La République centrafricaine traverse depuis plusieurs années déjà une crise multidimensionnelle qui, malgré tous les efforts de soutien et d’accompagnement de la communauté internationale, peine à être résorbée pour laisser définitivement la place à la Paix.
C’est dans le but de privilégier la Paix et le redressement socio-économique qu’au lendemain des élections générales de 2015-2016, le KWA NA KWA a fait le choix d’accompagner les autorités nouvellement élues, notamment le président de la République, chef de l’Etat, le Pr Faustin Archange Touadera, sans réclamer aucune contrepartie dans l’unique souci de favoriser l’instauration d’une stabilité politique qui elle-même devait permettre d’amorcer le délicat virage de la réconciliation nationale et d’envisager sereinement un avenir pour notre pays où le triptyque Paix - Sécurité - Justice devrait garantir le développement du Centrafrique pour le bien de tous ses enfants.
Malheureusement, après avoir soutenu la politique du chef de l’Etat durant 3 longues années, laquelle politique que nous n’avons ni contribué à élaborer ni à mettre en œuvre, l’évidence nous est apparue que le pays courait à nouveau le risque d’un naufrage collectif et ne souhaitant pas être comptable des échecs successifs de ce régime, il nous a fallu quitter la majorité afin œuvrer désormais dans l’opposition démocratique et proposer une alternative à la gouvernance actuelle au Peuple centrafricain.
C’est pourquoi, au nom du président fondateur du KWA NA KWA, au nom du Bureau politique, au nom de toutes les ouvrières et de tous les ouvriers, nous déclarons ce qui suit :
I. Du retour en République centrafricaine de S.E. François Bozié Yangouvonda
Il n’est un secret pour personne que le Pouvoir en place s’est évertué à entraver autant que faire se peut le retour en République centrafricaine de l’ancien président François Bozizé Yangouvonda. C’est pourquoi après avoir laissé la possibilité au président Touadera de faire preuve de bonne foi et de bonne volonté, le KWA NA KWA a porté sur la place publique le refus de renouveler le passeport diplomatique de son président fondateur par l’actuel chef de l’Etat à qui ce document de voyage a été remis en mains propres. De même, le retard volontaire dans le projet de Loi portant sur le Statut des anciens chefs d’Etat ou encore la prise de la circulaire inique faisant interdiction aux compagnies aérienne desservant la République centrafricaine d’embarquer François Bozizé Yangouvonda à destination Bangui sont autant de manœuvres dilatoires destinées à empêcher ce dernier de rentrer dans son pays.
C’est pourquoi, le président fondateur du KWA NA KWA a pris la résolution de rentrer à Bangui dans les tous prochains jours à une date qui sera officiellement communiquée sous peu. A cet effet, nous invitons les autorités à prendre langue avec notre formation politique afin d’organiser ce retour dans la dignité et la quiétude de tous.
II. De la création du comité stratégique d'appui au processus électoral
Le premier ministre, chef du gouvernement a cru bon, à l’image de l’un de ses prédécesseurs, de mettre en place par Arrêté n°058 du 18 novembre 2019 un "Comité stratégique d’appui au processus électoral". Il a, par ce biais, omis de considérer que le précédent comité du même type présidé par l’ancien premier ministre Mahamat Kamoun avait été instauré durant la période d’exception qu’était la Transition.
Il ne saurait en être de même aujourd’hui alors que le retour à l’ordre constitutionnel est effectif depuis le 30 mars 2016 et que la Constitution de notre pays dispose en son article 144 alinéa 1er que "l’Autorité Nationale des Elections est un organe pérenne, indépendant et autonome" qui ne saurait donc être inféodé à un quelconque comité, aussi "stratégique" soit-il. De plus, le second alinéa de ce même article de la Constitution du 30 mars 2016 consacre la compétence de l’Autorité Nationale des Elections -ANE-"en matière de consultations et élections générales" sans faire référence à la possibilité de créer un autre organe.
Aussi, le KWA NA KWA exhorte-t-il le premier ministre à revenir à la raison et à retirer purement et simplement cet arrêté qui constitue un facteur aggravant supplémentaire de la crise électorale qui se profile à l’horizon.
III. De la prolongation du mandat du président de la République et des députés
Le processus électoral devant nous conduire aux élections groupées prévues pour la fin de l’année 2020 peine à démarrer, et ce pour plusieurs raisons. Outre les questions liées à l’insécurité qui sévit sur la majeure partie du territoire de notre pays, des problèmes liés à la mobilisation des ressources financières ainsi qu’au cadre légal devant encadrer l’ensemble du processus rendent le respect des délais constitutionnels de plus en plus hypothétique.
Face au risque de vide institutionnel qui plane, des apprentis sorciers pseudos experts en droit constitutionnel ont concocté un projet de Loi Constitutionnelle destiné à aménager la possibilité de voir les mandats du président de la République et des députés être prorogés jusqu’à la tenue effective de nouvelles élections générales, à l’image du précédent connu sous le président François Bozizé Yangouvonda et qui avait permis de préserver la stabilité institutionnelle à l’époque.
S’il n’est point besoin de rappeler que les contextes diffèrent du tout au tout, il n’est pas superflu de préciser que l’article 35 de notre Loi fondamentale en son alinéa 3 stipule "qu’en aucun cas, le président de la République ne peut exercer plus de 2 mandats consécutifs ou le proroger pour quelque motif que ce soit".
A la lumière des dispositions de la Loi Fondamentale, le KWA NA KWA s’étonne qu’une telle initiative ait pu germer dans l’esprit des ténors du régime actuel et en appelle au bon sens des uns et des autres pour éviter l’instauration d’un régime non seulement illégitime mais qui plus est illégal.
IV. Du deguerpissement des ex-combattants de la séléka du camp Béal
Le KWA NA KWA déplore la brutalité avec laquelle l’opération ayant conduit au déguerpissement du camp Béal a été menée car elle a débouché sur la mort de plusieurs femmes et enfants qui ont fait les frais de l’exercice de la violence sans discernement dont font de plus en plus preuve les forces de l’ordre sous le régime du président Touadera.
V. Du panier de la ménagère et des conditions de vie de la population
L’absence d’électricité, les pénuries d’eau, la lenteur dans l’assistance aux sinistrés des inondations et la cherté de la vie sont autant de maux qui minent le quotidien des centrafricains et qui rendent de plus en plus difficile la coexistence pacifique entre ces derniers qui assistent quotidiennement aux déballages médiatiques sur les scandales de détournements des deniers publics et de transferts de fonds à l’étranger dont les origines peines à être justifiées.
Les inégalités sociales qui se renforcent et le fossé qui se creuse davantage entre "les nouveaux riches" et le reste de la population centrafricaine constituent à n’en point douter une véritable menace pour la paix et la stabilité sociale.
VI. De la dégradation de la situation sécuritaire et de l'accord du 6 février 2019
Depuis la signature de l’Accord du 6 février 2019 dit "Accord de Khartoum", il est enregistré en moyenne 70 violations dudit accord chaque semaine, dixit Mankeur Ndiaye, Représentant spécial du secrétaire général des Nations-Unies, chef de la MINUSCA lors de la présentation de son rapport devant le Conseil de Sécurité des Nations-Unies.
A titre d’illustration, nous pouvons citer les massacres de Zangba, Mingala, Batangafo ou encore de Paoua. Nous pouvons également mentionner la multiplication des barrières illégales, la nomination de responsables d’une administration territoriale parallèle à celle de l’Etat centrafricain par le chef de l’UPC tel que récemment encore dans le Haut Mbomou, préfecture récemment passée sous son contrôle effectif sans que le gouvernement et la MINUSCA n’aient à ce jour réagi de manière efficace et adéquate.
Face à ce constat qui porte la comptabilité du nombre total de violations de l’Accord de Khartoum à plus de 2 000 violations à ce jour, le moment de se demander si cet accord a encore des raisons d’exister est plus que jamais venu.
C’est pourquoi face à l’attitude dogmatique et irresponsable du gouvernement et d’une certaine communauté internationale, qui s’est accoquinée avec certains de nos responsables, qui estiment que cet accord est "l’unique" voie de sortie de crise, le KWA NA KWA rappelle que même les dogmes religieux sont parfois l’objet de vives contestations et qu’un document rédigé par des hommes susceptibles de se tromper, tout accord soit-il, mérite, au vu de l’évolution de la situation politico-militaire de la République centrafricaine, d’être revisité et que le génie centrafricain soit mis à contribution dans la recherche effective de la Paix.
De tout ce qui précède, le KWA NA KWA réitère l’appel lancé du haut de la tribune du Palais de la CEMAC le 12 août 2019 par le Grand Ouvrier secrétaire général, l’Honorable Bertin Béa et repris par le Rassemblement démocratique centrafricain le 22 novembre 2019 dans la déclaration n° 003/RDC/BP/P.19 pour une concertation urgente de toutes les forces politiques et sociales en vue de trouver la réponse appropriée à cette nouvelle crise instaurée par le régime actuel.
De même, le KWA NA KWA informe l’opinion publique nationale et internationale du lancement dans les prochains jours d’une vaste campagne d’information du public sur les graves et inadmissibles dérives du Pouvoir en place.
Fait à Bangui le 26 novembre 2019
Pour le Bureau politique - Le grand ouvrier secrétaire général - Honorable Bertin Béa