Bilan des autorités de la transition en matière des forces armées et recommandations aux nouvelles autorités démocratiquement élues.
D’ici le 30 mars 2016, la transition politique mise en place en janvier 2014 va prendre fin. A la radio et à la télévision, nous avions assisté ces dernières semaines aux bilans parfois laconiques et mitigés de certains membres du gouvernement de transition. Certains ont voulu faire croire qu’ils ont réalisé des exploits alors que tout le monde sait quel est la réalité des choses. Le but de cette réflexion est de dresser le bilan des actions menées par cette même transition concernant les Forces Armées Centrafricaines qui, restera un pilier essentiel de la reconstruction d’une nation forte et prospère.
Il n’est de secret pour personne que depuis plus de deux décennies, la descente aux enfers des FACA est la principale cause d’instabilités politiques chroniques et de crises politico-militaires à répétition dans le pays. Par conséquent l’heure est venue pour que l’on décide enfin de faire de cette armée, une armée véritablement républicaine, multiethnique et disciplinée qui a pour seule mission de défendre la nation. Une armée qui doit prendre ses distances avec la politique et laisser ce rôle aux civils.
De prime abord, notons clairement que les autorités de la transition à commencer par Mme la Présidente de la République et tous les ministres qu’elle a nommé à la tête du département de défense sont passés à côté de la plaque et ont connu des échecs cuisants en raison de leurs gestions passives, catastrophiques et abracadabrantes des dossiers militaires. D’ailleurs, le dernier ministre a fait piètre figure et est venu en aventure tel un éléphant dans un magasin de porcelaine mettre tout sans-dessus sans-dessous. Il faut par conséquent faire attention pour qu’à l’avenir on ne puisse pas nommer de pareilles personnes aux caractères baroques, dépourvu de connaissance du milieu militaire, à la tête d’une institution aussi complexe et technique. La situation dans laquelle les FACA sont tombées et qui défraie la chronique devrait interpeller les uns et les autres (politiques et militaires). Malheureusement les gens se sont amusés avec les centrafricains sur ce volet.
Ce qui se passe dans notre pays s’agissant des FACA n’a pas de similitude ailleurs. Il faut retenir définitivement que la descente aux enfers des FACA avec les défaites successives devant les rebellions (Libérateurs et Séléka) est le fait de la gestion calamiteuse et clanique des régimes politiques qui au lieu de créer un réel outil de défense républicain, avaient choisi délibérément de bricoler une armée de protection des pouvoirs. Voilà pourquoi les FACA à chaque régime devaient prendre la coloration ethnique du Président en place et qu’en plus son fonctionnement était essentiellement basé sur des considérations purement subjectives avec des nominations et des promotions fallacieuses et fantaisistes à des postes de responsabilités. Ce qui bien entendu a fini par ternir l’image de l’armée centrafricaine et par là affaiblir totalement l’appareil militaire. On pouvait voir dans un régime récent des subalternes dotés avec tous les moyens de travail (véhicules, carburant et finances) alors que leurs supérieurs hiérarchiques étaient là entrain de pétrir sans que cela ne gêne ceux qui sont aux commandes et qui savent que cette situation allait tout naturellement conduire à la décadence. Ce qui fut arrivé et dont les conséquences sont malheureusement partagées par tous et même par le paisible citoyen.
A vrai dire, le régime de transition, dirigé par Mme Catherine Samba-Panza était ce régime salutaire appelé à faire table rase de ce tableau sombre pour permettre de remettre les choses au moins en ordre avant de passer le flambeau aux futurs autorités démocratiquement élues. Peine perdue ! Le bilan est totalement négatif voire pire que ceux des régimes précédents. Que reprochera-t-elle à Bokassa, Kolingba, Patassé, Bozizé et Djotodia ?
Bref ! Le régime de transition qui s’éteint n’a pas cherché à faire mieux et a lamentablement échoué. Voici alors quelques faits qui soutiennent cette thèse :
1-Excepté des discours au contenu trop souvent politicien et vide, le régime n’a même pas formé, entraîné et équipé ne fut ce qu’une seule section de 35 hommes. On attend que tout soit accordé par les étrangers alors que les quelques moyens que l’état dispose n’ont servi aux uns et aux autres que de s’enrichir par l’achat de nombreuses villas et propriétés à Bangui comme à l’étranger;
2-Nominations fantaisistes aux postes de responsabilités avec des ministres et des directeurs de cabinet incompétents caractérisés par leur inertie et leur manque pathétique de vision, animé par un seul souci celui d’en mettre plein la poche;
3-Des promotions à l’emporte-pièce comme c’est le cas en cours où officiers et sous-officiers passent deux crans de grade comme si on n’était pas au 21e siècle ;
4- Aucune mesure concrète n’a été prise pour restructurer les FACA ;
5- Abandon total des FACA sous prétexte qu’il y’a un embargo alors qu’aucun pays au monde n’a connu cette situation
Ce qui se passe dans les FACA aujourd’hui est atypique et ne se trouve nulle part dans aucun pays au monde. Jamais et jamais et surtout en ce 21e siècle, on ne peut accorder deux crans à un soldat fut-il officier ou sous-officier sauf dans des républiques bananières comme le dit Mahaman dans ses émissions sur RFI. Nous pouvons être démentis si ce n’est pas vrai ce que nous disons. Nous agissons comme si tout ce qui s’est passé dans ce pays n’a servi à rien.
Comment voulez-vous que quelqu’un qui n’a pas la qualification, ni la formation requise puisse sauter deux crans de galon comme dans un rêve, alors que ceux qui sont ses anciens et qui n’ont pas parfois démérité, sont là depuis des années. Celui-là est-il plus loyaliste, plus républicain, plus militaire que qui ? Comment en deux années de pouvoir de transition certains peuvent-ils avoir deux galons successivement ? Qui vont-ils commander avec ces galons? Quelles autorités auront-ils en face de la troupe ? Non ! Cette situation est contre nature et cause d’énormes frustrations et c’est dommage pour le peuple qui va continuer à souffrir à cause de ces agissements inconséquents et purement rétrogrades. C’est une honte devant la communauté internationale qui nous regarde et qui n’a que ses yeux pour déplorer cet état piteux des choses. Rappelons simplement que c’est la somme de ces frustrations qui ont occasionné tout ce que nous avions connu comme défaites cuisantes successives de l’armée. Malheureusement tout le malheur qui arrive au peuple centrafricain n’interpelle personne.
Quand les choses ne marchent pas, il faut avoir le courage de les dénoncer et de les changer. La République centrafricaine ne doit plus continuer à rester en marge de la marche du monde avec une armée qui est aux antipodes de ce qui est universellement admis.
Qu’est ce qui fait la différence aujourd’hui entre Samba-Panza et Djotodia ? Aucune ! Puisque ce sont les mêmes méthodes que Djotodia avait utilisé pour nommer ses rebelles de 2e Classe au grade de général que Samba-Panza et son tonitruant ministre de défense Joseph Bidoumi ont utilisé en donnant des galons (2 crans) aux gens qui dans le fonds et dans la forme ne méritent pas. Des galons ont été même donnés à ceux qui ont commis des crimes crapuleux et odieux sur la paisible population. C’est effarant !
Nous sommes également surpris que la Chef d’Etat, bien qu’entourée des généraux ressortissants d’écoles d’officiers ne soit pas conseillée de manière logique pour prendre des décisions selon les statuts militaires. Tout semble donner raison à ceux qui pensent que ces anciens ne sont pas capables de transmettre les valeurs sures à la jeune génération.
Il y’a aujourd’hui bien des soldats (officiers, sous-officiers et hommes du rang) qui, depuis des années subissent de l’injustice du fait de ces promotions hasardeuses et inconséquentes. Comme des bâillonnés, ils ne peuvent dire un mot mais n’accepteront jamais être commandés par des parachutés affaiblissant ainsi le commandement dans les Forces armées.
La frustration est tellement grande qu’il faille rapidement réparer l’injustice de plus en plus insupportable dans les rangs des FACA sinon, il sera difficile de les ressouder pour en faire un outil de défense réellement républicain que tout le monde clame à cor et à cri. Il est urgent de copier ce que les congolais de Brazzaville et burkinabé ont fait en votant une loi de régularisation de position administrative de grade pour permettre à ceux à qui des torts ont été causés de retrouver leurs droits. Ce ne sera que justice faite.
Fort de tout ce qui précède, des recommandations objectives et réalistes suivantes sont faites aux nouvelles autorités démocratiquement élues :
1- Choisir et nommer des chefs politiques et militaires (Ministre de défense et chef d’état-major) capables de redonner l’image de marque aux FACA par une gestion orthodoxe et parcimonieuse;
2- Mettre en place une mission parlementaire d’audit des ressources humaines pour essayer de faire la lumière sur l’injustice chronique dans les FACA ;
3- Faire adopter une loi de régularisation administrative de grade du personnel militaire afin de faire justice à ceux qui ont été maltraités ;
4- S’atteler de façon particulière aux travaux de réforme sérieuse et réaliste des FACA en s’appuyant sur des propositions concrètes et réalistes ;
5- Arrêter définitivement tout ce qui est promotion à titre exceptionnel, une aberration à la centrafricaine. Il faudra renouer avec les tableaux d’avancement qui sont les procédés normaux de passation de grade dans toutes les armées qui se respectent.
6- Ne pas s’appuyer sur des considérations ethniques, régionalistes et subjectives pour nommer aux différents postes de responsabilité.
Nous restons convaincus que le professeur Faustin Archange Touadera, homme de rigueur et compétent, professeur d’université, mathématicien de surcroît et démocratiquement élu, ne s’hasardera pas à emboîter les pas des fossoyeurs de la République et des FACA. L’histoire ne doit plus se répéter en Centrafrique.
Collectif des officiers pour un réel changement.
Le 25 mars 2016