l’Etat,

L’opinion nationale populaire avait fortement récusé, pour ne pas dire rejeté, votre dialogue, parce que, le neuvième, depuis le début de cette crise qui perdure, et qu’à l’issue des 8 précédents dialogues entre pouvoirs publics et belligérants, ce sont les belligérants qui en ont tiré profits, parce que leurs maîtres l’ont toujours voulu ainsi. Vous avez tenu votre dialogue, et Vous devez maintenant mettre en œuvre les recommandations issues de ce dialogue au détriment du Peuple centrafricain qui se trouve être ‘’le dindon de la farce’’.  Par ce dialogue,
• Vous méprisez les victimes des seleka,
• Vous humiliez et frustrez le Peuple centrafricain,
• Vous consacrez l’impunité,
• Vous violez la constitution.

Les pouvoirs publics étaient partis à ce dialogue dans une position de très grande faiblesse politique, suite aux barbares tueries de la journée mondiale de l’alimentation -JMA- plusieurs fois reportée, et les groupes armés en ont profité pour obtenir ce qu’ils voulaient, sur instructions de leurs maîtres……… A qui la faute ?

  • Avez-vous besoin d’un dialogue pour intégrer les groupes armés au gouvernement ? Non, vous l’aviez déjà fait avec les seleka inamovibles des deux gouvernements du premier ministre Sarandji et une batterie de représentants seleka à la présidence de la République et à la primature au détriment des anti balaka,
  • Avez-vous besoin d’un dialogue pour augmenter l’effectif des groupes armés au gouvernement ? Non, Vous avez le pouvoir discrétionnaire que Vous concède la constitution que Vous avez violée,
  • Avez-vous besoin d’un dialogue pour consacrer l’impunité ? Non, parce que vous aviez déjà sacralisé cette impunité, en violant la Constitution,
  • Avez-vous besoin d’un dialogue pour acter la partition du pays ? Non, de fait, la partition du pays était devenue officielle, avec le refus des groupes pour l’installation des autorités préfectorales,

 

Et pourquoi vous avez tenu à ce dialogue ? Une manière pour instaurer une autre forme de dictature comme vos prédécesseurs, ou vous voulez utiliser les groupes armés pour faciliter votre réélection? L’une ou l’autre ne constitue une solution idoine Les groupes armés ne sont que des exécutants et leurs maîtres les utilisent pour entretenir l’insécurité afin de leur faciliter le pillage du pays. Telles, ont été et demeurent les missions des seleka et LRA en Centrafrique.

Votre entourage vous a-t-il aidé à comprendre la venue de M Alexandre Benalla à Ndjaména ? Y a-t-il eu rapprochement entre cette venue, les surarmements des seleka et les barbares tueries de la population à Bambari le jour de la JMA ? Ces barbares tueries devraient Vous obliger à surseoir à ce dialogue, ne fusse que par respect des tués, mais Vous avez tenu y envoyer les pouvoirs publics dans une position de faiblesse, et avec les recommandations de ce dialogue, vous vous êtes coulé un nœud au cou, avec l’autre bout de la corde tenu par les groupes armés, par-dessus une branche, c’est-à-dire que vous êtes l’otage des seleka.

Le gouvernement inclusif recommandé par ce dialogue et mis en place, est faussement inclusif, parce que pléthorique, déséquilibré et consacre la prépondérance des seleka. Comment comprendre qu’un Exécutif soit composé de 39  portefeuilles ministériels, d’une trentaine de ministres d’Etat-conseillers et ministres-chargés de mission à la présidence, et d’une vingtaine de ministres conseillers et chargés de mission à la primature, pour un Etat néant qui vit des subsides des partenaires ?

Avec une vingtaine de portefeuilles ministériels, vous faites revenir en force les seleka sur la scène politique, au détriment des anti balaka, alors que la constitution leur interdit l’accès aux fonctions administratives et politiques. Pourquoi avoir arrêté Yekatome et avoir fait arrêter Ngaissona et les envoyer à la Cour Pénale Internationale, alors que les criminels notoirement reconnus, avec mandat d’arrêt international, deviennent des ministres ? Et quel programme politique le deuxième gouvernement du premier ministre Ngrebada va-t-il appliquer ? Et un fait qui intrigue, à peine nommé premier ministre, la famille de M Ngrebada est sommée de quitter la Belgique. Et toujours selon les indiscrétions de la part de certains de votre entourage, les chefs des groupes armés resteront dans leurs espaces d’occupation respectifs, pour ne pas être arrêtés à Bangui et percevront les salaires et autres avantages, sans rien faire. Donc, ils sont payés pour entretenir l’insécurité. Comment comprendre cela ? Est-ce sérieux ?

Le premier ministre Ngrebada a laissé entendre que des mesures seront adoptées rapidement pour la libération de tous les prisonniers et la reconnaissance des grades et gallons et des éléments seleka, pour le 3e anniversaire du régime Touadera.

De sources concordantes, des éléments des groupes armés seront nommés, ces prochains jours, par arrêté au cabinet du Très Honorable président de l’Assemblée nationale.

Le gouvernement sera-t-il en mesure de générer des ressources financières supplémentaires pour faire face aux nouvelles dépenses ainsi créées, ou il faudrait toujours ‘’tendre la main de mendiant’’ comme l’avait si bien dit à l’époque le président Patassé ?

J’éprouve une très grande inquiétude, parce que toutes les conditions sont réunies pour que le deuxième gouvernement Ngrebada, nommé moins de 10 jours après le premier, puisse connaître rapidement un blocage et une implosion de l’intérieur, parce que avec ce dialogue, le président Touadera, qui avait les pieds liés par l’embargo de la communauté internationale, les mains liées dans le dos avec la constitution de Samba-Panza, s’est coulé un nœud autour du coup, avec l’autre bout de la corde tenu par les groupes armés par-dessus une branche, réunissant ainsi les conditions d’un échec. Suicide politique en perspective ? Eh bien, comme il se dit aussi vulgairement en politique, il faut laisser les morts mourir de leur propre mort.

Et encore Wafio qui prépare un autre coup d’Etat ?

Après le prétendu coup d’Etat préparé par Wafio avec le capitaine Ngaikosset et le colonel Ouilobona Wan Zan à Boy Rabbe, c’est maintenant Wafio qui prépare un autre coup d’Etat, cette fois-ci en France, avec Ndoutingay et Feindiro... Décidément, les Dieux sont tombés sur la tête.

Excellence, Monsieur le président et chef de l’Etat,

Voilà deux fois que votre entourage ou Vous me soupçonnez de faire un coup d’Etat. Une manière sibylline de noyer le chien en l’accusant de rage, c’est à dire ‘’neutraliser politiquement’’, en d’autres termes éliminer physiquement. Neutraliser tous ceux susceptibles de faire ombrage, telle a été et reste l’obsession des chefs d’Etat centrafricains en mal de crédibilité. Mais je ne suis pas ‘’neutralisable’’.

Je Vous le répète et avec force, votre élection à la magistrature suprême de l’Etat a été circonstancielle. Et votre possible réélection, dépendra de votre propre bilan dans deux ans. Comme je l’ai ci-dessus évoqué, votre mandat a été dès le début impacté par des facteurs négatifs et Vous-même, au lieu de l’améliorer, vous l’empoisonnez actuellement avec la mise en œuvre des recommandations du dialogue de Khartoum.

De grâce, M le président, chef de l’Etat, cessez de faire surveiller ma maison de nuit. En mon absence, il n’y a que la sentinelle. Toutes mes réunions je les tiens au siège du PDCA à l’espace Kona. Avant de quitter Bangui pour Augan, je vous avais adressé une correspondance dans laquelle je vous avais informé de mon voyage et avais sollicité votre accord exceptionnel, autorisant le ministre des finances à me payer mes arriérés. J’ai été sidéré d’apprendre que certains de votre entourage vous ont déconseillé de marquer votre accord, espérant voir ma maladie s’aggraver, laquelle me fera crever. Mais je n’étais pas un malade grabataire et évacué, comme ils se plaisent à le dire. Il était question de contrôles ou tests médicaux pour des maladies comme la coloscopie, la cardiographie, le cancer de la prostate ou du colon et autres qu’on ne peut faire chez nous, faute de structures médicales adaptées. Vous-même vous venez faire vos contrôles et vous soigner en France, et vous refusez sur demande de votre entourage de me payer mes droits pour en faire autant. Quel cynisme politicien. Ceci dépasse tout entendement pour un chef d’Etat, qui a juré sur la constitution de protéger la population.

Excellence, Monsieur le président de la République, chef de l’Etat,

Cette lettre ouverte que je vous adresse en toute humilité est le condensé du constat négatif de votre gestion des pouvoirs de l’Etat au bout de ces trois premières années de votre mandat, un mandat qui a été compromis dès le départ et que vous empoisonnez avec les recommandations du dialogue de Khartoum, un autre dialogue de plus, non nécessaire. Durant ces 3 années, vous n’aviez pas fait ce que Vous devriez faire, et vous avez fait ce que vous ne devriez pas faire.

Certes, comme d’habitude, certains de vos milieux vont Vous empêcher de percevoir la quinté cense de cette lettre, mais, par contre, vont Vous inciter à des négativités destructrices, pour leurs propres intérêts, intérêts pour lesquels vous êtes pris en otage.

De mon humble avis politique, vous avez réussi à mobiliser les mécontentements populaires contre vous et avez réuni les conditions pour connaître des frondes populaires, pour ne pas dire sunami populaire, avec les nominations des seleka au gouvernement et dans votre entourage, à la primature et à l’Assemblée nationale. Vous-même faites entrer le ver dans le fruit ou le loup dans la bergerie, et il y aura dégâts.

Ceux qui vont vous chasser du pouvoir d’une manière ou d’une autre, ce sont les seleka, parce que leurs maîtres ont exploité votre naïveté politique en vous emmenant à prendre les mesures qui mécontentent en ce moment la population. Ils espèrent par ce moyen, provoquer des soulèvements populaires qui leur permettront de vous chasser du pouvoir.

Scénario Libreville bis.

Très déférentes considérations

Augan, le 28 mars 2019

Jean-Serge Wafio 
2 Rue de la Barrière
56 800 Augan –
33 6 67 21 92 12  et 33 6 41 26 28 54

PdcaPdca0Pdca1Pdca2Pdca3Pdca4Le 29 mars 2019