La fin du mois de mars marque le deuxième anniversaire du solennel discours du stade 20 000 places intronisant la notion de "rupture" dans le vocabulaire politique centrafricain. Bernard Selemby-Doudou@bsd
L’élu de la nation a redonné au peuple meurtri le droit d’espérer et de rêver d’une Centrafrique meilleure. La classe politique centrafricaine a adhéré au projet même si formellement il n’en existait pas. Le droit d’inventaire suppose l’évaluation de ce qui a été positif ou négatif au cours d’un exercice.
Il permet également de faire le point des engagements, les avancées des projets, les réformes ainsi que la réalisation des promesses. Animé par le souci de vivre en pleine quiétude, le citoyen lambda s’interroge :
- Peut-on se réjouir du bilan des deux ans de l’élu de la nation au palais présidentiel ?
- Qu’en est-il de l’espoir du 30 mars 2016 ?
- En d’autres termes, qu’est-ce qui a sensiblement changé en 4 semestres de gouvernance ?
- Certaines langues averties demandaient qu’on laisse un peu de temps au pouvoir de travailler, cette argumentation qui cache l’immobilisme, la médiocrité n’est-elle pas désuète à mi-mandat ?
- La politique de soupçon, la politique de méfiance et de climat conflictuel avec l’assemblée nationale sont-elles de nature à favoriser la réconciliation nationale et la cohésion sociale ?
- Que sont devenus les programmes DDRR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration et Rapatriement) et le processus de levée de l’embargo ?
- Qu’en est-il des déplacés et réfugiés ?
- La baisse évidente de popularité du pouvoir chagrine-t-elle au moins ceux qui adorent les festins au prix du sang du peuple ?
- Les nouvelles autorités sont-elles aptes de faire l’état des lieux de la table ronde de Bruxelles qui a été annoncée en grande pompe ?
- Quels sont les apports ou les manques à gagner du fiasco de Bruxelles sur l’économie nationale plus particulièrement sur l’emploi des jeunes ?
- Les autorités démocratiquement élues ont-elles tiré les leçons des précédents régimes ?
- Celui qui jadis s’auto proclamait président des pauvres l’est-il toujours en dépit de ses multiples liens avec les milieux mafieux ?
Il est important de rappeler de façon liminaire qu’au plan politique, on a assisté à l’institutionnalisation de la corruption au plus haut sommet de l’Etat avec un corollaire de signature officieuse de multiples contrats miniers.
D’ailleurs, ce sont ces innombrables contrats miniers qui sont les détonateurs de l’assaut sur le bureau de l’assemblée nationale avec la bénédiction de la Cour constitutionnelle qui a interprété à leur faveur l’article 60 de la constitution du 30 mars 2016. Ce phénomène inédit a pour conséquence immédiate la transformation de la représentation du peuple en une chambre d’enregistrement des projets du gouvernement.
On relève également sur le plan politique la mise en place d’une brigade de délinquants politiques qui accuse les personnalités politiques qui ne partagent pas leur vision de coup d’état sous un regard complice du pouvoir.
Sur le plan diplomatique, l’isolement régional et international est patent, chose que le pays pouvait éviter n’eut été les errements pyramidaux du guide. À cela s’ajoute la délocalisation quasi définitive mais officiellement temporaire du siège de la CEMAC qui à vue d’œil semble déranger personne si ce n’est des condamnations lapidaires.
S’agissant de la justice, les victimes des différentes exactions ne savent plus à quel saint se vouer. Tous les regards sont braqués sur la Cour pénale spéciale qui impose son rythme car la justice nationale a démissionné.
Le citoyen lambda a peur de sa propre justice car le déni est manifeste d’où le sentiment d’une justice privée. Par ailleurs, on relève entre autres l’intégration de critères ou de quotas de région dans l’organisation de concours administratif en violation du précieux principe d’égalité des citoyens martelé par le célèbre arrêt Barel du conseil d’état rendu le 28 mai 1954.
Nous faisons abstraction de l’aspect économique car des études ont confirmé que ce domaine rime avec la sécurité. Il est d’une notoriété inégalable que les nouvelles autorités peinent à circonscrire cette notion de sécurité et laissent la marge de manœuvres aux groupes armés non conventionnels qui occupent les 3/4 du territoire national. Pour finir, ces deux premières années sont considérées comme des années pilotes qui vont définir la trajectoire des deux prochaines années puisque la dernière année est une année électorale.
Fort de ce qui précède, nous proposons au pouvoir de faire une purge dans son entourage avec la nomination d’un nouveau premier ministre jeune, dynamique et surtout issu de l’opposition démocratique. Cette cohabitation apaisera les esprits et relancera le processus du renouveau. Ne pas changer de politique et de méthodes c’est méconnaître les évolutions sociologiques du pays.
Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 30 mars 2018
Bernard Selemby Doudou
Juriste, Administrateur des Elections.