Jean-Marc Dupuis : "La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye ment comme un arracheur de dents et voici pourquoi"...

Chère lectrice, cher lecteur,

Hier matin - lundi 20 avril 2020, sur France-Info, un journaliste demande à la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye si les français pourront organiser des mariages après le 11 mai, début du déconfinement.

Réponse : "Organiser un rassemblement le 12 mai pour un mariage, ce n'est sans doute pas une bonne idée vue l'état de circulation du virus aujourd'hui. Est-ce que vous voulez le faire en petit comité ou avoir toute votre famille et vos amis autour de vous ? C'est un choix personnel. Nous ne levons pas l'interdiction de rassemblement après le 11 mai et il faut que chacun puisse s'adapter dans ces circonstances-là".

Vous avez remarqué : dans ce charabia incompréhensible, on finit par deviner qu'elle dit une chose, puis son contraire. Les français ont le “choix personnel” d’avoir toute leur famille et leurs amis autour d’eux pour se marier sauf que les rassemblements de plus de 5 personnes sont interdits.

Il n’y a donc aucun choix personnel à faire.

La porte-parole du gouvernement aurait pu simplement répondre “Non, ce ne sera pas possible”.

Mais elle n’ose pas le dire. Elle a peur de la vérité, tout comme la journaliste, tout comme les auditeurs, puisque plus personne ne s’étonne même que le porte-parole du gouvernement se contredise de cette façon.

Le reste de l’interview est du même acabit. On demande à Sibeth Ndiaye s’il sera possible, cet été de partir en vacances.

Elle n’ose pas expliquer que ce ne sera pas le cas.

Elle n’ose pas dire que, quand bien même le gouvernement français autoriserait ses citoyens à partir à l’étranger, les autres pays refuseront qu’ils entrent sur leur territoire, car ils ne voudront en aucun cas accueillir des touristes provenant d’un des pays les plus touchés au monde par l’épidémie.

Sibeth Ndiaye préfère une réponse alambiquée, qui ne veut rien dire : "Je ne peux pas vous dire ce qu'il en sera d'un voyage aux Etats-Unis, d'un voyage dans un pays africain ou asiatique, il serait mal aisé de dire que vous pouvez prendre un billet pour aller faire une croisière à l'autre bout du monde".

Mais la vérité, chers concitoyens, je vous la dis, moi : c’est que la belle vie est terminée.

La belle vie est terminée. Oui, la belle vie est terminée.

Depuis 5 siècles - Christophe Colomb, Vasco de Gama, Magellan...-, les européens se sont cru autoriser à se promener librement dans le monde entier. Il suffisait d'avoir un bateau, des canons, et hop, on partait à l'aventure, aux quatre coins du monde.

Nous ne nous posions pas la question de savoir si nous étions attendus ou non, désirés ou non.

Pour nous c’était une sorte de “droit divin”. Grâce à nos arquebuses, notre or, et aujourd’hui nos passeports et nos cartes de crédit, nous avons transformé le monde en un grand terrain de jeu à disposition pour nous distraire, consommer, exploiter, des rivages de l’Amérique jusqu'à la plus petite île d’Océanie, en passant par l'Afrique ou l'Himalaya.

Bien sûr, s’il y avait la guerre, ou des maladies, nous préférions garder nos distances, et opter pour une autre destination.

Ainsi, peu de touristes européens sont allés ces dernières années visiter l’Irak, le Rwanda, le Yémen ou le Vénézuela en plein effondrement. Mais la Tanzanie, la Thaïlande, le Pérou, l’Australie, le Japon la Finlande, nous considérions comme normal de pouvoir y aller à partir du moment où nous avions assez d'argent pour payer.

Bien sûr, nous savions bien que, pour 90 % de l’humanité, cette possibilité de voyager n’existait pas.

Mais, que voulez-vous, ce n’était tout de même pas de notre faute si ces pauvres gens habitant le Paraguay, le Centrafrique, le Bangladesh ou l’Indonésie devaient rester chez eux, si leurs gouvernements les empêchaient de partir, ou si le nôtre leur refusait les visas - sauf pour l'élite corrompue, cela va sans dire- !!

Bref, nous avons considéré le monde entier comme notre village. Nous avons oublié que nous avions apporté en Amérique le virus de la variole et de la grippe qui avaient tué sans doute cent millions d’Indiens au 16e siècle. Ce n’était "pas de notre faute", et puis nous, nous avions maintenant les vaccins, les antibiotiques, et le rapatriement sanitaire en avion médicalisé en cas d’urgence. Nous ne nous estimions donc “pas concernés”.

C’est ainsi qu’une industrie gigantesque, pour ne pas dire monstrueuse, du tourisme s’est développée dans le monde entier. A la Toussaint, à Noël, à Pâques, l'été, ou même sur un simple week-end, des millions d’européens s’envolaient pour Ibiza, la Turquie, le Maroc, ou des destinations encore plus lointaines pour les plus aisés.

Bien sûr, nous avons aussi observé que cet intense trafic aérien diffusait dans l’atmosphère un sacré paquet de cochonneries toxiques.

Chaque fois que nous avons décollé ou atterri, nous avons versé une larme de crocodile sur les millions d’habitants que nous apercevions à travers le hublot, et dont la vie avait été ruinée parce qu’ils avaient eu le malheur d’habiter à proximité d’aéroports devenu sources de nuisances sonores constantes et abominables, et qui respiraient l'air vicié par les vapeurs de kérosène brûlé sortant des réacteurs.

Nous nous sommes rendus compte que des villes comme Venise, Florence, Djerba en Tunisie, Sharm-El-Sheikh en Egypte, jadis charmantes, étaient devenu des enfers pour leurs habitants qui ne s'étaient pas reconvertis dans le tourisme. Les malheureux qui avaient cherché à préserver leur mode de vie traditionnel, et s'étaient retrouvés marginalisés, expulsés, déracinés.

Mais ce n’était pas notre problème.

Pour nous, c’était normal, un droit naturel, de naissance, et les autres n’avaient qu’à faire avec, et se taire.

Alors bien sûr, aujourd’hui, nos cerveaux n’ont pas encore “percuté”.

Nous n’avons pas compris que les autres peuples pouvaient désormais considérer notre venue, non plus comme un privilège, une bénédiction, mais comme une menace.

Nous supposons que, dès que nous allons décider de sortir du confinement, dès que nous allons estimer que nous pouvons repartir parce que notre sécurité nous paraît assurée, les habitants du monde entier vont bondir de joie et se réjouir de nous voir arriver en masse chez eux...

Mais en ce qui me concerne, mes chers amis, vous aurez compris que je ne suis pas tout-à-fait aussi optimiste.

Je surveille les informations et je constate déjà que des pays touristiques se barricadent contre les touristes. Ainsi les habitants de l'île d'Hawaï, destination favorite des américains, demandent-ils aux touristes de ne plus venir  : https://www.theguardian.com/us-news/2020/apr/20/hawaii-coronavirus-covid-19-tourists.

J'anticipe une généralisation de ce type de réactions, si bien que, désormais, mieux vaut prévoir de passer nos vacances chez nous. Mais nous verrons bien assez vite...

A noter que Sibeth Ndiaye semble, elle aussi, avoir quelques doutes. Même si elle n’ose pas le dire, pour ne pas nous faire mal au cœur, je rappelle qu’elle a tout de même invité à la prudence y compris pour les vacances…. en France, cet été.

“En France, je ne sais pas où nous en serons de l'évolution de l'épidémie, donc j'aurais tendance à appeler à un peu de patience et de prudence en la matière avant de réserver des locations”, a- t-elle dit sur France-Info.

A bon entendeur, salut.

Et, pour les enfants ou les adultes qui ne sont jamais partis à l’étranger de leur vie, mon conseil est de leur offrir, plutôt qu’une valise ou un sac-à-dos, de bons livres illustrés sur l’Inde, l’Afrique ou le Brésil, de beaux films de la collection “Connaissance du monde” - si cela existe toujours…-, de beaux reportages documentaires, car il n’est pas dit que, prochainement, il leur sera donné d’aller voir de leurs propres yeux ce qui se passe au-delà de nos frontières - voire de nos départements-.

Mais au fond, cela ne sera-t-il pas l'occasion de vivre enfin "local" ?

Rappelons que, jusqu'à une date peu reculée, dans la plupart des pays d'Europe nous vivions étroitement "confinés" dans des villages, retranchés derrière des remparts, avec des hautes portes fortifiées que l'on refermait chaque soir à la tombée de la nuit. On ne sortait de la ville que prudemment, la journée, pour cultiver les champs, et partir en voyage ne serait-ce qu'à travers la forêt voisine comportait déjà le risque d'être trucidé par des bandits. C'était une époque difficile, c'est vrai, mais bizarrement on consommait aussi moins d'antidépresseurs et la nature, par ailleurs, semblait mieux s'accommoder d'êtres humains vivant de cette façon.

A votre santé !

Jean-Marc Dupuis

Le 21 avril 2020