Bonjour !
Je vous remercie, Monsieur Meckassoua, de vos aimables paroles de présentation.
C’est un honneur pour moi de me trouver en République centrafricaine et de m’adresser à l’Assemblée des représentants du peuple centrafricain.
Je suis venue exprimer le soutien du Fonds monétaire international à votre pays qui sort tout juste d’une période particulièrement éprouvante. Vous avez connu un conflit interne qui a emporté des êtres chers, qui a détruit des communautés et qui a paralysé votre économie.
Pourtant, vous êtes ici aujourd’hui, fiers et déterminés à reconstruire votre nation.
Ata so Bi ayo mingui, la ayèkè sigui.
Ce proverbe centrafricain reflète bien la situation. "Quelque soit la durée de la nuit, le soleil apparaitra". Photo Christine Lagarde directrice générale du F.M.I
Je peux constater par moi-même les progrès que vous avez accomplis depuis les jours difficiles de 2013. La transition politique est achevée, les services de base ont été rétablis à Bangui et la réconciliation est en bonne voie. Je vous félicite de vos efforts et je salue votre esprit de coopération.
Cet esprit est d’autant plus précieux que la République centrafricaine doit surmonter sa fragilité historique, relancer son économie et répondre aux besoins de la population.
Dans cet esprit, je suis venue à Bangui pour prendre un engagement envers votre pays, à un moment où celui-ci aspire à se développer davantage. Je viens vous offrir le soutien total du FMI, sous la forme d’aides financières, des conseils, d’assistance technique et de renforcement de vos capacités.
À vous, les membres de l’Assemblée nationale, j’adresse un message d’encouragement : vous avez un rôle crucial à jouer en cette période où votre pays aborde un tournant historique.
Les mots du Président Touadéra, que j’ai eu l’honneur de rencontrer hier, sont une source d’inspiration.
"Je veux rassembler tout le monde pour construire notre pays dans le dialogue. C’est le désarmement des cœurs et ce n’est pas facile", a-t ’il déclaré il y a quelques semaines.
Dans cet esprit de réconciliation, j’aimerais examiner aujourd’hui les enjeux économiques de votre pays en abordant trois thèmes :
D’abord, les problématiques propres à tous les pays fragiles qui sortent d’un conflit ;
Ensuite, les problématiques particulières auxquelles votre pays est confronté à l’heure de sa reconstruction ;
Enfin, l’engagement du FMI à l’égard de la population centrafricaine.
1. Sortie du conflit
Commençons par la notion de fragilité qui impacte les pays se relevant d’un conflit. Les États-nations devraient être capables de résister à des tensions majeures. C’est normalement le cas. Mais lorsqu’un conflit civil bouleverse et détruit des institutions essentielles, il peut être extrêmement difficile de reconstruire la société.
Le FMI travaille depuis longtemps avec des pays qui se trouvent dans cette situation. Je suis heureuse que la communauté internationale ait démontré qu’elle intégrait la prise en compte de ces difficultés lors de l’établissement des objectifs de développement durable des Nations Unies en 2015.
Les gouvernements et les organisations qui ont formulé ces objectifs ont reconnu la spécificité des défis auxquels font face les États fragiles, et ils se sont engagés à les aider à relever ces défis. Il est clair que, face à la fragilité, les seules ressources financières ne suffisent pas. Il faut concrètement construire la paix, rétablir la cohésion sociale et mettre en place et faire fonctionner les institutions. Il est essentiel aussi d’assurer une coordination étroite entre les bailleurs de fonds.
Ce type de démarche globale est nécessaire pour établir les bases de la stabilité économique et de la croissance. Le Fonds Monétaire International s’est résolument engagé à fournir des ressources, à prodiguer des conseils, et à collaborer avec les pays fragiles pour qu’ils développent leur capacité à résoudre leurs propres problèmes. Nous pouvons venir ainsi en aide à la République centrafricaine et d’autres pays dans le cadre d’un effort coordonné.
2. Rétablir la cohésion sociale et relancer l’économie
En quoi le rétablissement de la cohésion sociale et la relance de l’économie sont-ils indissociables des autres défis auxquels fait face la République centrafricaine ? Vous le savez, il ne sera possible d’assurer la réconciliation nationale et de consolider la paix qu’en reconstruisant vos institutions et vos infrastructures. Ces défis sont étroitement liés les uns aux autres.
Encore une fois, je suis profondément impressionnée par les progrès que vous avez accomplis jusqu’à présent. Certains de ces progrès relèvent des activités quotidiennes de l’État. Ainsi, la gestion de la trésorerie s’améliore progressivement, la réforme de la fonction publique est en cours et la mobilisation des recettes progresse.
Après son entrée en fonction l’an dernier, le Président Touadéra a lancé le Plan national de relèvement et de consolidation de la paix, qui repose sur trois éléments : sécurité, gouvernance et croissance. Les objectifs du plan en matière de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement sont cruciaux pour la paix. Et la construction de centres sanitaires, d’écoles et d’infrastructures de base, qui occupe une place de choix dans le plan, aidera une population dont les réseaux de solidarité ont été anéantis.
Ce plan met aussi l’accent sur un autre objectif important, celui de renouveler le contrat social qui renforcera la légitimité de l’État. La relation entre les citoyens et l’État doit reposer sur la confiance. Pour établir cette confiance, l’État doit être en mesure de fournir des services sociaux de base et d’assurer la sécurité dans l’ensemble du pays, tout en maintenant une bonne gouvernance et en encourageant la transparence.
Tout cela est essentiel, mais ne représente qu’une partie de la tâche à accomplir.
Après s’être contractée de près de 40 % en 2013, il reste à l’économie centrafricaine un long chemin à parcourir. Les infrastructures ont été ruinées. Les secteurs de l’agriculture, des forêts et des mines n’ont pas retrouvé leur niveau de production antérieur à la crise. Les capacités institutionnelles demeurent faibles. La situation sécuritaire reste fragile dans certaines parties du pays.
Pour compliquer les choses, la reconstruction a lieu à un moment où l’économie mondiale et l’économie de l’Afrique subsaharienne connaissent toutes deux une croissance modérée. Les prix des matières premières ont chuté, et l’accès au financement extérieur est plus limité.
Ces questions sont particulièrement importantes pour la région de la CEMAC, où le bas niveau des prix du pétrole et la fragilité de la sécurité régionale ont un impact considérable.
Lors du sommet de la CEMAC en décembre dernier, j’ai été marquée par la volonté des présidents de coopérer les uns avec les autres dans le but de préserver la stabilité et le développement social, et de rétablir la croissance.
Il est clair que les gouvernements devront agir de manière résolue notamment face aux tensions économiques qui résultent du repli persistant des prix du pétrole. Lors de notre réunion au Cameroun le mois dernier, j’ai assuré aux Présidents des pays de la CEMAC que le FMI était prêt à fournir une aide financière conséquente pour aider la région à affronter cette situation. Dans le même esprit, nous pourrions encore, si besoin, accroître notre aide financière à la République centrafricaine.
Si ces questions nationales et régionales peuvent constituer des obstacles au redressement, je pense qu’il y a aussi des raisons d’être optimiste pour la République centrafricaine. Avec la bonne exécution du Plan national de relèvement et de consolidation de la paix, le FMI prévoit une augmentation annuelle du PIB d’environ 5 % à moyen terme.
La mobilisation des promesses d’aide de vos partenaires, à hauteur de 2 milliards de dollars faciliterait l’exécution du plan et la réalisation de ce résultat.
Pour autant, le gouvernement peut également faire davantage pour accroître le financement disponible en renforçant la mobilisation des ressources intérieures. C’est une question cruciale pour de nombreux pays en développement, particulièrement pour les États fragiles.
Cela est d’autant plus vrai en République centrafricaine, où le taux de recouvrement des recettes fiscales est parmi les plus faibles d’Afrique subsaharienne. Il est insuffisant pour couvrir les dépenses courantes de l’État ou pour financer les programmes sociaux essentiels.
Étant donné l’ampleur du conflit de 2013, cela n’a rien d’étonnant. Mais il y a d’autres dossiers — dont la contrebande généralisée en provenance des pays voisins et les nombreuses exonérations fiscales — sur lesquels il est possible d’agir pour améliorer la situation.
La révision de la législation fiscale dont celle de la TVA constituera un élément important de ce travail. Par ailleurs, le renforcement de l’administration des impôts améliorera le climat des affaires en garantissant une concurrence loyale, tout en permettant d’accroître les recettes.
Nous notons avec satisfaction les efforts déployés actuellement dans ce domaine et nous sommes prêts à partager notre savoir-faire avec les experts centrafricains.
3. Comment le FMI peut-il aider la République centrafricaine ?
J’en arrive à mon dernier thème, à savoir comment le FMI peut aider davantage votre pays à avancer sur la voie de la stabilité et de la croissance.
Comme je l’ai indiqué, l’aide au renforcement du recouvrement des impôts constitue un élément clé de notre partenariat. D’une manière générale, la gestion des finances publiques constitue une partie essentielle de notre contribution au renforcement des capacités en gestion macroéconomique en République centrafricaine.
Nous aidons également votre pays sur le plan financier. Après 2013, nous avons soutenu le processus de transition à l’aide de prêts d’urgence, dont le total a avoisiné les 28 millions de dollars. En parallèle, nous avons coopéré étroitement avec les autorités pour concevoir un plan global de rétablissement de la stabilité économique.
Ensuite, en juillet 2016, à la demande du gouvernement, le Conseil d’administration du FMI a approuvé un accord triennal d’un montant de 120 millions de dollars au titre de notre facilité élargie de crédit. Ce programme a plusieurs objectifs : renforcer le recouvrement des recettes, rendre les dépenses plus efficaces, accroître les dépenses sociales et l’investissement dans les infrastructures, opérer des réformes, et intensifier la mobilisation de l’aide des partenaires au développement. C’est une longue liste d’objectifs, et ils sont tous essentiels pour rétablir la stabilité et la croissance.
Nous lions les objectifs de ce programme à notre assistance technique et au renforcement des capacités. En effet, depuis que nous avons renoué notre partenariat avec la République centrafricaine, nous avons mis l’accent sur le rétablissement d’une gestion efficace des finances publiques et d’une bonne mobilisation des recettes. Notre assistance technique et nos activités de renforcement des capacités répondent à des objectifs précis de manière à suivre les résultats.
Conclusion
J’aimerais conclure mon propos en réaffirmant que le FMI vous accordera son soutien total dans votre quête de stabilité politique, de meilleure gouvernance et de redressement économique.
En préparant cette visite, j’ai été touchée par les paroles prononcées par le Pape François lors de sa visite en République centrafricaine en 2015 : "La paix n’est pas un document qu’on signe et qui reste là. La paix se fait tous les jours ! La paix est un travail artisanal, elle se fait avec les mains, elle se fait avec sa vie".
Ce qui vaut pour la paix, vaut pour le développement. Je vous assure que le FMI est à vos côtés dans cette voie.
Je vous remercie de votre attention.
Christine Lagarde , Directrice générale du F.M.I le 25 janvier 2017