Editions des Syrtes : Alexandre del Valle,

L’auteur 
Alexandre Del Valle est chercheur à l’institut international d’études stratégiques et à l’université PARIS II. Docteur en géopolitique, il est co-fondateur de l’observatoire géopolitique et de recherches européennes. Il s’inscrit initialement dans la filiation des travaux d’Yves Lacoste et du général (cr) Pierre-Marie Gallois.
 
Son dernier ouvrage : Le dilemme turc, les vrais raisons de la candidature d’Ankara.  2005, Editions des Syrtes.
 
Synthèse de l’ouvrage  : "Guerres contre l'Europe" 2001
 
Globalisation et conflits identitaires :
Guerre contre l europeIl est nécessaire de définir quelques notions qui sont des préalables pour comprendre la démonstration. La notion d’occident englobant le monde anglo-saxon et l’Europe occidentale est à différencier de l’occident chrétien "médiéval" mais également du monde slave, les trois grands courants occidentaux étant les Etats-Unis, l’Europe et la Russie. A ce titre l’auteur part du constat que le choc des civilisations cher à Samuel Huntington - son ouvrage "le choc des civilisations" aux éditions Odile Jacob 2000 Paris- est une réalité incontestable. Le choc des civilisations vient d’ailleurs appuyer toute sa démonstration. Démontrant la volonté de puissance et d’hégémonie des Etats-Unis vis-à-vis de l’Europe, cet ouvrage aborde l’Islam dans ses relations avec l’Europe sous le même angle.
 
L’Islam, et l’islamisme, qui en est son prolongement, sont  entrés dans un rapport de force avec l’Europe, affirmant eux-aussi leur volonté de conquête et de suprématie. Ils s’appuient pour cela sur le wahhabisme et le panturquisme et, dans une moindre mesure, sur l’Iran chiite. Dans les frontières de l’Europe, ces ambitions sont favorisées par les phénomènes migratoires. L’auteur évoque l’exemple balkanique pour démontrer que les Etats-Unis font de ce développement de l’Islam un allié objectif dans la déstabilisation des Balkans.  Les Etats-Unis tirent de leur histoire une volonté hégémonique et messianique qui fait de la réussite économique par tous les moyens un atout dans leur domination mondiale. L’Europe unie est pour les Etats-Unis un concurrent économique qui peut largement rivaliser avec eux si des ambitions d’Europe puissance se concrétisent.
 
A ce titre des alliances contre nature peuvent être admises même si elles comportent des risques de retournement dont le 11 septembre 2001 est malheureusement l’illustration la plus frappante. Le soutien des Etats-Unis à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne contribue également à diluer le continent européen et par la même occasion, à l’éloigner un peu plus de la Russie  
 
"L’Occident" contre l’Europe :
Avec ces notions générales, l’auteur utilise la situation dans les Balkans, en particulier au Kosovo et en Macédoine, pour étayer sa démonstration. Les EU y ont introduit le concept de guerre humanitaire et de droit d’ingérence au caractère unilatéral qui a présidé à la politique étrangère américaine. Cette politique vise à pérenniser la suprématie américaine, sans rivale depuis la fin la guerre froide, et à empêcher l’apparition de concurrents géoéconomiques, principalement en Asie et en Europe occidentale. Elle est donc opposée, entre autres, aux intérêts des nations européennes. Les Etats-Unis, détenant la supériorité dans tous les domaines de la puissance,  utilisent des outils non militaires qui renforcent cette supériorité : la guerre médiatique ou informationnelle, doublée d’une guerre des représentations et d’une guerre psychologique. Les objectifs de cette politique se concrétisent par la volonté d’étendre l’OTAN aux portes de la Russie en intégrant au monde occidental les nations anti-russes et islamiques.
 
L’OTAN demeure ainsi fondamentalement érigée contre le Russie, malgré la fin de la guerre froide, dans le but de l’affaiblir et de la repousser vers l’Asie et ainsi la couper de l’Europe occidentale.  La guerre du Kosovo de 1999 devient opportunément une nouvelle occasion de fractures intraeuropéennes pourtant presque entièrement refermées à l’issue de la guerre froide.
 
L’action américaine dans les Balkans a eu pour effet d’entretenir des abcès de fixation islamoséparatistes, afin de justifier l’hégémonie protectrice de l’OTAN, d’instaurer une cassure intraeuropéenne entre le monde orthodoxe et l’occident atlantiste et, enfin, de discréditer la défense européenne incapable de parler d’une seule voix. Par ailleurs, elle justifie l’extension de l’OTAN et l’installation de bases dans les Balkans et en Eurasie et relance l’industrie de défense américaine tout en lui assurant des perspectives dans le domaine énergétique.
 
La riposte européenne :
La solution pour l’Europe réside d’abord dans une nouvelle affirmation de son rôle et de sa puissance. Cela nécessite une réforme des institutions de l’UE pour lui donner une véritable existence politique qui lui permettra, d’une part, de faire face aux défis de la globalisation et de la guerre économique et, d’autre part, de mettre en œuvre une politique de défense européenne et de stratégie indépendante -Conseil de Sécurité européen, Europe de la défense, Europe de l’armement-.
 
L’auteur évoque aussi la possibilité d’un front slavo-occidental face à la menace majeure que représente pour lui le totalitarisme islamique. L’Europe apparaît ainsi comme le ciment entre la Russie et les Etats-Unis, permettant de concilier les différents pôles occidentaux historiques. La confusion occident chrétien et occident américanisé renforce la menace pour l’Europe. Elle doit s’émanciper des menées hégémoniques des Etats-Unis qui sont parmi les principaux facteurs de déstabilisation du monde. Il s’agit d’édifier une Europe géopolitique en s’appuyant sur son poumon occidental et son poumon oriental. Cette démarche nécessite une réévaluation du rôle de la Russie et de ses préoccupations, en l’associant davantage au monde occidental. Le rapprochement avec les EU doit ainsi s’affirmer sur le plan civilisationnel et non sur le plan de l’alignement atlantiste.
 
Le multilatéralisme et la non-ingérence doivent présider aux options diplomatiques européennes pour limiter la haine anti-occidentale,  tout en réaffirmant une prédominance culturelle sur le propre sol de l’Europe et en se réappropriant une identité européenne forte.
 
Le 5 novembre 2018