CEDEAO : discours d'Issoufou Mahamadou président en exercice de la CEDEAO

Discours d'Issoufou Mahamadou président de la République du Niger, président en exercice de la CEDEAO

à l'ouverture du sommet extraordinnaire de la CEDEAO du jeudi 23 avril 2020 sur le covid-19:

Niger confvisio 0visioconférence@sp/com/or

  • Excellences Messieurs les chefs d'Etat et de gouvernement,
  • Monsieur le président de la commission de l'Union africaine,
  • Monsieur le président de la commission de la CEDEAO,
  • Monsieur le représentant du secrétaire général des Nations-Unies,pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel,
  • Mesdames et Messieurs,

 

Niger confvisio 1Permettez moi de vous souhaiter la chaleureuse bienvenue au présent sommet extraordinaire. Je vous remercie de votre participation en dépit de votre calendrier que je sais très chargé.

Permettez moi aussi de saluer la présence parmi nous du président Umaro Sissoco Embalo qui participe pour la première fois à notre conférence. Je lui présente toutes mes félicitations pour sa brillante élection à l'occasion de la récente élection présidentielle en Guinée Bissau.

  • Mesdames et Messieurs,

 

C’est la première fois, dans son histoire, qu’un Sommet de notre organisation se tient par visio-conférence. Cela seul suffit pour comprendre que les circonstances qui nous y ont obligés sont d’une extrême gravité.

Il y a quelques mois, personne ne pouvait imaginer que tout s’arrêterait brusquement : le travail, l’économie, la vie sociale. Personne ne pouvait imaginer que toutes les frontières terrestres, maritimes et aériennes de tous les pays du monde seraient fermées. Ces mesures n’ont pas été dictées par l’occurrence d’une guerre mondiale mais par un virus, le covid 19. Apparu au mois de décembre 2019, il touche aujourd'hui tous les pays et tous les continents. La crise sanitaire qu’il a créée a des conséquences humaines, sociales et économiques dont on est loin de pouvoir mesurer l’ampleur.

Sur le plan humain, plus de 2,6 millions de personnes sont infectées dans le monde à la date du 22 avril 2020. On enregistre, à la même date, plus de 180 milles morts.

Sur le plan social, la pauvreté va s’aggraver, le nombre de personnes exposées à la faim va doubler, le chômage et les inégalités vont s’amplifier.

Sur le plan économique le monde va connaître une crise sans précédent depuis celle de 1929.

  • Mesdames et Messieurs,

 

Déjà ébranlée par le défi sécuritaire, notre région comme toutes les autres régions du monde, n’est pas épargnée par cette pandémie. Elle a enregistré le premier cas de COVID 19 le 28 février 2020 et depuis, le virus se propage à une vitesse exponentielle. A la date du 22 avril, on compte 5 574 personnes infectées dans tous les pays membres et 147 personnes décédées. Permettez-moi, en votre nom, de souhaiter un prompt rétablissement aux personnes infectées et de présenter nos sincères condoléances aux familles endeuillées. Je vous demande d’observer une minute de silence à la mémoire des personnes disparues.

Permettez- moi de saluer et de féliciter tous les pays membres de notre organisation pour les mesures fermes et appropriées qu’ils ont prises pour endiguer la crise sanitaire et ses conséquences sociales et économiques. Les ripostes nationales que nous avons mises en place doivent être agrégées dans un plan régional de riposte conformément aux principes fondateurs de notre organisation, à savoir:

- solidarité et autosuffisance collective,

- coopération inter-Etats, harmonisation des politiques et intégration des programmes,

- règlement pacifique des différents entre les Etats membres, coopération active entre pays voisins et promotion d'un environnement pacifique comme préalable au développement économique,

- répartition juste et équitable des couts et des avantages de la coopération et de l'intégration économique.

Sur la base des ces principes, le plan de riposte face à la pandémie doit mettre l'accent entre autres:

- au plan de la santé : sur la production massive et la mise à disposition de masques dont le port doit être obligatoire, sur le renforcement de l’organisation Ouest-africaine de la Santé -OOAS-, sur l’opérationnalisation des institutions nationales de coordination -INC- en charge du contrôle et de la prévention des maladies dans tous les pays membres, sur l’intensification de la lutte contre les faux médicaments dans notre espace, sur la coopération sanitaire aux frontières des pays membres, sur la gestion harmonisée des lieux de culte etc….

- au plan socio-économique : sur la mise en place d’un plan de soutien aux personnes et ménages vulnérables permettant un accès aux produits de première nécessité, sur l’adoption de mesures d’accompagnement fiscal pour les entreprises du secteur formel et informel, en particulier les PME, sur la facilitation de la circulation des marchandises, particulièrement les produits de première nécessité, sur les démarches nécessaires à entreprendre en vue de l' annulation de la dette des pays membres et au delà des pays de l'ensemble de notre continent.

C'est le lieu de saluer et de féliciter les Nations-Unies, l'Union africaine, le G20, le FMI, la Banque mondiale, la BAD, pour les initiatives déjà prises mais il faut aller plus loin.

En rapport avec l’UA nous devons coopérer avec les autres régions en vue de concevoir et de mettre en œuvre un plan de riposte continental.

  • Mesdames et Messieurs,

 

Les différents plans de riposte face à la pandémie doivent être prolongés par des plans post-pandémie. Notre région doit mettre en place un groupe technique de travail pour réfléchir sur l'impact socio-économique et les conditions de reprise post-crise. Ce groupe doit nous proposer un plan d'investissement communautaire qui doit s'attaquer aux contraintes structurelles. Ce plan d'investissement prioritaire doit résoudre de manière définitive les contraintes structurelles pour la nécessaire industrialisation, condition sine qua none pour notre émergence économique à travers notamment:

- la maîtrise des facteurs de production: énergie, transport, et NTIC,

- la création de pôles industriels visant la transformation des avantages comparatifs de chaque pays. À titre illustratif, nous pouvons prospecter les industries du chocolat, du café, de la viande, du riz, du textile, de la pétrochimie,

- la modernisation et la transformation de l'agriculture,

- la création de centres d'enseignements et de santé de référence dans la zone,

- la création de champions régionaux dans les domaines de la finance, de la logistique, de l'aviation pour ne citer que ceux là.

Ce plan doit donc porter sur le renforcement de notre intégration et au delà sur la contribution de notre région à l'accélération de la mise en œuvre de l'agenda 2063, sur sa contribution à la conception et à la mise en œuvre d'une nouvelle gouvernance politique et économique mondiale. En effet, avec la globalisation toutes les conditions sont réunies pour que l' effet papillon joue à plein régime. Les petites causes produiront de plus en plus de grandes conséquences. Le vase est plein et toute goutte d'eau peut le faire déborder facilement. Les méga-risques notamment sanitaires et climatiques seront de plus en plus fréquents.

Nous devons donc partager tous équitablement les risques comme les avantages de la globalisation. Voilà pourquoi, il faut gérer notre planète avec prudence. Voilà pourquoi est nécessaire un nouveau paradigme pour la gouvernance mondiale. La dignité, l'égalité, la justice et la solidarité telles sont entre autres les valeurs qui doivent fonder cette gouvernance. J'en appelle donc à la prise en compte de ces valeurs. J'en appelle en particulier à l'annulation de la dette des pays en développement.

C'est sur ces appels que je déclare ouverts les travaux du présent sommet extraordinaire.

Je vous remercie.

Le 23 avril 2020