Ce n'est pas du Mallarmé, mais bon...

 

Après ce texte de Yvan Buonomo,

nous avons ajouté un très beau poème d’André Chénier, le fameux "A la France" 

en souhaitant que vous l’apprécierez comme il se doit

M. Yvan Buonomo  34 200 Sète - département de l'Hérault

Retraité du secteur privé -Bâtiment et industrie- Quintuple champion de France Rugby -1971-72-74-80-81- Club Béziers et international

Au nom des vieux travailleurs retraités qui ont œuvré pour l’économie Française.

à Monsieur le président de la République

55 rue du Faubourg Saint Honoré 75 008 Paris

Monsieur le président,

Vous êtes jeune et beau, nous devenons vieillards.

On compte en petits sous, vous comptez en milliards.

La flamme de l’espoir, chez nous, elle vacille,

Vous, par votre fonction, vous pensez qu’elle brille !

Les ailes du pouvoir vous ont fait envoler,

Vers des cieux bien lointains à ne plus avoir pied ;

Eloigné du réel et du tout quotidien,

Souvenez-vous, qu’en bas, habitent des humains.

Pourquoi punissez-vous notre caste vieillesse ?

Pourtant elle a trimé toute sa vie durant !

Elle a sacrifié sa si belle jeunesse,

Cela fut bien trop tôt, dès l’âge de quinze ans ;

Des huit heures par jour, et six jours par semaine,

Sans congés, ou si peu, nous passâmes ce temps,

A bâtir notre toit à s’en péter nos veines,

Pour être à l’abri aux vieux jours arrivant.

Non ! On n’a rien volé ! … Si ce n’est de nos ailes !

On avait des principes, on faisait son devoir,

On ne quémandait pas aux belles demoiselles

"Ces caisses de l’état, ces faciles abreuvoirs."

Avec nos seules mains, et beaucoup de fierté

On travaillait très dur du matin jusqu’au soir;

Oui ! C’était notre honneur, notre esprit du clocher,

Animé par un mot qui s’appelait "Espoir" :

L’espoir pour nos vieux jours avant l’éternité,

De voir un coin de bleu, avant le grand trou noir.

Monsieur le président, toute notre jeunesse

On paya la vignette pour aider nos aïeux,

Elle servait, déjà ! … A renflouer des caisses,

Cet argent disparu à "la barbe" des vieux !

Solidarité ! Généreuse rengaine,

Que vous chantez à ceux qui travaillent, et peinent,

Et ‘’Piquez notre argent’’ pour tous les endormis,

Qui eux ! N’hésitent pas à rester dans leur lit ;

Nous, nous avons vécu sans aide ! … Mais promesses !!!!!

En vrai chef de famille assumant son foyer,

Quand vous nous ponctionnez pour  "la pauvre jeunesse "

Sur nos retraites acquises en toute honnêteté,

On s’insurge, Monsieur ! Plutôt, on se révolte !

Devant votre justice vraiment imméritée,

Car votre doigt pointé sur le lieu de récolte,

A désigné les vieux comme gens argentés.

Est-ce que vous savez ce qu’est une famille ?

Vous qui n’avez pas, et n’aurez pas d’enfant.

Nous, nous aspirions qu’à un moment tranquille,

Gagné par le travail, la sueur et le sang.

C’est drôle ! Hilarant ! C’est même pitoyable,

Quand un énarque dit : "C’est pour l’égalité".

Mais octroie des pensions de façon lamentable,

Aux vieux venus d’ailleurs, qui n’ont pas travaillé.

Elle est belle Monsieur ! La généreuse France,

Dans ses excès de zèle et de Fraternité !

Écoutant vos ministres, on a froid dans le dos,

Ils clament que les vieux ont fait leur temps sur terre ;

De Gaulle avait dit : "les français sont des veaux"

Ouvrez des abattoirs pour tous les volontaires,

Mais je vous le parie, ce sera un fiasco.

Et pas de bousculades au "Marin cimetière ".

Nous préférerons nous rappeler d’un mot

Fuir et embarquer pour "l’Ionienne Cythère"

Vos soumis maroquins, jurent et promettent,

Qu’il n’y aura jamais plus, de taxes, et d’impôts.

Mais le lendemain ils se trouvent très bêtes

A l’annonce subtile, d’augmentations de taux.

Vous devriez conseiller à tous vos bons ministres,

De parler de cela, que les premiers avril,

Leurs propos qui sont, des plus anthraconistres,

Feraient de bonnes blagues en ce jour puéril.

Vous rejetez les vieux, vous n’aimez pas la pierre,

Car votre patrimoine, vide d’immobilier,

Laissait bien présager de façon manœuvrière,

Que tout l’intransportable, vous le surtaxeriez ;

Même si pour donner  "En même temps" le change

Oui ! Vous faites un cadeau ! "Mais qu’offrent les cités…" 

Il faut dans nos vieux jours bien plus que du courage,

Pour avoir sa maison, et vivre en son foyer.

L’action et la startup ont votre préférence,

C’est l’immatériel, l’invisible parfait,

Si cela est pour vous l’avenir de la France,

Il n’est pas pour autant le bonheur des Français.

Vous vous trompez, Monsieur, car vous brisez des rêves,

Les esprits bâtisseurs, déjà désenchantés,

Ont rangé les outils et mis la pierre en grève,

Et votre économie en est désaffectée.

Taxer ! Taxer ! Taxer ! Ce n’est pas du courage.

C’est même son contraire, et la facilité,

Nous sommes, il est vrai, de dociles otages,

Partir serait pour nous, trop de complexité !

Il vous faut de l’argent ?... Montrez votre puissance !

A tout politicien aux rentes cumulées,

Payez-en une seule; Ce pas vers la décence,

Serait déjà un signe de bonne volonté.

Avec tout le respect pour votre Présidence,

- Acquise sans ma voix - Aux prochaines élections,

Je rêve que les vieux de notre "Pauvre France "

Oublient votre parti, et oublient votre nom.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le président de la République, mes salutations les plus distinguées

Yvan Buonomo

 

 

"À la France"   d'André Chénier

France ! ô belle contrée, ô terre généreuse

Que les dieux complaisants formaient pour être heureuse,

Tu ne sens point du Nord les glaçantes horreurs;

Le Midi de ses feux t’épargne les fureurs;

Tes arbres innocents n’ont point d’ombres mortelles;

Ni des poisons épars dans tes herbes nouvelles

Ne trompent une main crédule; ni tes bois

Des tigres frémissants ne redoutent la voix;

Ni les vastes serpents ne traînent sur tes plantes

En longs cercles hideux leurs écailles sonnantes.

Les chênes, les sapins et les ormes épais

En utiles rameaux ombragent tes sommets;

Et de Beaune et d’Aï les rives fortunées,

Et la riche Aquitaine, et les hauts Pyrénées,

Sous leurs bruyants pressoirs font couler en ruisseaux

Des vins délicieux mûris sur leurs coteaux.

La Provence odorante, et de Zéphyre aimée,

Respire sur les mers une haleine embaumée,

Au bord des flots couvrant, délicieux trésor,

L’orange et le citron de leur tunique d’or;

Et plus loin, au penchant des collines pierreuses,

Forme la grasse olive aux liqueurs savoureuses,

Et ces réseaux légers, diaphanes habits,

Où la fraîche grenade enferme ses rubis.

Sur tes rochers touffus la chèvre se hérisse,

Tes prés enflent de lait la féconde génisse,

Et tu vois tes brebis, sur le jeune gazon,

Épaissir le tissu de leur blanche toison.

Dans les fertiles champs voisins de la Touraine,

Dans ceux où l’Océan boit l’urne de la Seine,

S’élèvent pour le frein des coursiers belliqueux.

Ajoutez cet amas de fleuves tortueux :

L’indomptable Garonne aux vagues insensées,

Le Rhône impétueux, fils des Alpes glacées,

La Seine au flot royal, la Loire dans son sein

Incertaine, et la Saône, et mille autres enfin

Qui nourrissent partout, sur tes nobles rivages,

Fleurs, moissons et vergers, et bois et pâturages,

Rampent aux pieds des murs d’opulentes cités,

Sous les arches de pierre à grand bruit emportés.

Dirai-je ces travaux, source de l’abondance,

Ces ports, où des deux mers l’active bienfaisance

Amène les tributs du rivage lointain

Que visite Phoebus le soir ou le matin ?

Dirai-je ces canaux, ces montagnes percées,

De bassins en bassins ces ondes amassées

Pour joindre au pied des monts l’une et l’autre Téthys ?

Et ces vastes chemins en tous lieux départis,

Où l’étranger, à l’aise achevant son voyage,

Pense au nom des Trudaine et bénit leur ouvrage ?

Ton peuple industrieux est né pour les combats.

Le glaive, le mousquet n’accablent point ses bras.

Il s’élance aux assauts, et son fer intrépide

Chassa l’impie Anglais, usurpateur avide.

Le ciel les fit humains, hospitaliers et bons,

Amis des doux plaisirs, des festins, des chansons ;

Mais, faibles opprimés, la tristesse inquiète

Glace ces chants joyeux sur leur bouche muette,

Pour les jeux, pour la danse appesantit leurs pas,

Renverse devant eux les tables des repas,

Flétrit de longs soucis, empreinte douloureuse,

Et leur front et leur âme. Ô France ! trop heureuse,

Si tu voyais tes biens, si tu profitais mieux

Des dons que tu reçus de la bonté des cieux !

Vois le superbe Anglais, l’Anglais dont le courage

Ne s’est soumis qu’aux lois d’un sénat libre et sage,

Qui t’épie, et, dans l’Inde éclipsant ta splendeur,

Sur tes fautes sans nombre élève sa grandeur.

Il triomphe, il t’insulte. Oh ! combien tes collines

Tressailliraient de voir réparer tes ruines,

Et pour la liberté donneraient sans regrets,

Et leur vin, et leur huile, et leurs belles forêts !

J’ai vu dans tes hameaux la plaintive misère,

La mendicité blême et la douleur amère.

Je t’ai vu dans tes biens, indigent laboureur,

D’un fisc avare et dur maudissant la rigueur,

Versant aux pieds des grands des larmes inutiles,

Tout trempé de sueurs pour toi-même infertiles,

Découragé de vivre, et plein d’un juste effroi

De mettre au jour des fils malheureux comme toi.

Tu vois sous les soldats les villes gémissantes ;

Corvée, impôts rongeurs, tributs, taxes pesantes,

Le sel, fils de la terre, ou même l’eau des mers,

Sources d’oppression et de fléaux divers ;

Vingt brigands, revêtus du nom sacré de prince,

S’unir à déchirer une triste province,

Et courir à l’envi, de son sang altérés,

Se partager entre eux ses membres déchirés.

Ô sainte Égalité ! dissipe nos ténèbres,

Renverse les verrous, les bastilles funèbres.

Le riche indifférent, dans un char promené,

De ces gouffres secrets partout environné,

Rit avec les bourreaux, s’il n’est bourreau lui-même ;

Près de ces noirs réduits de la misère extrême,

D’une maîtresse impure achète les transports,

Chante sur des tombeaux, et boit parmi des morts.

Malesherbes, Turgot, ô vous en qui la France

Vit luire, hélas ! en vain sa dernière espérance,

Ministres dont le cœur a connu la pitié,

Ministres dont le nom ne s’est point oublié ;

Ah ! si de telles mains, justement souveraines,

Toujours de cet empire avaient tenu les rênes,

L’équité clairvoyante aurait régné sur nous ;

Le faible aurait osé respirer près de vous ;

L’oppresseur, évitant d’armer d’injustes plaintes,

Sinon quelque pudeur aurait eu quelques craintes ;

Le délateur impie, opprimé par la faim,

Serait mort dans l’opprobre, et tant d’hommes enfin,

A l’insu de nos lois, à l’insu du vulgaire,

Foudroyés sous les coups d’un pouvoir arbitraire,

De cris non entendus, de funèbres sanglots,

Ne feraient point gémir les voûtes des cachots.

Non, je ne veux plus vivre en ce séjour servile ;

J’irai, j’irai bien loin me chercher un asile,

Un asile à ma vie en son paisible cours,

Une tombe à ma cendre à la fin de mes jours,

Où d’un grand au cœur dur l’opulence homicide

Du sang d’un peuple entier ne sera point avide,

Et ne me dira point, avec un rire affreux,

Qu’ils se plaignent sans cesse et qu’ils sont trop heureux ;

Où, loin des ravisseurs, la main cultivatrice

Recueillera les dons d’une terre propice ;

Où mon cœur, respirant sous un ciel étranger,

Ne verra plus des maux qu’il ne peut soulager;

Où mes yeux, éloignés des publiques misères,

Ne verront plus partout les larmes de mes frères,

Et la pâle indigence à la mourante voix,

Et les crimes puissants qui font trembler les lois.

Toi donc, Équité sainte, ô toi, vierge adorée,

De nos tristes climats pour longtemps ignorée,

Daigne du haut des cieux goûter le libre encens

D’une lyre au cœur chaste, aux transports innocents,

Qui ne saura jamais, par des vœux mercenaires,

Flatter à prix d’argent des faveurs arbitraires,

Mais qui rendra toujours, par amour et par choix,

Un noble et pur hommage aux appuis de tes lois.

De vœux pour les humains tous ses chants retentissent ;

La vérité l’enflamme, et ses cordes frémissent

Quand l’air qui l’environne auprès d’elle a porté

Le doux nom des vertus et de la liberté.

André Chénier, "Hymnes et Odes"