Mathias Dzon @dm
Le Collectif des partis de l’opposition congolaise interpelle
le président de la République du Congo sur ce qui se passe réellement dans la région du Pool
Lettre ouverte
Objet : Crise du Pool
Excellence, monsieur le Président,
Le Collectif des partis de l’opposition congolaise a l’insigne honneur de vous présenter ses civilités et vient à vous, par la présente, exprimer sa très vive préoccupation sur la crise qui a éclaté le 4 avril 2016 dans le département du Pool et qui, depuis 6 mois, gagne en intensité et en ampleur chaque jour. En effet, cette crise connait ces derniers temps des développements très inquiétants, marqués entre autres par :
- la mort de plusieurs centaines de compatriotes civils et militaires ;
- la mort, le vendredi 7 octobre à 14 heures sur la route Brazzaville/Kinkala, de trois Commandants de la force publique, dépêchés par le Haut commandement des Fac ;
- la destruction d’un hélicoptère de combat de la force publique et la mort de ses 10 occupants dont deux citoyens ukrainiens.
Mais aussi par :
- l’incendie d’une ambulance transportant des malades et des blessés ;
- l’attaque d’un bus de marque Coaster transportant des passagers civils et militaires ;
- l’attaque et l’incendie à Minguengué d’un train marchandise convoyé par des éléments de la force publique et transportant du carburant ;
- l’exode massif et l’errance de plusieurs milliers de villageois fuyant la mort et vivant actuellement une situation sociale épouvantable, dont 5 mille reconnus par le gouvernement ;
- la perturbation de l’activité scolaire des élèves du département du Pool ;
- la capture de 12 éléments de la force publique et de 5 travailleurs chinois de construction des routes ;
- l’extension à des villages du département de la Bouenza, notamment, les villages Manda et Kinkama dans le district de Yamba, des bombardements par hélicoptères de combat ;
- le charriage quasi quotidien de nombreux blessés dans les hôpitaux, notamment, l’hôpital militaire Pierre Mobengo de Brazzaville et l’hôpital d’Oyo.
Tous ces faits d’une extrême gravité font courir au pays le risque d’un embrasement total si rien n’est entrepris pour arrêter rapidement cette folie meurtrière.
Excellence, monsieur le président de la République,
Les thèses avancées par les parties prenantes au conflit du Pool pour expliquer ces évènements tragiques laissent perplexes tous les observateurs. En effet, pour le pouvoir, les violences meurtrières à l’œuvre dans le département du Pool seraient causées par les Ninjas Nsiloulous du pasteur Ntoumi. Par contre, pour Ntoumi et ses partisans, la crise du Pool serait un montage du pouvoir lui-même pour se donner le prétexte de créer dans le pays, un climat de terreur et afin de se maintenir aux commandes du pays par la force et tenter ainsi de contourner le dialogue national inclusif que les congolais et la communauté internationale appellent de tous leurs vœux.
Par ailleurs, plusieurs sources concordantes affirment que selon les agents de la force publique officiant sur le terrain des opérations dans le Pool, ceux qui les attaquent portent les mêmes uniformes militaires qu’eux et combattent avec les mêmes armes. Plus grave, plusieurs habitants du département du Pool prétendent que le pasteur Ntoumi, qui est censé faire l’objet de la traque de la force publique, se promènerait librement, au vu et au su de tous, sans être inquiété le moins du monde, et ce, malgré un déploiement impressionnant de contingents de militaires, de gendarmes et de policiers sur toute l’étendue du territoire du Pool. Dans tous les cas, comment expliquer que Ntoumi puisse disposer de tant d’hommes et d’armes pour semer la désolation et la mort dans le Pool et placer le pays en état de guerre, après toutes les opérations de désarmement et de réinsertion organisées après les guerres de 1997, 1998 et 1999.
Excellence, monsieur le président de la République,
Face à cette situation pour le moins confuse, le Collectif des partis de l’opposition congolaise vous pose les questions suivantes : "Que se passe-t-il dans le département du Pool ? Qui attaque qui là-bas ? Et quelles mesures préconisez-vous pour ramener la paix dans le département du Pool et dans tout le pays après tant de violences, de violations et de déchirements ?"
Il nous plait de vous rappeler, Excellence, monsieur le président, que le Collectif avait déjà appelé votre bienveillante attention en vous demandant, au lendemain des troubles orchestrés à Brazzaville le 4 avril 2016, dans ses quartiers sud et de l’éclatement des opérations militaires dans le Pool, de tout mettre en œuvre en vue de :
1) L’arrêt immédiat de ces opérations ;
2) L’observation stricte des droits humains, civils et politiques ;
3) L’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur ces événements et le libre accès des zones touchées par les organisations d’assistance humanitaire et les professionnels nationaux et internationaux de la communication ;
4) La recherche, par le dialogue nécessaire, constructif et inclusif, de la restauration de la paix et de la confiance dans le pays en général et dans le Pool, en particulier, entendu que le recours à la violence ne peut et ne pourra régler aucun problème de la vie de la nation et du peuple.
Nous avons noté, avec peine et regret, qu’à ce jour, notre appel à l’humanité, à la raison, à la sagesse et au patriotisme n’a pas été entendu. Nous constatons plutôt, avec consternation et indignation, que la situation du Pool alimente une campagne de va-t’en guerre orchestrée à grande échelle par des formations et des hommes politiques de la majorité présidentielle qui, incitent à la haine et à la division, au lieu d’appeler à l’apaisement, au vrai dialogue national inclusif.
Aussi, le Collectif vient-il, par la présente, vous inviter en votre qualité de garant de l’unité nationale, de la paix et de la sécurité du peuple, à dire clairement et nettement au peuple congolais, dans une déclaration à la nation, ce qui se passe réellement dans le département du Pool, en indiquant ce que vous entendez faire pour sortir le pays de cette crise à la fois grave et douloureuse qui endeuille chaque jour de nombreuses familles congolaises.
Pour notre part, nous réitérons notre appel à l’arrêt immédiat des hostilités, au retrait de toutes les forces militaires engagées dans le Pool, afin de rechercher ensemble par le dialogue national inclusif, des solutions de retour à la paix effective dans le Pool et plus largement, des solutions de sortie définitive de la crise multidimensionnelle qui assaille notre pays aujourd’hui. C’est la seule et unique voie à suivre.
Convaincus que cette fois, vous entendrez notre appel patriotique, nous vous prions de bien vouloir agréer, Excellence, monsieur le président de la République, l’expression de nos sentiments déférents.
Brazzaville, le 12 octobre 2016
Pour le Collège des Présidents du Collectif , Les membres du Comité restreint.
Mathias Dzon ; Christophe Moukoueke ; Jean Itadi ; Raymond Serge Mviri : Henri Boukoulou