"Le chemin de vie" de Karim Meckassoua

Par Jean Yangambizo

Meckassoua jpg0

 

  • Abdoul-Karim Meckassoua a 66 ans
  • Karim Meckassoua est né le 31 décembre 1953 à Bangui au KM 5.

 

Son père Abdou Alassane était un ancien chauffeur routier haoussa originaire du Niger installé au KM5 et sa maman était bella  - ou "bouzou" en haoussa, une caste anciennement asservie de Touaregs noirs- . Son père Abdou Alassane s’était reconverti en indicateur des services de Bokassa au contact d’un ancien agent du Bureau central de renseignements et d'action - BCRA - service de renseignement de la France Libre- à Bangui M. Gauche. Craint et détesté au KM 5 du temps de Bokassa, Abdou Alassane était ainsi tristement célèbre pour avoir dénoncé certains éléments de son quartier dont certains disparurent à tout jamais.

Le jeune Labarane - nom d'enfance de Karim Meckassoua - est scolarisé à l’école Koudoukou - anciennement école Route 37 -, au lycée Barthélémy Boganda, puis au lycée des rapides de Saint-Paul et obtient son baccalauréat série A4 en 1973. Il obtient une bourse et part ensuite en France en 1974 pour ses études supérieures grâce au concours de M. Gauche et de ses amis gaullistes.                                                                                           A.Karim Meckassoua@sni

En France, Meckassoua fréquente la Fédération des Etudiants d'Afrique noire en France - FEANF-.  Il devient le représentant en France du Mouvement pour la Démocratie et l’Indépendance - MDI -, créé en janvier 1981 par le magistrat François Guéret et dont Ngoupandé était Secrétaire général. Treize ans après son baccalauréat, Meckassoua soutient une thèse en 1986 au Conservatoire National des Arts et Métiers- CNAM- intitulée "Etude comparée des activités de régulation dans le cadre d'un transfert de technologie" portant sur le travail de régulation d'un opérateur haoussa de Centrafrique dans une usine d'embouteillage de bière. Son diplôme de doctorat en ergonomie lui permet d’être enseignant chercheur au laboratoire d’ergonomie du CNAM. Il ouvre un cabinet de consulting spécialisé dans le domaine de santé et de la sécurité au travail. Il intervient dans ce cadre ponctuellement pour des entreprises françaises, étoffant ainsi son carnet d’adresses.

Après ce que l’on a appelé la "deuxième mutinerie" fin mai 1996, le gouvernement Koyambounou est contraint de céder sa place à un gouvernement d’union nationale - GUN -, dirigé par Jean-Paul Ngoupandé à partir du 30 juin 1996. Alors qu’il était ambassadeur de France à Abidjan, Michel Dupuch avait repéré Ngoupandé lorsque celui-ci était ambassadeur de Centrafrique en Côte d’Ivoire. Devenu conseiller pour les affaires africaines de Jacques Chirac quand ce dernier accède à la Présidence française en 1995, Dupuch fait appel à Ngoupandé lorsqu’il est ambassadeur de Centrafrique à Paris. Karim Meckassoua qui fréquente assidument les principaux leaders du Conseil démocratique des partis de l'opposition - CODEPO, une coalition de sept partis d'opposition-, les barons du Rassemblement Démocratique Centrafricain - RDC- ainsi que les grandes figures des rangs des mutins est nommé directeur de cabinet du Premier ministre - tandis que le colonel François Edly Follot est son chef de cabinet particulier-.

En novembre 1996, Idriss Déby réapprovisionne en armes, avec le feu vert de Paris Ange-Felix Patassé. Un C-130 de l'armée tchadienne se pose à Bangui pour y décharger des fusils d'assaut kalachnikovs et des munitions en quantités importantes renforçant ainsi le camp présidentiel face aux mutins. Lorsqu’il se sait que Karim Meckassoua a évoqué cette affaire avec les chefs des mutins et notamment Anicet Saulet, la tension est électrique au point que Meckassoua doit être évacué pour raison de sécurité par un avion militaire français à destination de Douala. Les rapports entre le Premier ministre Ngoupandé, son Directeur de cabinet Karim Meckassoua, et les caciques du MLPC sont alors exécrables. Certains ministres réfèrent directement au Président sans passer par le Premier ministre.

C’est dans ce contexte que le 19 janvier 1997, en sortant d'une réunion avec le général malien ATT dans le cadre de la médiation africaine, Karim Meckassoua est arrêté dans l'enceinte du Palais Présidence par le capitaine Yossé de la Garde présidentielle, à la demande de Jean-Jacques Demafouth qui dirige alors le Centre national de recherche et d’investigation -CNRI-. Tandis que son chauffeur est passé à tabac, Meckassoua est conduit dans les locaux de la Garde Présidentielle où il est longuement et violemment interrogé par le général François Ndjadder. Cet évènement intervient juste avant qu’un nouveau gouvernement dirigé par Michel Gbezera-Bria ne soit formé le 30 janvier 1997.

Il se rapproche de l’ancien chef d’Etat-major de Patassé, François Bozizé entré en rébellion et devient Secrétaire général de la Coordination des Patriotes centrafricains -CPC -, une structure qui tente de rassembler toutes tendances d’opposition. Il dirige via la CPC les négociations avec le pouvoir notamment lors d’une réunion organisée à Paris en février 2003 avec le Comité de coordination du Dialogue national représenté par Monseigneur Paulin Pomodimo.                                                                                  

Une fois Patassé tombé, Meckassoua est nommé ministre des Affaires étrangères le 31 mars 2003. Il épouse alors en grande pompe Laure Annick Bogangabe faisant venir comme témoin du mariage l’impératrice Catherine Bokassa. N’hésitant pas à se présenter comme le vrai dépositaire du pouvoir lors de ses tournées extérieures, il se fera rabrouer par le Président Bongo lors d’une rencontre à Libreville qui le recadrera ainsi devant Bozizé "Monsieur le Ministre d’Etat vous travaillez sous l’autorité du Président Bozizé." De retour à Bangui, Bozizé le démet de ses fonctions. Il est en outre placé en résidence surveillée car suspecté d’intriguer avec les frères Yalo au moment où des "libérateurs" regroupés dans le nord de Bangui réclament des compensations financières à la suite de leur participation au coup d'Etat de mars 2003… Il finit par être "rétrogradé" au ministère de l’éducation nationale à l'issue du remaniement ministériel du 14 décembre 2003. Meckassoua reste ministre de l’éducation nationale jusqu’en juin 2005 puis est nommé ministre d’État, directeur de cabinet de la présidence de la République, peu après avoir été élu député du 3e arrondissement Bangui. Mekassoua et catherine bokassa                                                                                Karim Meckassoua et Catherine Bokassa@photo illustration 2017/sni

En septembre 2006, Meckassoua est nommé Ministre d’État à la Communication, à la Réconciliation nationale, à la Culture démocratique et à la Promotion des droits de l’homme. En avril 2007, il quitte Bangui pour Paris où il prétend se rendre pour des soins médicaux ce qui entraîne des soupçons du régime. Son domicile banguissois fait l'objet de fouilles et il est limogé du gouvernement au mois de mai 2007 avant de quitter Bangui pour Paris. En disgrâce, on lui retire jusqu’à son siège de député du 3e arrondissement.

Bozizé fera de nouveau appel à lui Meckassoua. De mai 2011 à la fin de l’année 2012, Meckassoua est ministre d’État chargé des Postes et Télécommunications et des Nouvelles Technologies dans le gouvernement du Premier ministre Touadéra. Il succède à Fidèle Gouandjika qui était en charge de ce Ministère de septembre 2006 jusqu’en janvier 2009. Meckassoua se distingue alors en déclenchant un audit de ce Ministère qui aboutira à ce que Fidèle Gouandjika soit traduit en justice pour détournement de fonds.

En effet, depuis que Gouandjika est passé à la tête de ce ministère, la Socatel n’est plus responsable du trafic international confié à la société privée Telsoft Centrafrique Gateway.  La Socatel tirait pourtant l’essentiel de ses recettes de la communication internationale grâce au Centre de Transmission par Satellite - CTS - situé à Bangui-Mpoko. Gouandjika prétextant que cette société croupissait sous les de dettes, baissait l’antenne du CTS et résiliait les contrats avec ses partenaires puis décidait de libéraliser ce secteur sensible en signant un juteux contrat avec la Société Telsoft International lui donnant le droit d’exploiter la passerelle unique pour la communication internationale.

Cet audit lancé par Meckassoua en 2011 débouche sur la mise en examen de Gouandjika par le doyen des juges d’instructions après l’audition des ministres Maléyombo et Kadre. Gouandjika profite d’un Conseil des Ministres présidé par le Premier ministre Touadéra pour mettre la pression sur ce dernier à qui il reproche de ne pas agir pour le protéger.

Touadéra lui demande d’attendre la fin du Conseil des Ministres pour soumettre le problème au président de la République. Entre-temps, le doyen des juges d’instruction met Gouandjika en examen, on lui retire son passeport et on lui interdit de sortir du territoire. Au conseil des ministres suivant, Gouandjika en remet une couche devant le président Bozizé, menaçant de "donner un coup de pied mortel" à Meckassoua lui-même présent à ce Conseil des Ministres avant que Bozizé ne soit obligé d’élever le ton pour calmer Gouandjika. Quelques jours après, Bozizé instruit le ministre de la justice Findiro de mettre fin à la procédure, lui remet en mains propres son passeport et demande à Meckassoua de laisser tomber cette affaire...

Curieusement, Meckassoua ne publiera jamais ce rapport d’audit…Karim et fidele en 2017                                                                               Karim Meckassoua et Fidèle Gouandjika@ photo illustration 2017 /sni

Il assure en plus les fonctions de ministre au plan, à l’économie et à la coopération internationale suite au départ de Sylvain Maliko qui quitte ses fonctions pour un poste à la Banque Africaine de Développement, - BAD - et se rapproche à cette période Brazzaville siégeant au conseil d’administration de la société congolaise de gaz alors qu’il était administrateur chez Servair Congo depuis 2010.

Meckassoua profite d’une mission à l’étranger fin 2012 pour quitter le pays alors que la rébellion est à Damara. En coulisses, il se rapproche de plusieurs chefs rebelles et se fait le promoteur de la Seleka auprès de nombreux chef d’État étrangers faisant croire aux partenaires de la RCA qu’il est l’homme de la situation. Fort du soutien de Libreville, il espère pouvoir damer le pion à l’opposition de l'Alliance des Forces Démocratiques pour la Transition -AFDT - pour se faire introniser Premier ministre de Bozizé. Cependant, l’accord politique sur le règlement de la crise signé à Libreville sous l’égide de la CEEAC se fera sans lui et il ne participera pas au gouvernement d'union nationale dirigé par le Premier ministre Nicolas Tiangaye formé en février 2013.

Fin mars 2013, au lendemain du renversement du président François Bozizé, Michel Djotodia, s'autoproclame président annonçant la suspension de la Constitution, la dissolution du gouvernement et la reconduction du Premier ministre, Nicolas Tiangaye. Jusqu’à a démission en janvier 2014, Djotodia ne fera pas appel à Meckassoua, encouragé par Idris Deby qui n’apprécie guère sa proximité avec Denis Sassou-Nguesso.

Catherine samba panzaKarim Meckassoua utilise son réseau international notamment dans le milieu politique français pour succéder à Djotodia.                                                                                      Catherine Samba-Panza@pr/janv2014

Cependant, les 17 critères d’inéligibilité fixés par le Conseil National de Transition centrafricain ne permirent au final que 8 candidatures :

  • Désiré Kolingba,
  • Gombé-Ketté,
  • le professeur Mamadou Nali,
  • Catherine Samba-Panza,
  • Mbrenga Takama,
  • Régina Konzi Mongo,
  • Emile-Gros Nakombo,
  • Sylvain Patassé.

 

Ce sera finalement Catherine Samba-Panza qui sera finalement désignée le 20 janvier 2014 pour gérer la transition centrafricaine grâce à l’appui de la France et des Etats-Unis.

En janvier et en août 2014, Catherine Samba-Panza choisit de nommer au poste de Premier ministre André Nzapayéké et Mahamat Kamoun au grand dam de son Karim Meckassoua et de son soutien Denis Sassou-Nguesso. Peu après l’Accord de Cessation des Hostilités en République centrafricaine signé en juillet 2014 à Brazzaville, Meckassoua utilise alors toute son influence pour lutter contre le pouvoir de Samba-Panza. Il se rapproche de Darassa mais aussi d’Abdoulaye Hissène puis rencontre Djotodia à Cotonou et Nourredine Adam à Dubaï en septembre 2014.

L’autorité de Darassa est alors contestée par Zakaria Damane qui contrôle la faction Goula de la Séléka à Bambari et Zoundeko, chef d’état-major de la "nouvelle" Séléka et ancien chef d’état-major de l’UFDR. Meckassoua attise alors ces tensions entre ces deux factions Goulas et Peuls de la Séléka atteignent leur paroxysme lors d’affrontements meurtriers en août 2014. Proche de certains officiers des Forces armées centrafricains et notamment d’anciens chefs mutins, il s’accorde avec les coordonnateurs anti-balaka, Joachim Kokaté mais surtout avec Patrice-Édouard Ngaïssona pour déstabiliser le régime en place. Meckassoua intrigue par ailleurs en coulisses avec le président du Parlement de transition, Alexandre-Ferdinand N’Guendet pour le convaincre de démettre Samba-Panza et finaliser l’intérim de la transition...

En septembre 2014, le Front Démocratique du Peuple Centrafricain - FDPC - de Martin Koumtamadji, alias Abdoulaye Miskine prend en otages des civils qui sont retenus proche de la localité de Baboua. Alors qu’Abdoulaye Miskine avait été arrêté un an plus tôt à Bertoua après une série d'attaques menées par le FDPC sur le territoire camerounais et qu’il était depuis détenu à Yaoundé, Miskine est remis en liberté en novembre 2014, avec trois de ses proches en échange de 27 personnes que le FDPC retenait en otages en Centrafrique grâce à l’intervention de Karim Meckassoua à l'issue d'une médiation du président congolais Sassou-Nguesso... Le FDPC de Miskine qui est ensuite accueilli par le Congo et continue alors de représenter une menace contre la sécurité dans l’ouest de la RCA pillant notamment les véhicules qui empruntent la principale route d’approvisionnement du pays. La MINUSCA et les forces centrafricaines ont alors beaucoup de mal à protéger les convois commerciaux des attaques meurtrières du FDPC contre les camionneurs qui emprunte l’axe routier jusqu’à Bangui…

Grâce à un important soutien financier de Sassou-Nguesso, Meckassoua œuvre en faveur de l’accord de Nairobi signé en janvier 2015 entre partisans de Michel Djotodia et de François Bozizé dans l’objectif que les deux camps le désignent Président de transition. Cet accord scellé dans le dos des autorités de transition qui ne sont pas associées aux discussions tend encore plus ses rapports avec le régime en place et en mai 2015, Meckassoua se voit confisquer son passeport - tout comme Joachim Kokaté- car suspecté de relations incestueuses avec les milices anti-balaka.

Grâce à un financement de Karim Meckassoua, Al-Khatim crée en août 2015 son groupe armé le Mouvement Patriotique Centrafricain – MPC - prélevant des taxes à des postes de contrôle, contrôlant l’administration et la sécurité dans une partie des préfectures d’Ouham et de Nana-Grébizi depuis son chef-lieu Kaga Bandoro.

Alors que le général Jean-Marie Mokoko alors en poste à Bangui pour le compte de l'Union africaine et parallèlement conseiller du Président Sassou-Nguesso en matière de sécurité, vient de se prononcer contre le changement de la constitution qui devait permettre au président de la République en poste de briguer un troisième mandat, sa popularité devient grandissante. A la rentrée 2015, Mokoko qui fréquente Meckassoua depuis que son épouse les a mis en relation et qu’il considère comme un ami lui annonce depuis Paris son intention de se présenter à l'élection présidentielle dans son pays contre le président sortant. Meckassoua informera dans la foulée les autorités françaises et Denis Sassou-Nguesso des intentions du général Mokoko. Denis Sassou-Nguesso considérant cela comme une trahison s’attachera alors lui faire payer par tous les moyens…

Candidat à l’élection présidentielle centrafricaine de décembre 2015, Meckassoua mène campagne à grands frais bénéficiant du soutien financier de Denis Sassou-Nguesso. Les observateurs soulignent d’ailleurs que son projet de société "Le chemin de l’espérance, mes 12 engagements" est largement inspiré du projet de société utilisé par du Président de la République du Congo Denis Sassou-Nguesso en 2002.

Projet de société de Denis Sassou-Nguesso
La nouvelle espérance
Mes douze engagements
http://www.presidence.cg/files/my_files/newesp01.pdf  

Projet de société de Karim Meckassoua

Le chemin de l’espérance
Mes douze engagements pour une RCA émergeante, démocratique et soucieuse du bien-être de tous et de chacun
http://meckassouadoitgagner.over-blog.com/2015/12/meckassoua-le-chemin-de-l-esperance-mes-douze-engagements-pour-une-rca-emergente-democratique-et-soucieuse-du-bien-etre-de-tous-et-d 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Finalement, Meckassoua obtient seulement 3,21% des suffrages exprimés et rallie discrètement Faustin-Archange Touadéra entre les deux tours.

En mars 2016, Meckassoua est déclaré élu député du 3e arrondissement de Bangui par la Cour Constitutionnelle de transition. Son challenger Lazare Ndjadder qui revendique une large victoire dénonce les invalidations massives de la quasi-totalité des bureaux de vote de la circonscription ayant permis cette élection ainsi que les menaces de morts dont il fait l’objet lors de cette élection…

KarimEn mai 2016, Meckassoua est élu à la tête de l'Assemblée nationale par 65 voix sur 125 face à Dologuélé et au grand dam de Ziguélé qui avait pourtant rallié beaucoup plus ostensiblement Touadéra durant l’entre-deux-tour. Cette désignation fait suite à un tête-à-tête entre Touadéra et Denis Sassou-Nguesso le 27 avril 2016, à l'aéroport Maya-Maya de Brazzaville. Encore la veille de l'élection du président de l’Assemblée nationale - PAN -, plusieurs dizaines de députés étaient informés par Fidèle Gouandjika et Arthur Piri du choix du président Touadéra de soutenir Meckassoua. Ce dernier leur promit d’ailleurs, à chacun, un pick-up Toyota double cabine qui ne sera finalement jamais délivré à ces députés lui ayant apporté leur soutien…                                                      Karim Meckassoua@pan

En février 2017, Joseph Zoundeko qui menace de dévoiler, documents et preuves - notamment de financement- sur les implications et les collusions de Meckassoua avec certains chefs des groupes armés pour renverser le régime de Touadéra, est pris pour cible volontairement par la MINUSCA. Le FPRC affirmera que le meurtre de Joseph Zoundeko a été téléguidé par Karim Meckassoua, afin d'éviter que lesdites révélations promises sur son compte…

En mars 2017, alors que la Constitution centrafricaine dispose dans son article 60 que "le gouvernement a l’obligation de recueillir l’autorisation de l’Assemblée nationale avant la signature de tout contrat relatif aux ressources naturelles", la Cour Constitutionnelle saisie par Meckassoua estime que le bureau de l'Assemblée nationale peut seul se positionner sur ce sujet… De nombreux constitutionnalistes s’insurgent contre cette indiquant que si le Constituant avait voulu confier la compétence d’approbation au seul bureau de l’Assemblée, le texte constitutionnel aurait indiqué "bureau de l’Assemblée nationale" et non "Assemblée nationale" tout court. Alors que certains dénoncent la corruption de la Cour Constitutionnelle dans ce dossier, cette décision crée alors un précédent au détriment des députés qui ne peuvent plus se positionner sur ce type de contrats miniers.

Au printemps 2018, alors que les groupes d’autodéfenses du PK5 entretiennent un climat d’insécurité, quasi insurrectionnel à Bangui, Meckassoua est accusé de subventionner ces groupes armés pour déstabiliser depuis la capitale le régime en place.

Karim Meckassoua@arch/pp

Meckassoua karimLe 9 mars 2018, le renouvellement annuel du bureau de l'Assemblée nationale voit la victoire de la mouvance du président Touadéra avec notamment les élections de Jean-Symphorien Mapenzi élu 1er vice-président et Mathurin Dimbelet Nakoé élu 2e vice-président.

Le climat de tension est palpable entre le président de la République et le président de l’Assemblée nationale et Meckassoua commence à se sentir menacé d’une éventuelle destitution qui se fait désormais de plus en plus possible.

Il muscle alors son équipe en nommant 9 conseillers, 1 conseiller spécial, 18 chargés de mission ainsi que plusieurs directeurs généraux dans son cabinet déjà pléthorique. Sont ainsi promues des personnalités comme Marie Solange Ndakala Pagonendji, Jean Bruno Vickos Dieudonné Kombo-Yaya, Alain Lamessi, Laurent Gomina Pampali comme directeur de cabinet ou encore Idriss Salao.

En juillet 2018, Meckassoua qui est très remonté contre Touadéra ressuscite pour le faire tomber Bozizé. Sassou scelle la réconciliation de Meckassoua avec Bozizé et le secrétaire du KnK Bertin Béa. L’idée est de pouvoir organiser dans la foulée un grand dialogue national et dans l’esprit de l’accord de Nairobi avec non seulement Selekas et Anti Balakas mais aussi la caution d’importants partis politiques et Bozizé pour alternative à Touadéra pour pacifier le pays. Si certains considèrent que Bozizé a fait deux mandats 2005 et 2011, ce dernier argumente en disant qu’il n’a pas fini son mandat de 2011 et qu’il peut de ce fait très bien diriger de nouveau le pays. Meckassoua négocie avec tous les groupes armés pour la reprise des hostilités débloquant des sommes importantes pour les chefs des groupes armés. Il demande au colonel Isidore Dokodo de se rapprocher des antibalaka de Mokom avec la bénédiction de Bozizé et pour mobiliser les ex mutins ainsi que les militaires mis à la retraite dans l’objectif de déclencher une mutinerie pour couper toute velléité de destitution à son endroit à la présidence de l’Assemblée nationale.

Fin juillet 2018, Meckassoua organise une conférence de presse à son retour à Bangui après une convalescence de 3 mois en France. Pendant son absence, beaucoup de rumeurs ont circulé. On a annoncé sa mort, une tentative de coup d’Etat ou encore des détournements de fonds.

Le 17 octobre 2018, Meckassoua est finalement visé par une pétition signée par 95 députés réclamant sa destitution dénonçant sa mauvaise gestion de l’institution. Cette procédure aboutit finalement au vote d’une large majorité de députés 98/140 le 26 octobre 2018 destituant Meckassoua pour recrutement abusifs, décaissements sans justificatifs, surfacturations, détournements des fonds de l’Assemblée et autres malversations pointées par deux rapports d’audits réalisés par la Cour des comptes avant sa destitution.

Le 28 octobre 2018, le principal groupe d’autodéfense du quartier musulman du PK5, dont le chef Nimery Matar Djamous alias "Force" est recherché par la police et par la MINUSCA assure la sécurité d’un meeting organisé par Meckassoua, à Bangui... Alors que de très nombreuses voix s’élèvent pour reprocher à ces milices du PK5 d’alimenter le désordre dans ce quartier de Bangui mais aussi d’organiser un racket contre les commerçants musulmans en échange de la "sécurité" du quartier,  "Force" apparaît ainsi lourdement armé, dans le service d’ordre de l’ex-président de la deuxième Institution du pays brandissant sa kalachnikov, lunettes noires vissées sur le nez…

Au printemps 2019, Meckassoua pousse le groupe FDPC d’Abdoulaye Miskine pourtant signataire de l’accord de Khartoum à ériger des barrières sur l’axe principal de ravitaillement de la capitale Bangui ce qui entraîne des centaines de camions et de véhicules bloqués à Beloko et Garoua Boulai et entretient ainsi un climat d’insécurité sur cet axe et sur la frontière avec le Cameroun. À la fin du mois de juillet 2019, il est aussi derrière le communiqué du FDPC qui exige "la démission immédiate" du président Touadéra, à défaut de quoi le FDPC le menaçait de le "démettre par tous les moyens".

Karim Meckassoua@pan/com

Karim MeckassouaEn août 2019, fort des conclusions d’un rapport de la Cour des comptes accuse ceux-là même qui l’ont fait tomber, indexant notamment Jean-Symphorien Mapenzi, premier vice-président de l’Assemblée nationale d’être impliqué dans "un vaste réseau très bien organisé de détournements"  mis en place en 2018, alors que Karim Meckassoua était absent du pays "pour raisons de santé".

Meckassoua fait son retour à Bangui, le 24 octobre 2019 après plusieurs mois d’exil s’associant alors au mouvement de la plateforme d’opposition au régime Touadéra "E Zingo Biani".

En novembre 2019, il organise une entrevue à Brazzaville entre Maître Tiangaye et Denis Sassou-Nguesso. Dans la foulée, Meckassoua favorise le retour à Bangui de François Bozizé à la mi-décembre 2019 et finance les meetings du KnK dans la capitale centrafricaine. Meckassoua s’implique au sein de la plateforme d’opposition COD-2020 dirigée par Anicet-Georges Dologuélé sans pour autant avoir encore signé sa charte d’adhésion... 

Jean Yangambizo

Reproduction autorisée en précisant la source  centrafriqueledefi@cld

Le 15 mai 2020