L’incroyable hold-up du Palace libyen de Bangui

Le pouvoir centrafricain et ses amis ont fait main basse sur le Ledger Plaza Bangui, un palace somptueux que le dictateur libyen Mouamar Khadafi avait financé comme des dizaines d’autres en Afrique.

Le 15 septembre 2012, l’hôtel Ledger Plaza Bangui et ses 160 chambres est inauguré par le président François Bozizé, son Premier ministre, un certain Touadera, et l’ambassadeur de Libye Baruni, alors que Mouammar Kadhafi vient de quitter le pouvoir. Dès la fin de l’année, le nouveau gouvernement rappelle son ambassadeur, remplacé par le chargé d’Affaires qui joue les intérimaires. Dès lors, le palace devient une espèce de bateau ivre.Ledger

A l’extrême gauche, Ziyad Al-Zarzour, actuel patron du Ledger Plazza. et à ses côtés, son bras droit tunisien Rimeh Ben Salem. Au centre, le président tunisien, À l’extrême-droite, Sani Yalo influent conseiller du président Touadera, cité dans l’article.

Au coeur d’un trafic de diamants

Lors de l’arrivée de de la Séléka à Bangui, les chefs rebelles y installent leur quartier général et Michel Djotodia aménage son bureau dans la suite présidentielle de l’hôtel Ledger le 24 mars 2013. Il va progressivement s’installer dans l’hôtel un réseau couvert financièrement par le Directeur administratif et financier libyen de l’antenne centrafricaine de la  "Libyen Arab Africa Investment Company"- LAAICO-, Ziyad Al-Zarzour. Celui-ci va permettre aux autorités de Bangui d’y faire prospérer un trafic de diamants avant de se hisser au poste de PDG de l’hôtel en juillet 2014.

Alors que la guerre civile continue en Libye, les autorités de l’Est et de l’Ouest libyen se disputent le contrôle de certains établissements de la chaîne Laaico Hotels présente dans 25 pays et dont fait partie le Ledger Plaza de Bangui. La maison mère de LAICO accuse le PDG de l’hôtel Ziyad Al-Zarzour d’avoir profité de la crise libyenne pour prendre s’émanciper de sa tutelle en enregistrant la société LAICO Centrafrique à son nom.

Le gouvernement d’union nationale libyen reconnu par l’ONU va tenter de reprendre le contrôle de son ambassade en RCA. En décembre 2019, le chargé d’affaires qui assure la représentation de la Libye en RCA Bader Hissein est limogé par les autorités de Tripoli mais celui-ci reste à Bangui.

La mainmise du président Touadera

Lorsque le gouvernement libyen propose de nommer un nouvel ambassadeur à Bangui, toutes les propositions de Tripoli sont rejetées par le président Touadéra. Au printemps 2020, le conseiller du président Sani Yalo, en complicité avec Bader Hissein et de quelques complices organisent une opération visant à casser les coffres-forts encastrés dans les murs de l’ambassade de Lybie à Bangui, dont Bader Hissein n’a jamais eu les clés, faute de passation de service lors de sa prise de fonction.

Ne trouvant le butin escompté, la petite bande décide de vider l’ambassade de ses équipements et de son mobilier et l’on assiste aux navettes des camions remplis de matériels destinés au nouveau bâtiment de l’ambassade de Libye sur l’avenue des martyrs. Le 23 octobre 2020, une délégation de six diplomates libyens arrivés par un vol de Royal Air Maroc est arrêtée dès sa sortie de l’aéroport de Bangui, et ce en dépit des passeports diplomatiques dont ses membres sont porteurs. Au sein de cette délégation se trouve l’ambassadeur proposé à l’agrément Issa Omar Baruni, qui était en poste en Centrafrique jusqu’à la fin de l’année 2012.

Péril en la demeure !

Le 9 novembre 2020, une note intitulée "Mémorandum sur la situation de l’hôtel Ledger Plazza Bangui" est adressée à la direction générale de LAICO Centrafrique par le personnel du Ledger Plaza. Celui-ci menace de déposer un préavis de grève à partir du 10 novembre 2020 si aucun accord n’est trouvé avec la direction. Parmi leurs revendications, figure l’amélioration des conditions de travail des employés, ou encore la revalorisation des salaires ou encore un changement radical dans les méthodes de management de la direction générale.Dg ledger

Ce mémorandum dénonce également la mauvaise qualité des prestations, l’état de dégradation avancée des chambres malgré un prêt de 2 milliards de Fcfa contracté auprès de la CBCA en 2018 mais qui n’a hélas jamais été investi pour rénover l’hôtel. Loin de satisfaire aux revendications du personnel, Ziyad Al-Zarzour aurait dépensé près de 500 000 000 Fcfa depuis le début du conflit social qui l’oppose au personnel de l’hôtel Ledger pour graisser la patte des autorités en place et étouffer ce mouvement. Associé au ministre de l’Intérieur, Henri Wanzet Linguissara, à l’influent conseiller Sani Yalo, Ziyad Al-Zarzour a ainsi dans sa poche les plus hautes autorités du pays qui le défendent. Les leaders du syndicat du personnel de l’hôtel sont depuis le début du mouvement régulièrement menacés de mort.Ledger 1                                                                                                                                      le directeur du Ledger

Une tour de Babel

Ziyad Al-Zarzour et l’ex-chargé d’affaires Bader Hissein animent aussi avec certains cadres du régime Touadéra un réseau de ventes de pierres précieuses avec des personnalités venant des pays du golfe et du monde arabe dans des lieux sécurisés de l’hôtel. Sani Yalo et Fidèle Gouandjika sont ainsi très présents dans la gestion quotidienne de cet hôtel, disposant chacun, d’une suite ou de chambres en permanence aÌ leur disposition. Les conseillers russes du Président Touadéra ont aussi investi ce palace où se logent ambassadeurs, experts internationaux, personnalités en visite officielle ou trafiquants notoires en y installant un système de renseignement dans les chambres et salles de réunion qui accueillent chaque jour des rencontres essentielles pour le pays.

Selon les documents comptables de l’hôtel que nous avons en notre possession - voir ci dessous- , il est prouvé que Ziyad Al-Zarzour a versé un montant mensuel de 50 millions de Fcfa soit 75 000 euros pour protéger son poste entant que PDG de la société LAICO Centrafrique, montants versés via les sociétés VERTICAL SA et EQUATEUR.  En contrepartie, le régime en place apporte son soutien à Al-Zarzour en bloquant la prise de fonction de Amer Abdessalam Jouida que Tripoli a choisi pour le remplacer comme PDG LAICO Centrafrique. Ziyad Al-Zarzour a par ailleurs apporté des sommes très importantes aux autorités centrafricaines pour qu’elles durcissent leurs positions et facilitent l’expulsion des diplomates nommés par Tripoli. 

La ministre des Affaires étrangères a ainsi perçu 30 millions Fcfa, le ministre de l’Intérieur, Henri Wanzet Linguissara 20 millions Fcfa, le directeur général de la police centrafricaine, Bienvenu Zokoué tout comme le commissaire en charge de l’aéroport Cédric Ngbalanga touchant eux aussi dans cette affaire 15 millions Fcfa chacun. C’est ainsi que le 15 novembre 2020, Amer Abdessalam Jouida, est appréhendé dès son arrivée sur le sol centrafricain et expulsé le lendemain via un vol Kenya Airways.

Pour plus d'informations rendez-vous sur Rapport laico rca

Un axe Bangui-Tobrouk ?

Alors que les autorités de Tobrouk et celui de Tripoli se disputent le pouvoir, l’affrontement se joue aussi pour le contrôle des gisements de pétrole, des fonds d’investissement et des actifs hôteliers de la Libye. Partout ldans le monde les deux camps se battent pour récupérer les biens mal acquis par l’ancien dictateur. C’est dans ce contexte que Hussein Mohamed Hussein, désigné président du fond d’investissement LIA et de sa filiale LAICO par les autorités de Tobrouk qui rêgnent sur la partie orientale de la Libye a été reçu, le 18 décembre 2020, par le PDG de l’hôtel Ledger Ziyad Al-Zarzour originaire de la même région. Dans la foulée de cette visite, Hussein Mohamed Hussein a pris publiquement la défense de Ziyad Al-Zarzour.

 

Source : la rédaction de Mondafrique     https://mondafrique.com/

Le 4 mars 2021